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Rouffignac grotte
Rouffignac, la grotte aux cent cinquante mammouths
Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reillac
Périgord
Avec 158 représentation de mammouths, Rouffignac présente plus de 50% des mammouths de l’art pariétal !
Situation
La grotte de Rouffignac, un peu en dehors des circuits touristiques habituels, se trouve sur la commune de Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reillac, à 4 km au sud du village. A seulement 15 kilomètres des Eyzies-de-Tayac (en passant par la D31), elle mérite un détour. L’ouverture de la grotte se situe sur le flanc droit de la vallée de Labinche (affluent du Manaurie). La grotte est située sur le plateau calcaire de Légal, au milieu de la forêt. On pénètre dans la grotte par l’un de ses trois porches naturels, probablement le seul qui était accessible au Paléolithique.
Dans le passé plusieurs noms ont été attribués à Rouffignac, comme la grotte de Miremont, le Cro des Cluzeau ou le Cro de Granville.
La découverte de la grotte de Rouffignac
La grotte de Rouffignac est connue depuis le XVème siècle puisque qu’à l’époque on y exploitait déjà de l’argile. L’écrivain voyageur François de Belleforest publie en 1575 Cosmographie Universelle où il décrit, en autres, « des painctures en plusieurs endroits et la trace ou marques de pas de plusieurs sorte de bestes grandes et petites« , montrant que les représentations étaient déjà visibles. En 1947, un groupe de spéléologues périgourdins(B. Pierret et R. Faccio) signale également les œuvres pariétales. Mais c’est le 26 juin 1956 que Louis-
René Nougier, Romain Robert, Charles et Louis Plassart décrivent précisément les représentations pariétale. En 1956, après une deuxième visite de la grotte ornée (1), l’abbé Breuil fait une communication à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Une polémique naît à l’époque sur l’authenticité des œuvres pariétales. Les conclusions de l’abbé Breuil et des inventeurs de la grotte sont contestées, entre autres, par le préhistorien Séverin Blanc qui n’avait vu lors de sa visite que de « pâles copies, faites à la fumée« … Une commission internationale constituée de préhistoriens viendra clore le débat en authentifiant sans réserve les représentations d’art pariétal de la grotte, trois mois après sa découverte. La « guerre des mammouths » était terminée…
Les fouilles et les recherches vont pouvoir alors commencer afin de répertorier l’intégralité des figures, ainsi que les traces d’occupation du porche d’entrée de la cavité.
En 1957 Rouffignac est classée monument historique.
Actu 2020 : de nouvelles gravures et une peinture ont été découvertes dans des petites galeries moins accessibles de la grotte de Rouffignac.
La grotte de Rouffignac
Rouffignac présente le plus grand réseau karstique du Périgord. Si les galeries sont maintenant asséchées, il subsiste, au niveau inférieur (non visitable), un petit ruisseau. Au total, c’est plus de 10 km de galeries, répartis sur 3 niveaux. C’est l’eau infiltrée dans le calcaire qui a commencé à creuser les galeries il y a 70 millions d’années. Le processus s’est poursuivi jusqu’au début de l’Ere tertiaire (-65 millions d’années). Au Quaternaire, les galeries sont creusées. Les études géologiques et topographiques montrent que la cavité avait un aspect identique au Paléolithique, lorsque les hommes la parcouraient il y a plus de 10 000 ans. « Un réseau qui a été intégralement parcouru par les hommes préhistoriques puisque on y trouve des représentations gravées, imprimées ou dessinées en noir au fin fond des ramifications les plus éloignées de l’entrée paléolothique » indique le préhistorien Denis Viallou.
Le sol de la grotte est recouvert d’argile avec quelques dalles rocheuses issues d’éboulements du plafond. Enchassés dans les parois, des rognons de silex dépassent de la paroi, et délimitent souvent les zones ornées.
