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Le troisième Homme – le catalogue de l’exposition
Le troisième Homme
Préhistoire de l’Altaï
ouvrage collectif
Edition réunion des musées nationaux – Grand palais
Présentation de l’éditeur :
Rien ne laissait présager que de l’analyse d’un vestige de 50 000 à 40 000 ans surgiraient les gènes d’un troisième Homme, un cousin inconnu. Tout s’est joué dans le sud de la Sibérie par une découverte d’apparence anodine : une phalange humaine dans la grotte de Denisova. Deux acteurs occupaient alors l’immense territoire de l’ouest de l’Eurasie : l’homme de Néandertal et l’homme anatomiquement moderne. Dans l’Altaï, au moins, une troisième humanité existait, restée insoupçonnée. En effet, elle avait développé des traditions techniques et des formes d’expressions symboliques semblables à celles des deux autres… Mais de la rencontre de ces trois humanités, seuls nos ancêtres biologiques directs allaient subsister.
28 x 1,2 x 22 cm
162 pages
Edition réunion des musées nationaux-Grand palais
Collection exposition
Catalogue de l’exposition Le troisième Homme
Sommaire de « Le troisième Homme »
Sommaire de « Le troisième homme «
Sommaire
Avant-propos, par Jean-Jacques Cleyet-merle
Les néandertaliens, les homme modernes et les Denisoviens il y a 50 000 à 30 000 ans, par Jean-Michel Geneste, Mikael V. Shunkov et Bernard Vandermeersch
Sociodiversité et paradoxes de la fin du Paléolithique moyen à l’émergence du Paléolithique supérieur, par Ludovic Slimak
1. La grotte de Denisova et le Paléolithique de l’Altaï
– La région de l’Altaï dans la préhistoire asiatique, par Mikael V. Shunkov
– La vallée de l’Anouï au Pléistocène : un refuge, par Mikael V. Shunkov
– La grotte de Denisova, mémoire de la préhistoire de l’Altaï, par Mikael V. Shunkov
– Les Denisoviens et leurs voisins Néandertaliens, par Mikael V. Shunkov
– Une « troisième humanité » Ce que nous apprend la phalange de madame X à Denisova, par Bence Viola
– La paléogénétique pour reconstruire le passé, par Eva-Maria Geigi et Thierry Grange
2. L’Ouest de l’Eurasie il y a 50 000 ans… et points de vue divers
– les paléoenvironnement européens entre – 50 000 et – 30 000 ans par Jean-Paul Texier et François Delpech
– Que nous apprend l’étude de l’hyène des cavernes sur l’histoire humaine ? par Emmanuel Discamps et Elodie-Laure Jimenez
– Le climat et l’extinction des Néandertaliens pat William Banks et Francesco d’Errico
– Il était une fois en Europe de l’Ouest : le dernier territoire néandertalien, par Bradey Gravina, Jean-Philippe Faivre, Bruno Maureille
– Les derniers Moustériens du Sud-Ouest par Alain Turq, Bradey Gravina et Emmanuel Discamps
3. Les derniers Néandertaliens de l’Europe Atlantique
– Le squelette néandertalien de Saint-Césaire, par Christine Verna, Marie Soressi, Jean-Jacques Hublin, et Bernard Vandermeersch
– Reprise des fouilles à la Roche-à-pierrot, Saint-Césaire, par Jean-Jacques Hublin
– Arcy-sur-Cure : les dernier Néandertaliens, par Jean-Jacques Hublin
– Les Néandertaliens du Paléolithique supérieur. Parure et industries osseuses du Châtelperronien, par Michèle Julien, Marian Vanhaeren et Francesco d’Errico
4. De la fin du Paléolithique moyen aux prémices du Paléolithique supérieur
– De la fin du Paléolithique moyen aux prémices du Paléolithique supérieur, pénombres et éclairages européens, par Ludovic Slimak, Laure Metz et Nicolas Teyssandier
– Fin du Paléolithique moyen et débuts du Paléolithique supérieur au Levant, par Liliane Meignen
– Mosaïque culturelles des derniers Néandertaliens et des premiers Hommes modernes. Les données de la vallée du Rhône, par Ludovic Slimak
– Des arcs et des flèches… Il y a 50 000 ans… reconnaissance de technologies en limite de visibilité archéologique, par Laure Metz
– Voyage au bout de la suie, par Ségolène Vandervelde, Jacques-Elie Brochien, Christophe Petit et Ludovic Slimak
Un extrait du livre « Nos ancêtres dans les ancêtres »
L’ADN mitochondrial de Denisova
L’ADNmt de Néandertal est différent du nôtre, ayant divergé de nos lignées d’ ADNmt il y a environ 600 000 à 500 000 ans. Sur la base de l’archéologie de la couche 11 de la grotte de Denisova, on s’attendait à ce que la phalange de Denisova contienne de l’ ADNmt humain moderne, ou peut-être une séquence néandertalienne. La grande surprise fut que ni l’un ni l’autre ne correspondait : l ‘ADNmt de Denisova était très différent de ces deux ADNmt ! Johannes Krause, à l’époque doctorant auprès de Svante Paabo, a effectué les premières analyses del’ ADNmt de Denisova; il a constaté que, s’il faisait un arbre de séquences d’ADNmt récentes et de Néandertal, Denisova se situait près de la base de l’arbre, ce qui indiquait quel’ ADNmt de Denisova se séparait de ces deux groupes bien avant leur scission, entre 1310 000 et 779 000 BP2•
La présence des Néandertaliens dans l’ Altaï était connue depuis la découverte des dents et des restes postcrâniens de la grotte d’Okladnikova, à environ 100 kilomètres au nord de Denisova; nous savions par ailleurs que ces restes contiennent de l’ ADN mitochondrial de type Néandertal. Le cas de Denisova était différent: était-ce la preuve de la présence d’une autre espèce d’homininés dans l’ Altaï ?
