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Caune de l’Arago
600 000 ans de préhistoire…
en France c’est à La Caune de l’Arago
Tautavel
Pyrénées-Orientales
La Grotte de l’Arago, une vue imprenable…
La grotte est située à 20 kilomètres de Perpignan et à une cinquantaine de kilomètres de la chaîne des Pyrénées. Elle surplombe de plus de 80 mètres la Plaine de Tautavel. En catalan « grotte » se dit Caune.
La position de la Caune de l’Arago permettait à ses « visiteurs » d’avoir un point de vue stratégique pour voir l’ensemble de la vallée. La rivière, le Verdouble, qui passe en contre-bas devait également être un point où de nombreux animaux venaient s’abreuver…
Nos chasseurs du Paléolithique avaient donc choisi un abri accueillant, à proximité d’un point d’eau et idéal pour voir venir les troupeaux (voir image ci-dessous).
La découverte de la grotte
Dès 1838 la Caune de l’Arago fût étudiée par Marcel de Serras qui y identifia la faune. En 1948 les recherches de Jean Abélanet permettent de mettre à jour une industrie lithique datant du paléolithique.
En 1963 Henry de Lumley visite le site. Devant l’importance des lieux il décide d’entreprendre des fouilles méthodiques.
Pendant 7 ans, des équipes de chercheurs internationaux vont se succéder dans la grotte. Le 22 juillet 1971 la découverte d’un crâne humain daté de 450 000 ans va donner à la région une dimension internationale : l’Homme de Tautavel était né.
Formation de la Caune de l’Arago
De type karstique, c »est au Tertiaire que la cavité a été creusée naturellement dans le calcaire par les infiltrations d’eau. A l’origine la grotte devait mesurer une cinquantaine de mètres de longueur. Au fur et à mesure du temps cette profonde cavité s’est remplie sous l’action alternative du vent et de l’eau.
Les vents apportaient des sédiments mais également du sable qui a formé les couches de remplissage les plus épaisses.
Les eaux s’infiltrant par les fissures du plafond, ou ruisselant par le porche d’entrée, ont charrié de la boue formant des couches argileuses.
Cette alternance de couches sableuses et de couches argileuses a rendu la stratigraphie très visible (voir ci-contre)
Datation de la Caune de L’Arago
Plusieurs techniques de datation ont été employées pour dater les couches accumulées entre 700 000 et 100 000 ans, ainsi que les restes fossilisés.
La mesure du rapport entre l’uranium 234 et le thorium 230 a permis de dater les stalagmites, les dents et les ossements. Au fil du temps l’uranium 234 se décompose en thorium 230. En mesurant les quantités des 2 isotopes on peut ainsi estimer leur date d’ensevelissement.
D’autres techniques ont été utilisées suivant les éléments à dater, ou pour confirmer une première datation : résonance de spin, thermoluminescence.
Le crâne le plus complet découvert à la Caune de l’Arago a bénéficié d’un régime particulier puisqu’il était bien sûr impossible d’en prélever un quelconque morceau. C’est une mesure par spectrométrie gamma qui a permis d’estimer son âge à 450000 ans.
Une stratigraphie qui permet de suivre l’évolution du climat
Les dépôts sédimentaires accumulés forment des strates sur une épaisseur de 15 mètres.
Le niveau le plus ancien est formé d’un sol rocheux d’origine, présentant des stalagmites. Il est daté de 690 000 ans. Les restes de flore de ce niveau (pollens) indiquent une forêt tempérée.
La couche au-dessus, datée de 650 OOO ans, résulte de coulées argileuses. Le climat est plus humide : des forêts de sapins et de hêtres recouvraient la région. La partie supérieure de cette strate indique à nouveau un changement de climat, plus méditerranéen.
Ensemble 1
– 550 000 ans
Epaisse couche formée de sables apportés par le vent. Cette paléotramontane devait souffler à plus de 130 kilomètres/heure et arrachait les alluvions de la plaine de Tautavel. Les pollens contenus dans cette couche indique pour cette époque une végétation de steppe plutôt clairsemée.
Ensemble 2
– 500 000 ans
C’est ici une couche formée par le ruissellement de limon argilo-sableux en provenance du plateau situé au-dessus de la grotte. L’étude des pollens montre que la végétation est constituée de forêts humides. Cet environnement est propice à certaines espèces animales comme le daim ou le cerf.
Ensemble 3 (sols D à G)
– 480 000 à 420 000 ans
Les bourrasques de vent ont amené une fois de plus du sable. L’environnement est maintenant plus froid et sec, la végétation plus limitée est constituée de steppe. Une nouvelle faune s’est installée : chevaux, bisons, rhinocéros mais aussi renards polaires ou rennes.
C’est également dans cette strate que les restes d’Homo erectus ont été retrouvés, associés à une industrie lithique de type acheuléen.
Ensemble 4
– 400 000 ans
Les pollens retrouvés indiquent à nouveau un climat tempéré.
La grotte est presque intégralement comblée et les ruissellements extérieurs sont pauvres : tout ce qui pouvait se détacher du plateau l’a été auparavant !
L’occupation de la grotte par des chauves-souris il y a 100 000 ans aura malheureusement un impact fâcheux sur une partie de la stratigraphie. Le guano rejeté par les chauves-souris s’est accumulé et s’est infiltré avec l’eau dans une partie du sol. L’acidité de ce mélange a décarbonaté une zone (en forme de puit resserré à la base) et dissout les fossiles et matières calcaire qui s’y trouvaient.
