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Préhistoire intime
Sophie Archambault de Beaune Éditions Gallimard Vivre dans la peau des Homo sapiens
Les personnages de ce livre sont les femmes, hommes et enfants qui peuplaient l’Europe entre 40 000 et 10 000 ans avant notre ère. L’archéologie nous permet de connaître nombre de détails sur leur vie quotidienne, comme ce qu’ils mangeaient ou les outils qu’ils façonnaient. Mais ce ne sont pas ces aspects, déjà bien connus, qui ont été retenus ici.
L’autrice a choisi d’étudier les usages du corps de ces Homo sapiens : on a aujourd’hui une idée assez précise de leur apparence à partir de l’étude de leurs squelettes et des analyses ADN, de leur habillement, de leur parure, mais aussi de la manière dont ils se soignaient et dont ils traitaient leurs morts. Les vestiges de leurs activités permettent parfois de retrouver leurs gestes, leurs postures et leurs déplacements dans l’espace. C’est tout ce qu’on considère généralement comme invisible et hors de portée que Sophie A. de Beaune a cherché à mettre en avant, sorte de pied de nez aux historiens de l’art et autres non-spécialistes de la préhistoire qui prétendent qu’on ne saura jamais rien ni de la vie quotidienne ni de l’intimité de nos ancêtres européens. Les vestiges, certes fugaces et évanescents, ne sont pas si rares : il suffit de savoir les lire.
Gallimard
10,8 x 17,8 cm
368 pages, sous couverture illustrée, 108 x 178 mm
Hominides.com
Une autre manière d’aborder la préhistoire. Dans cet essai, l’auteure tente de retrouver la vie des hommes préhistoriques, mais pas seulement, sous l’angle des artefacts laissés (outils, armes, os taillés…).
Sophie A. de Beaune travaille sur des traces, parfois fugitives, des mouvements et des gestes effectués par les femmes et les hommes préhistoriques.
Pour les lecteurs qui ont besoin de faits et de preuves, le livre ne parlera pas. Pour les néophytes, il est plus facile d’accrocher car l’imagination est au pouvoir ! Toutefois, le livre ne « dérape pas » et l’argumentation est toujours sensée et logique.
Dans cet ouvrage, Sophie A. de Beaune n’est jamais directive dans son propos, elle soumet sa réflexion et son cheminement. Au lecteur de voir s’il adhère…
C.R.
L’auteure de Préhistoire intime
Sophie A. de Beaune : professeur à l’université de Lyon et chercheur au laboratoire «Archéologies et Sciences de l’Antiquité» à Nanterre. Elle étudie les comportements techniques et les aptitudes cognitives de l’homme préhistorique. Elle a notamment publié Qu’est-ce que la Préhistoire? (Gallimard, 2016), Pour une Archéologie du Geste et L’homme et l’Outil (CNRS Éd., 2000 et 2015) et co-dirigé Cognitive Archaeology and Human Evolution (CUP, 2009).
Sommaire de Préhistoire intime
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
Qu’est-ce qu’un être humain ?
Comment est-on passé d’une forme pré-humaine à une forme humaine ?
Une commune humanité
CHAPITRE I.
Sains de corps et d’esprit
Les anciens homo sapiens nous ressemblaient-ils ?
De la fourrure aux vêtements
Portant parure
Corps malades, corps blessés, corps handicapés
CHAPITRE II
Gestes et postures du corps
Les gestes techniquesLes postures du corpsLe corps en mouvement
CHAPITRE III.
Le corps au travail. Qui faisait quoi ?
Préjugés tenaces et comparatisme ethnographique
De l’origine de la diversification sexuelle des tâches
Des aires d’activité spécialisées dans l’habitat
Ce que révèle le mobilier d’accompagnement dans les tombes
Comment le travail marque le corps
Et que font les enfants ?
CHAPITRE IV.
Voir, entendre, sentir, toucher
Le toucher
La vue
L’ouïe
L’odorat
Le goût
CHAPITRE V.
