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Le passé du fantasme
La représentation de la Préhistoire en France dans la seconde moitié du XXe siècle (1940-2012)
Pascal Semonsut
Avec les interviews de Jean-Jacques Annaud et Jacques Malaterre
Présentation de l’éditeur :
Lorsque s’ouvre la seconde moitié du XXe siècle, la Préhistoire est une époque bien connue et la préhistoire une science reconnue. Mais comment sont-elles perçues par le grand public ? De quelle manière sont-elles enseignées et racontées ? A travers l’étude et l’analyse de différents médias (presse, édition, télévision, cinéma) ainsi que des programmes d’enseignement et des manuels scolaires, Pascal Semonsut dessine le portrait d’une Préhistoire imaginaire et imaginée, beaucoup plus proche des acquis récents de la recherche.
L’Homme préhistorique est plus accessible, mais reste encore nimbé d’un voile de mystère. C’est ce qui fait son attrait auprès du grand public.
Illustration de la couverture Eric Lebrun.
Editions errance
24 x 16 cm
400 pages
Hominides.com
Quand vous prononcez le mot « préhistoire » il vient à l’esprit de votre interlocuteur des images très précises… Pour l’un ce sera des dinosaures, pour l’autre un homme qui fait du feu, un chasseur aux aguets, ou encore un clan d’hommes velus qui sort d’une grotte…
Notre vision de la préhistoire a été modelée, suivant l’histoire de chacun, par les manuels scolaires, les livres, les documentaires, les films et même les bandes dessinées !
Pascal Semonsut remonte dans le temps et nous montre comment les représentations de la préhistoire ont évolué avec leur époque, même si la vision n’est pas conforme avec la réalité….
La femme préhistorique est ainsi toujours représentée sous les traits d’une « bimbo », svelte, mignonne et occupée à des tâches subalternes… Alors que la quasi totalité des représentations féminines préhistoriques sont plutôt opulentes ! Seule la romancière Jean Auel donne parfois dans ses livres une place centrale à la femme.
Les héros comme Rahan ou Ao sont proches de la nature, pacifiques, bienveillants. Mais ils sont un peu seuls au milieu de héros barbares, rustres voire guerriers. La réalité devait se trouver un peu au milieu de ces comportements.
Les livres scolaires également ont évolué en fonction de l’actualité, de la politique et des grands enjeux stratégiques. Par exemple, avant 1960 les manuels comparent les populations préhistoriques de manière ethnographique avec des populations contemporaines. Après cette date ce comparatisme disparaît… car nos colonies accèdent à l’indépendance !
Cet ouvrage permet de découvrir comment notre environnement culturel et éducatif a modelé notre vision de la préhistoire. Vous allez certainement retrouver des images connues (La Guerre du Feu) mais également des représentations plus anciennes (le dessinateur Burian qui était très célèbre dans les années 50) qui marquent encore notre perception.
Un vrai travail de compilation et d’analyse qui vous permettra de découvrir les raisons de votre propre préhistoire, fantasmée ( ?).
C.R.
L’auteur
Pascal Semonsut est docteur en histoire de Paris-IV-Sorbonne. Il travaille sur la diffusion des connaissances et la médiation culturelle.
