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L’origine de la guerre
L'origine de la guerre
Les sciences de l’Homme et la violence collective (XIXe-XXIe siècles)
Jean Claude Favin Lévêque
Préface de Jean Guylaine
Editions L'Harmattan
Une histiographie complète et dense sur les origines de la guerre aux temps préhistoriques. L’auteur fait appel aux sciences concernées comme l’archéologie, l’anthropologie et l’ethnologie et bien sur à la préhistoire.
Présentation par l’éditeur :
Depuis le XIXe siècle, les sciences de l’Homme se penchent sur cet étrange phénomène de la guerre et la question de son origine. L’histoire
de cette recherche dans deux mondes scientifiques, la France et l’univers anglo-saxon, montre que les réponses possibles sont diverses : un comportement qui remonte aux origines
du genre humain ? Ou simplement une « mauvaise » invention, concomitante de la révolution néolithique ?
Le débat scientifique convoque toutes les disciplines et s’anime parfois jusqu’à de violentes polémiques. Avec le XXIe siècle, une nouvelle ère s’ouvre, pleine de promesses.
Collection Histoire des sciences humaines
Broché
440 pages
24 x 15,5 cm
Hominides.com
Quelles sont les origines de la guerre ? Cette question traverse les époques depuis plus de 200 ans. Les hypothèses se sont surtout développées à partir des sensibilités politiques, partisanes où les auteurs cherchent à faire passer leurs propres idées sur les origines de l’homme.
Il fallait une étude, une véritable recherche, sans parti pris, pour commencer à comprendre comment et pourquoi la guerre s’est imposée dans les sociétés humaines et animales… Et surtout comment les hypothèses des historiens se sont modifiées au fil des époques et des courants d’idées.
C’est donc une véritable historiographie des origines de la guerre que nous présente l’auteur en utilisant de très nombreuses références.
J.C. Havin Lévèque explique les deux méthodes scientifiques pour trouver des traces de guerre dans les sociétés du passé : soit dans la stratigraphie des gisements archéologiques, soit dans les populations « primitives » récentes.
Le livre est partagé en quatre époques et leurs principaux courants d’idées.
De 1814 à 1914, la première version des origines de la guerre est basée sur un homme primitif dont la guerre est comme inscrite dans les gènes… C’est en quelque sorte la préhistoire de la « Guerre du feu », une sorte d’évolution implacable vers la guerre.
De 1914 à 1945, à cette époque c’est la révolution néolithique qui est en cause. Jusque là l’homme vivait au jour le jour de chasse et de cueillette sans regarder ce que son voisin possédait. Avec l’agriculture il faut planifier, protéger et se comparer avec lui. Les inégalités réelles et/ou perçues sont donc à l’origine des guerres… CQFD !
De 1946 à 1996, c’est le retour du « bon sauvage ». En se basant sur les populations de chasseurs-cueilleurs contemporaines les historiens extrapolent sur le passé préhistorique des populations qui n’ont pas besoin de faire la guerre… C’est une fois de plus le Néolithique qui est en cause mais avec, en prime, l’apparition de l’Etat !
De 1997 à 2021, disparition de la préhistoire pacifique et Rousseauiste. On reprend les études des populations « primitives » et on découvre que la guerre entre les différentes ethnies n’est pas exceptionnelle et que c’est le pacifisme qui est extrêmement rare ! La possession de biens ou de terres n’est pas le seul motif de guerre : la possession de femmes, le chamanisme, les vengeances, le bétail…
Ce tour du monde de l’humain montre que selon les époques et les lieux les origines de la guerre sont totalement différentes. Comme l’indique l’auteur, le livre ne donne pas une explication finale… Mais il a le mérite d’interroger le lecteur en lui donnant les références !
Et n’oublions pas que, même chez nos cousins proches, la « guerre » entre deux groupes de chimpanzés est une réalité observée et étudiée…Une réflexion qui nous invite à considérer la guerre sous un angle scientifique.
C.R.
L’auteur Jean Claude Favin Lévêque
Jean Claude Favin Lévêque est docteur en préhistoire. Ancien officier supérieur, il est diplômé de l’École de l’Air et de l’École supérieure de guerre aérienne. Il est chercheur associé de l’UMR 7194 Histoire naturelle de l’Homme préhistorique (MNHN, CNRS, université de Perpignan).
Sommaire Les origines de la guerre
Avant-propos de l’auteur
Préface de Jean Guilaine
Introduction
La guerre dans les sciences de l’Homme
L’élargissement des concepts
L’anthropologie française dans le débat
Chapitre 1 Questionner le fait guerrier
1.1. La recherche anthropologique et la guerre
Un questionnement spécifique
Les quatre dimensions de la réflexion.