L’ours, premier « visiteur » de Rouffignac
Plusieurs espèces d’ours se sont succédé dans la grotte de Rouffignac. Ils ont laissé trois types de traces encore visibles. A de nombreux endroits la paroi est lacérée de stries verticales, correspondant à des griffades d’ours. Comme à Bara-Bahau, certaines griffades d’ours ont été utilisées graphiquement, ou recouvertes par les artistes du Paléolithique.
Le sol a également été creusé par les plantigrades afin d’aménager des sortes d’immenses « nids », des bauges, dans lesquels ils se couchaient pour hiberner (voir photo à gauche). Dernières traces involontaires, les scientifiques ont mis au jour des ossements d’ours dans les bauges, preuves que certains d’entre eux ne sortaient pas vivants de leur période d’hibernation !
La présence de l’ours des cavernes est donc bien antérieure à la venue de l’homme dans la cavité.
L’art préhistorique à Rouffignac
Il y a 13 000 ans environs, les hommes du Magdalénien se sont enfoncés dans les galeries de Rouffignac. Si le trajet nous paraît simple d’accès aujourd’hui, il faut penser qu’à l’époque la progression se faisait à la lueur d’une lampe à graisse. Les vascillements de la flamme devaient rendre les galeries presque effrayantes… Malgré cela, les Magdaléniens sont allés au plus profond des cavités, nous laissant des dessins et des gravures très spécifiques.
« Les dessins peints et gravés sont répartis dans la majeure partie des galeries de l’étage supérieur, mais leur densité varie selon les secteurs ; le public visite les zones où leur concentration est la plus forte » (2).
Techniques artitistiques utilisées à Rouffignac
Deux méthodes ont été utilisées par les Magdaléniens de Rouffignac pour orner les parois, selon le support et la dureté de la roche. Pour le dessin, ils se sont servis de morceaux de bioxyde de manganèse, formant ainsi des figures noires sur la roche claire. Pour la gravure, ils ont eu recours à des burins de silex, des ossements, des outils de bois ou, si la craie était tendre, ils ont simplement usé de leurs doigts !
Les représentations
Au total, les préhistoriens Frédéric et Jean Plassard ont dénombré 255 représentations dans la grotte. A cela s’ajoute les tracés digitaux non figuratifs (les fameux « macaronis » décrits par l’abbé Breuil). Si les mammouths représentent plus de 60% des figures de la grotte, on y trouve également des bisons, chevaux, bouquetins et rhinocéros qui donnent des indications précises sur la faune il y a 13 000 ans. Les signes ne sont pas absents, notamment avec la présence des fameux tectiformes (5,5%), dont la signification nous échappe encore totalement. A noter également des tracés digitaux qui forment des enchevêtrements de lignes qui ne sont pas identifiés, mais qui recouvrent 500 m2 de surface !
La majorité des figures se trouve à l’étage supérieur (Grand plafond, Galerie Breuil, Voie sacrée) et aux points de connexion entre les différents niveaux.
Représentations à Rouffignac
Représentation | Nombre | % du total |
mammouth | 158 | 62 |
bison | 29 | 11,4 |
cheval | 16 | 6,3 |
bouquetin | 12 | 4,7 |
rhinocéros | 11 | 4,7 |
ours | 1 | 0,4 |
humain | 4 | 1,60 |
serpent | 6 | 2,40 |
tectiforme | 14 | 5,5 |
indéterminé | 4 | 1,6 |
Total | 255 | 100% |
Tracés en « macaroni » : 500 m2
Tableau Jean Plassard CNRS Editions
Les mammouths
La particularité de Rouffignac reste la grande proportion de représentations de mammouths gravés ou peints sur les parois. Cet animal est en effet assez rarement figuré dans l’art pariétal. Avec ses 158 représentations de ce pachyderme, Rouffignac représente plus de 50% des 300 figures de mammouths(3) dans tout l’art paléolithique !
Le nom de » grotte aux cent mammouths » est donc largement mérité.
