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Néandertal nu
Comprendre la créature Ludovic Slimak
Edition Odile Jacobs
Présentation par l’éditeur :
Et si nous nous étions fourvoyés sur ce que fut l’homme de Néandertal ?
Dans un véritable récit de voyage, Ludovic Slimak retrace son parcours de chercheur et nous entraîne dans une étonnante enquête archéologique. Pendant trente ans, il a inlassablement traqué ce qu’il appelle la créature. Créature, comme l’un de ces êtres qu’on apercevrait de loin, dans les brumes, sans vraiment savoir ce qu’il est, sans vraiment savoir le qualifier.
Son périple nous emmène en mille détours depuis les étendues glacées du cercle polaire jusque sur les traces d’étonnants cannibales vivant dans de profondes forêts tempérées méditerranéennes. Se confrontant aux vestiges de l’homme de Néandertal, il décrit une créature inattendue et dont la nature pourrait bien nous avoir totalement échappé. Constat d’échec ? Serions-nous incapables de concevoir une intelligence trop divergente de la nôtre ?
La créature humaine est décryptée d’une plume vive, parfois sarcastique, qui affronte sans détour nos fantasmes et nos projections sur cette humanité éteinte.
Les arènes Editions
Editions Odile Jacobs
233 pages,
145 x 220 mm
Hominides.com
Deuxième ouvrage grand public du paléoanthropologue Ludovic Slimak, le premier – Néandertal, de vous à moi, Enseignements de la Grotte Mandrin sur la dernière extinction d’humanité – est un véritable collector qui avait édité presque uniquement pour les habitants de Malataverne à proximité de la grotte Mandrin ou Ludovic Slimak et d’autres chercheurs n’ont cessé de retourner la terre !
Ludovic Slimak est un vrai passionné de Néandertal qu’il a pourchassé en Eurasie en se rapprochant même du cercle polaire !
Ce sont ces 30 années de recherches, de quête, de fouilles que nous raconte l’auteur dans la première partie du livre. Tous les gisements ont quelque chose à raconter de différent et Ludovic Slimak nous fait part au fur et à mesure de ses découvertes, de son étonnement sur tous les thématiques autour de Néandertal : datation, disparition, résistance aux changement climatiques, taille d’outils… Tout ce travail a été publié dans plus de 30 articles, des rapports, des études…
L’ensemble des données de terrain ont permis à l’auteur de construire une image différente de Néandertal, basée sur des fouilles, des faits, la stratigraphie des sites. Dans cette deuxième partie de l’ouvrage, Néandertal se dessine comme un être autonome, différent de Sapiens. L’auteur essaye de retrouver l’essence de Néandertal sans lui coller les oripeaux de Sapiens, et sans projeter nos fantasmes sur cet homininé pour en faire un presque Sapiens
Beaucoup des activités d’Homo néandertalensis qui devenaient presque un passage obligé pour les livres d’anthropologie sont remises en cause par l’auteur, mais toujours en s’appuyant toujours sur le travail de terrain. Par exemples, les parures corporelles de Néandertal à base de plumes ou de coquillages semblent n’avoir existées que dans l’imagination des Homo sapiens… !
Bref c’est une autre approche de celui que l’auteur surnomme avec un zest de provocation la créature. Après la lecture de ce livre vous ne verrez plus Néandertal comme avant !
On attend avec impatience l’ouvrage concernant la grotte Mandrin.
C.R.
L’auteur Ludovic Slimak
Ludovic Slimak est l’un des meilleurs spécialistes des sociétés néandertaliennes. Chercheur au CNRS et auteur de plusieurs centaines d’études scientifiques sur ces populations, il a dirigé des missions archéologiques de l’équateur au cercle polaire. Il a pisté inlassablement Néandertal depuis trente ans pour enfin nous livrer son regard sur la créature. Un regard dissonant, dérangeant, qui interroge profondément la nature de cette humanité, tout autant que notre manière de la concevoir et les raisons de son étonnante extinction.
Sommaire et auteurs de « Néandertal nu «
Table des matières
Introduction
CHAPITRE I – Néandertal, en nos âmes et consciences
Une autre intelligence
Affronter la créature
Explorer l’âme de Néandertal
Le loup est un loup pour l’homme
Extinction
L es arts lancent des ponts à travers les âge
Adieu ma moitié, je t’aimais bien
CHAPITRE II – Une odyssée boréale
Des peuples du mammouth aux peuples de la baleine
Un monde de glaces ?
CHAPITRE III – Des cannibales dans la forêt ?
Mangez-en tous
Treize restes humains consommés jusqu’à la moelle … apparaissent sous quelques centimètres de terre
Un cannibalisme sans appétit
Six années de creusements pour atteindre les corps cannibalisés
J e te mange par amour, ou par famine ?
Connaissances et stratégies millénaires
Fuyez ! Fuyez ! Ces choses ne sont pas humaines !
Un rite néandertalien ?
CHAPITRE IV – Rites et symboles ?
Néandertal soumis à la question
La mort du grand singe. Accepter le deuil de nos préjugés
Une faille temporelle
Des peuples de la forêt au peuple du cerf
Rites néandertaliens de passage à l’âge adulte ?