1.2. Trois dynamiques pour un débat
1.3. Économie générale de l’étude
PREMIÈRE PÉRIODE
LA GUERRE PRÉHISTORIQUE A BIEN EXISTÉ
Chapitre 2 La science, la guerre et l’homme préhistorique
2.1. Un monde belliqueux.
La pensée militaire se rationalise
Des philosophes entre condamnation et apologie.
Une justification renouvelée
2.2. L’homme préhistorique, la violence et la guerre.
Un homme qui émerge dans un univers violent
Le comparatisme conforte l’idée de violence originelle
Chapitre 3 L’archéologie documente une possible guerre préhistorique
3.1. Les armes, indices d’une activité guerrière potentielle
Les Armes antiques du musée d’Artillerie
Le Musée préhistorique de Mortillet
Du discours sur les armes à celui sur la guerre
3.2. Les fossiles humains et les traces de violence
Cro-Magnon, premier « homme » et premières victimes.
Le docteur Prunières, pionnier de la paléopathologie
Le baron de Baye et la preuve du combat
3.3. Fortifications et art pariétal : des signaux encore faibles
Chapitre 4 L’ethnologie documente la guerre primitive
4.1. La bellicosité diffuse des Aborigènes australiens
4.2. La culture du guerrier des Indiens d’Amérique du Nord
4.3. Augustus Pitt-Rivers : primauté de l’activité guerrière
4.4. Une ethnographie française en retrait
Chapitre 5 Premières explications anthropologiques
5.1. L’évolutionnisme linéaire-
Tylor: le progres jusque dans la guerre-
Morgan: la guerre, phénomène ordinaire de l’évolution humaine
Letourneau : une vision evolutionniste trancaise …
Les guerriers préhistoriques du musée d’Artillerie.
5.2. Le paradigme du conflit.
Le darwinisme social, objet historique difficilement identifiable
La guerre comme force majeure de l’évolution
Les voix françaises du paradigme du conflit
5.3. L’évidence d’un monde préhistorique violent et belliqueux
DEUXIÈME PÉRIODE
LA GUERRE PRÉHISTORIQUE N’EST SANS DOUTE PAS CE QU’ON CROYAIT
Chapitre 6 Le changement du paysage anthropologique international
6.1. Les nouveaux courants de la pensée
L’approche historico-culturelle
L’approche fonctionnelle
6.2. La documentation de la guerre
Une archéologie préhistorique en retrait
L’ethnographie dynamise la documentation de la guerre primitive
6.3. Des thèses explicatives peu convaincantes..
Le discours paradoxal de Franz Boas
Subsistance de theses d’inspiration darwinienne
Renaissance de l’âge d or.
6.4. Le renouvellement des idées
La guerre est une invention…
Un jeu guerrier à la violence supportable.
La variante Malinowski.
La notion de vraie guerre..
Une conséquence de la révolution néolithique
Le renouveau idéologique émerge de la guerre mondiale.
Chapitre 7 Les voies divergentes de la science française
7.1. Le choc de la Grande Guerre
Du patriotisme au pacifisme
Le rejet de la guerre des anthropologues
La fin de l’internationalisme savant
7.2. La documentation de la guerre
Une archéologie préhistorique discrète
Ethnographie : vers une place prépondérante.
7.3. L’émergence d’une grande idée
Le darwinisme social au pilori
La réflexion préhistorique en panne
La thèse échangiste : une idée originale et féconde
7.4. Divergences internes et externes.
TROISIÈME PÉRIODE
LE NÉOLITHIQUE A-T-IL INVENTÉ LA GUERRE ?
Chapitre 8 Le contexte international : Âge d’or et thèses darwiniennes
8.1. Le nouveau paysage anthropologique.
Le néo-évolutionnisme
La New Archaeology
8.2. La documentation de la guerre
De l’indice archéologique à la preuve.
Les derniers feux de la source ethnographique
L’observation des Grands singes : un pavé dans la mare.
Une abondante documentation qui objective les débats
8.3. Des thèses jusqu’à la polémique.
Guerre et État : qui a fait l’autre ?
L’âge d’or du Paléolithique : presque un consensus.
Une vague darwinienne
L’histoire de la guerre interpellée par la préhistoire.
8.4. La guerre préhistorique au statut de sujet d’anthropologie
Chapitre 9 Détours et incompréhensions françaises
9.1. La voie des préhistoriens
La documentation de la guerre.
De la thèse néolithique à l’âge d’or
9.2. Les voix de l’ethnologie.
Une ethnographie qui témoigne partout de la violence
Une thèse dominante, des voix fortes et des divergences
9.3. Analyse critique de la démarche française…
Un paysage dispersé..
Une société française peu réceptive ?
Deux sphères séparées, deux approches incompatibles.