Les figures de mammouths sont très différentes les unes des autres : du simple trait évoquant la ligne de dos à l’animal complet avec détail de l’œil, des poils et de l’opercule anal… Une certaine unité de style se dégage (propre à Rouffignac), malgré la diversité des techniques employées : dessin, gravure…
En savoir plus sur le Mammouth.
Les autres figures
Comme toujours dans l’art des cavernes, autour du thème central gravitent d’autres sujets. A Rouffignac, ce sont des bisons, des chevaux, des bouquetins et des rhinocéros laineux. Il s’agit là d’animaux contemporains les uns des autres et emblématiques de la dernière période glaciaire dans notre région.
L’endroit de la grotte où la diversité des thèmes est la plus forte, est le Grand Plafond : 65 animaux s’y entremêlent au-dessus d’un puits donnant accès aux étages inférieurs de la caverne. Le désordre apparent de cet ensemble n’a rien d’inhabituel dans l’art des cavernes. Au contraire, une autre spécificité de l’art de Rouffignac réside dans la facilité avec laquelle les artistes ont construit de véritables frises. Ce sont des ensembles structurés, homogènes, témoignant le plus souvent, d’une véritable mise en page. La frise des dix mammouths fournit l’un des exemples les plus spectaculaires.
Les signes et serpentiformes
Les tracés digitaux sont réalisés dans de l’argile tendre. On les retrouve à différents endroits de la grotte, soit associés à des éléments figuratifs (comme des mammouths), soit seuls sur un panneau. Ces enchevêtrements de lignes ne représentent rien de spécifique, ou tout du moins rien que nos yeux actuels puissent identifier. Nommés macaronis par l’abbé Breuil, ils sont généralement classés dans les serpentiformes.
Comme pour d’autres grottes, des signes en forme globale de « toit » sont également présents à Rouffignac. Appelés tectiformes on en dénombre ici 14. Leur signification reste inconnue.
Datation de Rouffignac
Aucune datation directe n’a été effectuée sur les représentations. Quelques petites similitudes de styles avec des grottes proches comme Les Combarelles, Bernifal, Font-de-Gaume, on fait attribuer les représentations de Rouffignac au Magdalénien il y a – 13000 ans. Cette méthode correspond au style IV de Leroi-Gourhan, qui n’est plus aujourd’hui utilisée.
En savoir plus sur les méthodes de datation.
L’histoire continue
Après le passage des artistes des temps glaciaires, la grotte continua d’être accessible. Les hommes du Mésolithique (des chasseurs-cueilleurs dans l’environnement post-glaciaire), installèrent leur campement à plusieurs reprises sous le porche d’entrée. Ils abandonnèrent les vestiges de leurs repas (sanglier, cerf, chevreuil,..) ainsi que leur outillage en silex et en os. Plusieurs millénaires plus tard, à la fin de l’Age du bronze, c’est-à-dire durant le dernier tiers du deuxième millénaire avant le Christ, d’autres populations jetèrent une nouvelle fois leur dévolu sur la caverne et en firent une nécropole. On a alors incinéré des défunts à l’entrée de la grotte avant de déposer leurs cendres sur le sol de certaines galeries. Des offrandes accompagnent souvent ces dépôts : céramiques en général, objets en bronze de façon exceptionnelle. Cette pratique a perduré jusqu’à la période gauloise. Historiquement, la grotte est connue depuis longtemps. François de Belle-Forest dans sa « Cosmographie universelle » en donne une description dès 1575. Un premier plan de la cavité est levé au milieu du 18e siècle, alors que les curieux sont de plus en plus nombreux à fréquenter les lieux. De nombreux graffitis, présents dans toutes les galeries, témoignent aussi de cette fréquentation ancienne.
Une visite originale… en train !