Les découvertes dans la grotte
La faune
La faune très riche découverte à la Caune de l’Arago a permis de mettre en lumière le mode de vie des hommes pendant les nombreuses occupations successives de la grotte. Dans certaines couches, la densité et l’accumulation d’ossements retrouvés permettent d’affirmer que les animaux étaient découpés ou consommés sur place. Homo erectus pratiquait le charognage ou la chasse dans la plaine et remontait son « butin » dans les hauteurs de la grotte.
Les différentes couches stratigraphiques ont délivré des ossements d’herbivores (Bouquetin, Cerf, Mouflon, Thar, Daim, Bœuf musqué, Bison, Cerf, Renne, Eléphant, Cheval et Rhinocéros) mais aussi de carnivores (Ours, Loup…)
Les stries de découpes sur les os et la fracture des os longs pour en retirer la moëlle montrent que tous les animaux ont été consommés.
Photo : trois crânes d’ours en cours de dégagement en février 2009 (Copyright Neekoo)
Les restes humains
C’est plus de 80 restes humains qui ont été découverts depuis le lancement du chantier. Ces ossements sont toujours associés à des restes d’animaux.
Principales découvertes :
En 1969 une première mandibule humaine est mise à jour dans la grotte, Arago 2.
En 1970 découverte de la mandibule d’un jeune homme, Arago 13. Il comporte une molaire qui est toujours en place.
En 1971 le crâne assez complet d’Arago 21 (voir ci-contre) permet de l’attribuer à Homo erectus et d’en faire (provisoirement) le plus vieil européen découvert. La face de l’Homme de Tautavel apparaît…
En 1979 un pariétal droit est mis à jour, Arago 47, et s’adapte parfaitement aux restes d’Arago 21 !
Les principaux niveaux archéologiques se trouvent dans l’ensemble III (niveaux de « sols » D à G) et auraient un âge compris entre 300 000 et 450 000 ans. Cet ensemble a également livré un certain nombre de restes humains fossiles, dont un crâne incomplet (face, frontal et pariétal droit) (Arago XXI, sol G) et deux mandibules (Arago II,sol G et Arago XIII,sol F).
En 2015 une dent (Arago 149) a été extraite d’une stratigraphie vieille de 550 000 ans à la Caune de l’Arago. Elle appartenait donc au plus ancien hominidé identifié en France…
Plus de 70 restes humains fossiles appartenant à une vingtaine d’individus y ont été recueillis, éparpillés sur les sols d’habitat et le plus souvent mélangés aux ossements d’animaux et aux outils en silex ou en quartz. Le plus ancien outil est un biface daté de 600 000 ans, long de 40 cm, ce qui en fait le plus long jamais retrouvé en Europe. Mais incontestablement le fossile le plus intéressant est celui qui porte le numéro d’inventaire Arago XXI, il est constitué par la face et le frontal d’un homme de vingt ans. Il est daté de 450 000 ans et représente le plus ancien Européen dont on connaisse le visage.
Traces de combustion
En 2021 une étude (publiée dans Geoscience) dans les niveaux datés à 560 000 ans montre la présence de traces de combustion, charbons de bois et charbons vitrifiés. Cette découverte recule de 160 000 ans les traces d’utilisation du feu à la préhistoire en France. Les premières recherches ne permettent pas encore de déterminer l’origine du feu : soit naturelle, soit anthropique. Les chercheurs continuent pour trouver des traces d’utilisation du feu, ou, encore plus rare, de foyers.
A droite, charbons vitrifiés trouvés dans l’échantillon CA 1040 au niveau Q4.
Les outils
L’industrie lithique découverte dans la Caune de l’Arago est très riche en quantité et plutôt de type archaïque.
De grosses pierres mises à jour devaient servir d’enclume et en portent encore les traces.
Si beaucoup de galets aménagés (cheuléen) et de choppers ont été découverts, on a dénombré peu de bifaces et quelques hachereaux.
L’analyse des roches permet de déterminer que 80 à 90% de l’outillage de la grotte provient du Verdouble, en contrebas. Le reste des outils provenant de régions situées entre 15 et 30 kilomètres de Tautavel montre que les hominidés se déplaçaient plus qu’on ne l’imagine. Leur territoire de chasse était donc relativement important.
Un biface encore partiellement encastré dans la stratigraphie (photo)
Photographies copyright Kroko et Neekoo pour Hominides.com
Hominides.com remercie le Musée de Préhistoire et le Centre de Recherche de Tautavel pour leur acceuil et l’aide apportée à la réalisation de ces pages.
La Caune de l’Arago en bref…
Type | Techniques employées | Périodes | Occupation | Restes Humains |
Stratigraphie sur plus de 600 000 ans | – 600 000 à – 100 000 BP | Ossements et dents Homo erectus (Homo Tautavelensis) | ||
Dimensions | Nombre de représentations | Outils / Artefacts | ||
35 mètres de profondeur et 10 mètres de large (en moyenne) | Aucune | Choppers, chopping-tools, bifaces, hachereaux | ||
Localisation | Accessibilité | Date découverte | Particularités | |
Tautavel | Chercheurs | 1838 | Pas de visite pour une question de sécurité |
Pas de visite de la Caune de l’Arago
La Caune de l’Arago est toujours un chantier de fouilles.
Pour des question de sécurité il n’est pas ouvert au public.
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