Un décalage avec la science anglo-saxonne
9.4. Deux mondes scientifiques pour un sujet
QUATRIÈME PÉRIODE (XXIª siècle)
UN NOUVEAU DÉPART
Chapitre 10 Déconstruction et perspectives..
Déconstruction et ré-ouverture du champ de recherches
L’anthropologie française se réveille.
Les futurs du sujet…
Sur la piste africaine…
De la guerre animale à l’hominisation de la violence
En guise de conclusion provisoire…
Remerciements
Sources
Collections
Archives.
Sigles
Bibliographie
Index des auteurs
Table des matières
Un extrait de L’origine de la guerre
Comment faire parler les armes ?
Les découvertes d’armement sont faibles en nombre mais très significatives. Quatre pièces en bois de sapin sont trouvées sur le site de Schöningen en 1995. Pour le découvreur Hartmut Thieme, il s’agit de trois javelots (throwing spear) d’une longueur de 1,82 m et 2,30 m et d’un bâton de lancer (throwing stick) de 0,78 cm de long, lesquels « ressemblent à des javelots modernes et étaient faits comme des armes à projectile plutôt que comme des lances? ». Datés d’environ 400 000 ans, ils viennent compléter la courte collection du registre archéologique du Paléolithique moyen ou ancien (Clacton-on Sea, Lerhingen). Ils constituent une preuve de l’ancienneté de l’arme de lancer, ce qui apporte une évolution majeure au discours sur l’histoire de l’armement dans la lignée humaine :
« La découverte de traits conçus pour le lancer signifie que les théories du développement des capacités de chasse et des stratégies de subsistance des hominidés du Pléistocène moyen doivent être revues, puisque des armes de chasse bien équilibrées et sophistiquées étaient courantes dès le début du Pléistocène moyen’ ».
De fait, la recherche connaît pendant cette période une révolution, sous l’influence du développement de l’archéologie expérimentale et des techniques d’analyse des pointes. Projectile Technology, ouvrage collectif sous la direction d’Heidi Knecht, paru en 1997, affiche son ambition d’être « la source de référence ». Knecht y retrace l’histoire de la recherche sur les projectiles. Elle distingue trois phases qui succèdent aux travaux initiaux de description puis de typologie qu’elle voit se poursuivre jusqu’aux années 1950. Avec l’analyse morphologique, il s’agit d’aller au-delà du temps et de l’espace pour rendre la typologie moins subjective et la fonder sur des attributs mesurables plus que sur des formes qualitatives : « par essence, les analyses morphologiques des pointes sont destinées à définir statistiquement tout modèle en variables métriques et géométriques ».
L’analyse des traces d’usure d’usage (use wear analysis) se développe dans les décennies 1970-1990 et va de pair avec l’expérimentation des projectiles. En 1984, Anders Fischer publie les résultats d’essais menés avec des pointes lithiques sur des cibles animales. Ceci permet d’élaborer une méthode d’analyse des traces des pointes lithiques et un référentiel de ces traces d’usage comme projectiles :
« Ainsi, nous devons conclure que les méthodes micro et macro peuvent être utilisées indépendamment, que leur intérêt se retrouve dans des champs différents, et que, spécialement en combinaison, elles constituent des moyens efficaces d’établir si une pointe a servi comme armature de projectile? ».
Ces méthodes se généralisent à compter des années 1980. Elles ont quatre objectifs: évaluer la performance des armes, modéliser les dégradations dues à l’usage afin de mieux identifier les pointes de projectiles, cataloguer l’effet des armes et les traces d’impact sur le gibier, déterminer les paramètres d’utilisation pour reconstruire un système d’arme à partir de ses composants.
En observant les usures sur les parties utiles (pointe ou tranchant), l’examen des « traces d’usure d’usage» permet de confirmer la classification de pointes de projectiles qui ne repose jusque-là que sur la typologie. La phase suivante de « l’analyse technologique » visera à replacer la pointe dans le fonctionnement du système dont elle est un composant :
« En analysant les pointes de projectiles dans un cadre de recherche nouveau et innovant, nous commençons à comprendre non seulement comment les pointes de projectile sont utilisées (c’est-à-dire comment elles sont manufacturées, emmanchées, projetées, cassées, rénovées et éventuellement abandonnées), mais aussi le cadre technologique et organisationnel complet dans lequel elles fonctionnent ».
…
2007 Le chimpanzé et la chasse « à la lance »
2012 Des lances à pointes de pierre dès 5 Ma
2018 Armes létales, archéologie expérimentale
2020 Des armes de jet il y a 300 000 ans
2024 Schöningen, plusieurs techniques pour le travail du bois …
Les sciences de l’Homme et la violence collective (XIXe-XXIe siècles)
Alain Beynex
Bertrand Roussel