Sommaire de « Le passé du fantasme »
Préface par Jean Guilaine 9
Introduction générale La Préhistoire au miroir de notre histoire 14
Partie I La Préhistoire et son public
Introduction – De la littérature à la sémiologie 30
Chapitre 1 – Un public de lecteurs (1940-1970) 33
a. Lire la Préhistoire 33
La timide souveraineté de l’école 33
Adolescence, Préhistoire et littérature 36
Une vulgarisation discrète mais ambitieuse 41
La “Chapelle Sixtine de la Préhistoire” (1940) et “la guerre des mammouths” (1956) dans la presse 42
b. Voir la Préhistoire au temps de l’écrit 43
La Préhistoire du bout des pinceaux : Burian et son oeuvre, 1941-1968 43
Mickey, Astérix, Tounga et quelques autres 52
Des cabinets de curiosités aux premiers musées de Préhistoire 55
Sur grand et petit écran 57
c. Conclusion 60
Chapitre 2 – L’image reine (1970-2000) 66
a. Voir la Préhistoire 64
Une “folle du logis” bien paresseuse 64
Rosny vu par Annaud 67
Dans la case et dans le cadre 73
Sites et musées en difficulté 79
b. Lire la Préhistoire au temps de l’image 84
Le roman préhistorique de fin de siècle : l’âge d’or d’un genre très marginal 84
La renaissance de la vulgarisation préhistorique 88
La presse ou le triomphe de Chauvet (1995) sur Lucy (1973)
Lucy abandonnée par l’école 92
c. Conclusion 96
Partie II Images du préhistorien et du préhistorique
Introduction – Le préhistorien dans l’ombre du préhistorique 106
Chapitre 1 – La préhistoire des savants au prisme de la didactique et de la fantaisie 108
a. La préhistoire : science des os, de la pierre et de la polémique 108
La progressive affirmation d’une science toujours marquée par la polémique 111
Les os, la pierre et la pelle 115
b. Du professeur Challenger à son “collègue” Yves Coppens : préhistoriens réels et rêvés 122
La préhistoire, science humaine ou science d’hommes ? 125
Préhistoriens réels, d’Henri Breuil (1877-1961) à Yves COPPENS (1934) 126
Préhistoriens de l’imaginaire : Challenger et ses collègues de fantaisie 132
c. Des os, des sites et des musées 135
Paris n’est pas la France, sauf pour les musées de Préhistoire 138
De 1940 à nos jours, Lascaux toujours 141
Des fossiles d’abord européens 146
d. Conclusion 148
Chapitre 2 – Visages de l’Homme préhistorique 153
a. L ’Homme et le singe, une vieille histoire toujours recommencée ? 153
L’hominisation, un couronnement 155
L’homme ne descend plus du singe 160
b. Des hommes préhistoriques en général, et de la femme en particulier 164
L’homme préhistorique est effectivement un homme 165
Proches et lointains, les premiers hommes 173
Neandertal, de la légende noire à la légende dorée 175
Cro-Magnon, ou la perpétuelle infaillibilité 182
c. Conclusion 186
Partie III La Préhistoire : âge d’or, purgatoire ou enfer ?
Introduction – Peindre “l’âme d’une époque” 192
Chapitre 1 – La forêt, des mammouths et des hommes 194
a. Un paysage à la démesure de l’Homme 194
L’Homme, enfant du climat 198
La forêt, “monde de colosses” 204
L’eau préhistorique, un univers vaste et contrasté 209
Volcans et séismes : la revanche posthume de Cuvier sur Lamarck 212
b. “La terre appartient aux animaux, pas aux humains” 215
Une Arche de Noé irréaliste 216
Un “pays de griffes, de dents et de venins”
c. Conclusion 233
Chapitre 2 – Vivre ou survivre ? 237
a. Un monde d’ordre et de violence 237
Des hommes soumis au chef, des femmes soumises aux hommes 238
“Tigres contre chacals, ils ont créé la Guerre !” 248
b. Sédentaires et nomades 256
De “l’homme des cavernes” à “l’humanité des villages” 258
Quand le nomadisme était aristocratique 264
c. “Le train-train des premiers âges du monde” 270
“L’empire du renne” 272
Et Caïn remplaça Adam 281
d. Conclusion 286
Partie IV La pensée préhistorique au miroir de la pensée contemporaine
Introduction – Ouvrir les portes de l’esprit 294
Chapitre 1 – Lever de rideau sur les mots et les choses 297
a. Parler ou babiller ? 297