Aimer, entourer, protéger
L’amour maternel
L’empathie et la compassion
L’attachement à des animaux
CHAPITRE VI.
Le corps mort
Quelle était l’espérance de vie ?
Controverses sur l’origine des pratiques funéraires
Quand homo sapiens enterre ses morts
Fragments de corps, corps fragmenté
CHAPITRE VII.
L’image du corps
Des « vénus » stéatopyges aux adolescentes prépubères
Une sous-représentation des hommes et des enfants
Le corps en morceaux
Des mains apposées sur la paroi des grottes
Scènes narratives ou hasard des superpositions ?
CONCLUSION
APPENDICES
Bibliographie
Notes
Index des sites archéologiques
Un extrait de Préhistoire intime
… Quant à la question de l’origine des vêtements, ce sont à nouveau les poux qui peuvent nous apporter une réponse indirecte. La génétique indique que la divergence entre les poux de tête (Pediculus humanus capitis) et les poux de corps (Pediculus humanus humanus) est plus récente. Or, cette divergence constitue un indice indirect sur l’origine du vêtement pour la bonne raison que c’est essentiellement là que logent les poux de corps. S’ils sont nus, les hommes ne portent pas de poux de corps. On peut ainsi faire l’hypothèse que le moment de la divergence correspond à celui de l’adoption de vêtements portés régulièrement. Les dates varient selon les études mais tendent à montrer que le port régulier de vêtements aurait existé au moins à partir de 83 000 ans en Afrique, voire dès 170 000 ans (Toups et al. 2011).
D’après Ian Gilligan, il est possible que l’homme ait sporadiquement eu recours à des peaux pour se protéger avant cette période, mais ce ne serait qu’à partir de 100 000 à 90 000 ans, durant une période froide, que le port du vêtement serait devenu habituel et que l’homme moderne aurait confectionné des vêtements plus complexes (Gilligan 2010). Gilligan fait en effet l’hypothèse que les premiers vêtements étaient de simples peaux peu ajustées qui ne nécessitaient que l’usage de racloirs pour les nettoyer et les assouplir. Les premiers homininés ayant porté de tels vêtements « simples » se seraient limités à l’occupation des régions les plus méridionales aux conditions climatiques moins rigoureuses, comme le continent africain. Ceux qui se seraient aventurés à des latitudes plus septentrionales, en Europe et en Asie, à partir de 1,8 million d’années, l’auraient fait durant les épisodes interglaciaires (Gilligan 2010). Puis leurs descendants néandertaliens se seraient peu à peu adaptés aux températures froides durant les épisodes glaciaires, comme l’indiquerait l’augmentation de la fréquence des racloirs sur éclat de forme standardisée qu’ils utilisaient pour travailler les peaux. Les derniers Néandertaliens auraient commencé à façonner des vêtements complexes peu avant leur extinction, mais pour Ian Gilligan cette innovation arrivée trop tard n’aurait pas suffi à éviter leur disparition (Gilligan 2007). Il paraît pourtant difficile de lier la disparition des Néandertaliens au fait qu’ils n’arrivaient pas à se protéger du froid, alors qu’ils avaient très bien vécu des milliers d’années sous un climat rigoureux. D’autres chercheurs ont tenté d’évaluer les différences de vêtements entre les premiers Homo sapiens européens et les derniers Néandertaliens en comparant la faune qu’ils chassaient et qui était susceptible de fournir de la fourrure. Ils en concluent que certains grands mammifères à fourrure étaient chassés tant par les uns que par les autres, mais que les petits animaux à fourrure (canidés, léporidés, mustélidés) étaient beaucoup plus fréquemment chassés par les hommes modernes. Ils en arrivent à la même conclusion que Ian Gilligan, à savoir que les Néandertaliens devaient porter des vêtements simples, comme des capes de fourrure, qui les protégeaient mal du froid, contrairement aux hommes modernes, qui avaient des vêtements cousus bien ajustés (Collard et al. 2016)...