CHAPITRE V – De l’esthétique néandertalienne
L’art néandertalien, des pensées volatiles
Cendres de nos illusions
Le jeu des griffonnages et autres singeries
Je t’aime, moi non plus
Pister Néandertal de vallée en vallée
Un bégaiement à travers les millénaires
Aux armes ! Émergence des divergences
Émergent enfin les structures fondamentales de deux humanités
CONCLUSION – Libérez la créature
Suggestions de lectures
Un extrait de Néandertal nu
CHAPITRE V
De l’esthétique néandertalienne
Existe-t-il une contemplation esthétique chez Néandertal ?
Je n’en ai aucun doute, l’ensemble de ses artisanats nous l’exprime sous mille formes. Des milliers de ses objets montrent dans ses productions matérielles la quête d’équilibre et d’élégance, bien avant toute cause fonctionnelle. Ces propriétés des outils néandertaliens ne sont généralement abordées qu’à la marge, comme si leur esthétique n’était qu’un sous-produit de leur fonctionnalité. Un dégât collatéral, assez dommageable somme toute, puisqu’il ne nous dirait rien des structures mentales néandertaliennes …
L ‘art néandertalien, des pensées volatiles
Mais tout un pan de la communauté scientifique vous affirmera que nous avons désormais découvert l’art néandertalien. Art mobilier, parures, et même art pariétal, le grand art des cavernes… La créature ne serait donc, en ses structures mentales, rien d’autre que nous-même et seul notre regard raciste nous aurait dissimulé son humanité. Encore une victime de sa sale gueule d’homme des cavernes …
Ne vous y trompez pas, cet art néandertalien repose sur bien peu de chose. Des traces ambiguës, bien plus ambiguës que les rites de la vie et de la mort des peuples de la forêt… Griffes de rapaces, grandes rémiges d’oiseaux de proie, coquillages percés … Et voici le collier de Néandertal.
En 2014 je publiais avec des collègues italiens une étude qui montrait la récupération de griffes d’aigles provenant de deux sites datés d’une cinquantaine de millénaires. La première de ces griffes provenait de la grotte de Rio Secco dans le nord de l’Italie, j’avais découvert la seconde en vallée du Rhône, à la Grotte Mandrin, une remarquable séquence archéologique qui fossilise quatre-vingts millénaires d’installations humaines, allant des peuples de la forêt jusqu’à l’extinction néandertalienne.
Cette même équipe italienne avait publié trois ans auparavant une étude qui avait fait grand bruit. L’analyse des ossements d’oiseaux découverts dans la grotte de Fumane, sur le flanc sud des Préalpes vénitiennes, montrait la récupération de rémiges, ces plumes positionnées aux extrémités des ailes. La recherche de ces grandes plumes avait été révélée à Fumane grâce à l’analyse des ossements de nombreuses espèces d’oiseaux, gypaète barbu, vautour noir, aigle royal, faucon Kobez, pigeon ramier, crave à bec rouge. La découverte provenait de sols datés de 44 000 ans, associés à des centaines d’outils de silex indubitablement néandertaliens À cette chronologie, Homo sapiens n’avait pas encore atteint l’Europe occidentale et il y avait tout lieu de penser que la récupération de ces grandes plumes ne pouvait rentrer dans des stratégies fonctionnelles ou alimentaires. Néandertal les aurait donc récupérées pour leur seule beauté. Probablement pour s’en parer le corps. Les médias s’emparèrent de l’annonce et fleurirent rapidement sur les réseaux sociaux des images de néandertaliens parés de grandes plumes colorées. Notre regard sur la créature chavirait, à nouveau… Ce n’était plus Néandertal, mais le dernier des Mohicans …
Ces indications semblaient rejoindre l’annonce sensationnelle de la découverte en 2010 de coquillages percés dans les gisements néandertaliens de Cueva Anton et de Las Aviones dans le sud-est de l’Espagne, coquillages eux aussi interprétés en tant que parures néandertaliennes.
Quatre ans plus tard, la découverte de nos griffes de rapaces pouvait bien confirmer cette image de Néandertal coquet, paré des attributs volatils symboliquement les plus investis au sein de nombreuses sociétés traditionnelles. Cinq autres griffes avaient d’ailleurs déjà été signalées dans différents sites néandertaliens français. Aujourd’hui on peut considérer qu’une bonne douzaine de ces griffes est désormais attestée, avec la découverte en 2015 de huit autres serres de rapaces dans le gisement de Krapina en Croatie. Si les creusements établis à Krapina en 1905 n’assuraient aucune fiabilité quant à l’âge précis de ces serres, leur attribution à Néandertal n’était néanmoins guère douteuse.
Ces indications issues de gisements néandertaliens du pourtour méditerranéen furent immédiatement conçues comme la démonstration d’expressions visuelles, symboliques,
au sein des sociétés néandertaliennes, attestées dès le cent vingtième millénaire et jusqu’à l’extinction de ces populations il y a un peu plus de 40 000 ans.