La grotte est ouverte et aménagée pour le public en 1959. Depuis cette date, c’est à bord d’un train électrique que les visiteurs découvrent ce labyrinthe souterrain. Une telle installation rend le site accessible à tous, mais constitue d’abord un atout en matière de préservation du lieu. En effet, une grotte est un milieu à l’équilibre précaire. La présence d’art préhistorique rend le respect de cet équilibre encore plus indispensable. Concilier visite et conservation implique des précautions particulières, comme la limitation du nombre des visiteurs ou la gestion des éclairages, tant en durée qu’en puissance. Dans un tel contexte et compte tenu des dimensions de la cavité, le recours au train permet de canaliser le public, de transporter l’éclairage, et garantit une certaine discrétion à notre fréquentation répétée de la caverne.
Une heure d’exploration permet au visiteur d’appréhender le caractère exceptionnel des lieux, et de découvrir son art préhistorique, sans fatigue et sans danger pour la conservation, tout en bénéficiant d’une véritable visite-conférence.
C.R.
Notes
1 L’abbé breuil avait déjà visité la grotte en 1915, mais il n’avait pas vu les représentations pariétales, seulement quelques tracés digitaux.
2 La Vézère des origines – Norbert Aujoulat, Jean-Michel Geneste, Jean-Philippe Rigaud et Alain Roussot.
3 Alain Roussot dans l’art préhistorique évoque les chiffres de 250 à 300 représentations de mammouths dans l’art pariétal.
Photos : copyrirght Grotte de Rouffignac sauf mentions contraires.
Hominides.com remercie Frédéric Plassard pour les photos et documents ayant permis la réalisation de cette page.
La Grotte Rouffignac en bref…
Type | Techniques employées | Périodes | Occupation | Restes Humains |
Grotte ornée | Gravures, peintures et tracés digitaux | Magdalénien | 13 000 ans BP | Non |
Dimensions | Nombre de représentations | Outils / Artefacts | ||
10 km de longeur | 255 unités graphiques : figures animales , signes géométriques | Rares | ||
Localisation | Accessibilité | Date découverte | Particularités | |
Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reillac | Pour tous | 1956 | La majorité des mammouths de l’art pariétal est à Rouffignac. |
Visite de la grotte de Rouffignac
Un grand parking permet de se garer facilement à proximité de la grotte.
Dans la grotte une boutique vous permet d’acheter des livres, des reproductions…
Adresse
D32
24580 ROUFFIGNAC -SAINT-CERNIN
La grotte est accessible depuis l’autoroutre A89 par les sorties 16 (en arrivant de Bordeaux) et 17 (en arrivant de Brive, Paris ou Clermont-Ferrand).
La grotte se trouve à 4 km au sud du village de Rouffignac en suivant la D32.
Moyens de contact
Téléphone : 05 53 05 41 71 Fax : 05 53 35 44 71
ou Formulaire de contact
Pas de réservation en ligne ou par téléphone
Demi-saison (mars – juin et septembre – octobre) :
Les billets sont vendus le matin pour les visites du matin, et à partir de 14 heures, pour les visites de l’après- midi.
Haute saison (juillet-août) :
Les billets sont vendus à partir de 9 heures pour toutes les visites de la journée.
Durée de la visite : environ 30 minutes
Horaires
Tous les jours du 10 avril au 1° novembre 2022
– 10 avril au 30 juin : 10h à 11h30 et 14h à 17h
– 1° juillet au 31 août : Visites entre 9h et 11h30 et entre14h et 18h. Billetterie en continue depuis 9 h le matin et jusqu’à la vente de toutes les places diponibles.
– 1° septembre au 1° novembre : 10h à 11h30 et 14h à 17h
Tarifs 2022
Adultes : 8 €
Enfants : 5,30 €
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En savoir plus sur la préhistoire en Périgord
Sources :
Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres
Rouffignac, Nougier et Robert.
Une reconnaissance tardive : la grotte de Rouffignac ou « vous qui passez sans les voir »
La Préhistoire, Histoire et dictionnaire, sous la direction de Denis Vialou.
Figures inédites de la grotte de Rouffignac, Jean et Frédéric Plassard
http://www.europreart.net/preart.htm
Guide des grottes ornées paléolithiques ouvertes au public, Denis Vialou.