La dent de Denisova 4
La morphologie de la phalange de Denisova n’était pas suffisante pour prouver ce résultat surprenant. Heureusement, une dent a été trouvée dans la galerie sud. Les dents sont les fragments fossiles préférés des paléoanthropologues. Elles se conservent bien et nous en disent beaucoup sur leur propriétaire. Cette dent, une troisième molaire supérieure, avait une morphologie assez remarquable: des racines largement écartées et très robustes, une couronne se rétrécissant vers l’extrémité distale avec une surface occlusale fortement crénelée3, très grande, bien au-delà de ce qui est habituellement observé chez les Néandertaliens et les Hommes modernes. Au premier regard, la dent semblait plus proche de celles des premiers représentants du genre Homo, et constituait donc une preuve supplémentaire de la fiabilité des résultats génétiques. Il semblait vraiment que nous avions en main quelque chose de nouveau à Denisova !
La première publication de l’ ADN mitochondrial de la phalange de Denisova4 a provoqué un véritable tumulte dans la communauté paléoanthropologique. Les médias ont baptisé ce fossile « Madame X » d’après la peinture célèbre de J. S. Sargent, Portrait de Madame X. On commençait à spéculer sur ce que pouvait représenter ce fossile, un Homo erectus très tardif semblant l’explication la plus probable. À l’époque, on croyait que H. erectus avait survécu en Indonésie (et éventuellement en ExtrêmeOrient) jusqu’au Pléistocène moyen et tardif, et quel’ Altaï aurait pu être un refuge pour ces populations.
L’ADN nucléaire
L’ADN mitochondrial a de nombreuses propriétés qui le rendent facile à étudier, mais son héritage matrilinéaire comporte aussi des inconvénients.Nous avons hérité notre ADNmt de notre mère qui, elle-même, l’a hérité de sa mère, de la grand-mère de sa mère et ainsi de suite. Cela signifie qu’en remontant le temps, notre ADNmt vient d’une seule de nos ancêtres. Par ailleurs, les lignées d’ ADNmt disparaissent aussi facilement, l’ ADNmt d’une mère qui n’a que des fils ne se transmettant pas. Les généalogies d’ ADNmt ne sont donc pas nécessairement représentatives de la phylogénie réelle.
Ainsi, il fallait obtenir l’ ADN nucléaire de Denisova pour vérifier nos résultats. Cela était plus facile à dire qu’à faire: comme cela a été mentionné supra, l’ ADN nucléaire est présent dans un nombre beaucoup plus réduit de copies, mais il est 180000 fois plus long que l’ADNmt (2000 fois si l’on ne considère que ses parties codantes). Cela le rend beaucoup plus difficile à étudier, d’autant plus qu’aucun ancien génome nucléaire humain fossile n’était connu à l’époque. Heureusement, la conservation de l’ ADN sur les pièces trouvées dans la grotte de Denisova était exceptionnellement bonne, nous permettant d’étudier également le génome nucléaire de cet individu.
Il apparut que c’était l’un des cas où la généalogie ADNmt n’était pas la même que la phylogénie réelle.Comme cela a été dit précédemment. Iorsqu’on crée un arbre phylogénétique des Hommes modernes, des Néandertaliens et des Dénisoviens qui utilise l’ADNmt, on obtient un arbre où il y a une première scission entre Denisova d’un côté, les Hommes modernes et les Néandertaliens de l’autre, et une seconde scission, qui est de moitié moins ancienne que la première (fig. s). À notre grande surprise, l’arbre basé sur l’ADN nucléaire semblait différent : les Néandertaliens et Denisova formaient un groupe qui se différenciait des Hommes modernes (fig. 61. D’après cet arbre, Denisova était un groupe frère des Néandertaliens, s’en étant séparé très peu de temps après la scission avec les Hommes modernes. Ce résultat ne correspondait pas à l’hypothèse d’une population d’ Homo erectus survivante, et indiquait que les << Dénisoviens >> – nom que nous leur avons donné – pourraient être avantageusement décrits comme les cousins asiatiques des Néandertaliens…
1. C’est-à-dire des méthodes statistiques rétrospectives qui permettent de reconstruire des séquences ancestrales en utilisant la diversité actuelle.
2. Toutes les dates génétiques sont données avec une incertitude considérable et dépendent du point de calibration, généralement la séparation entre les humains et les chimpanzés. La séquence de branchement est fiable, mais les temps de branchement. beaucoup moins.
3. La surface de l’émail montre de nombreux reliefs.
4. Kra use et al., 201 O.