Une langue étonnamment moderne 299
Des noms barbares 306
b. “Avec le feu et le silex taillé, en avant pour la maîtrise du monde”
L’outil, “notre lien le plus prégnant avec nos ancêtres” 314
Le feu, “un fil d’or dans le terne et sombre tissu de la Préhistoire” 321
Si “l’habit ne fait pas le moine”, la peau de bête fait bien le préhistorique 328
c. Conclusion 332
Chapitre 2 – Croire et peindre 339
a. À l’aube des dieux 339
Des morts, des menhirs et le soleil 341
L’humanité autour d’une tombe 351
b. “Il venait d’inventer la beauté” 356
Par la peinture, “dominer la fange du sol et la poussière des déserts” 359
Encore et toujours les animaux 372
Les grottes, “des terrains de chasse sous terre” 376
c. Conclusion 384
Conclusion générale La préhistoire sous le signe de l’ambiguïté 389
Bibliographie 401
Annexes 435
Questions à Jean-Jacques Annaud
Entretien avec Jacques Malaterre
Un extrait du livre « Le passé du fantasme »
La Préhistoire au miroir de notre histoire (extraits de l’introduction)
Lorsque s’ouvre la seconde moitié du XXe siècle, la Préhistoire est une époque bien connue et la préhistoire une science reconnue. Il n’est pas dans notre propos d’en faire l’histoire. Celle-là a déjà été faite, et fort bien, par de nombreux auteurs.
Ce travail ne porte pas non plus sur la Préhistoire. Il n’est pas dans notre intention de décrire ce qu’est la Préhistoire. Nous ne prétendons pas faire œuvre de préhistorien, mais d’historien décrivant et analysant sa représentation, retraçant l’histoire de son image auprès des Français de la seconde moitié du XXe siècle, plus précisément depuis la découverte de la grotte de Lascaux en 1940.
Voilà le point nodal de notre réflexion et de notre démarche. Pour ce faire, nous avons dû adopter une méthode précise.
On ne peut dépeindre l’ambiance d’une période que si on l’observe sous ses différents aspects, non pas tous ses aspects, ce qui est irréalisable, mais le plus grand nombre. Nous ne chercherons pas seulement à décrire l’image de l’homme préhistorique, mais également celle de l’époque qui l’a vu croître. Pour ce faire, il faut multiplier les entrées. Mais préférer le plan d’ensemble au gros plan ne sert à rien si l’on n’installe dans le film qu’un décor uniforme. Notre travail se doit de multiplier les sujets, certes, mais aussi les sources. On ne peut pas se contenter d’un type de document, seraient-ce les romans ou les manuels scolaires. Les racines culturelles de chaque individu sont bien plus nombreuses et plongent dans des substrats très différents. Le savoir et l’imagination s’abreuvent à des sources multiples. Privilégier l’une au détriment des autres reviendrait à étudier, non pas les Français, mais des Français, comme les lecteurs de romans, les élèves, etc. Notre démarche implique de multiplier les terrains d’approche et de voir large dans la documentation.
Voir large consiste à diversifier les médias. Nous en avons sélectionné dix, répartis en deux groupes : cinq principaux et cinq secondaires. Les principaux sont : l’enseignement (nous avons étudié tous les programmes scolaires d’histoire et de sciences naturelles de la seconde moitié du XXe siècle, ainsi que la partie consacrée à la Préhistoire de 172 manuels scolaires de l’enseignement primaire (histoire) et secondaire (histoire et sciences naturelles). Nous pensons obtenir ainsi une photographie assez fidèle de ce qui doit s’enseigner), la littérature (de La guerre du feu de Rosny jusqu’aux sagas de Jean Auel et Marc Klapczynski), la bande dessinée (deux titres emblématiques de la production consacrée à la Préhistoire retiennent l’attention : Rahan et Tounga, tous deux créés dans les années 1960. Si l’on ne peut résumer la BD préhistorique à ces deux héros, ils en constituent néanmoins l’essentiel, ne serait-ce que grâce à leur mode de diffusion, Pif gadget pour le premier et Tintin pour le second. À côté de ces deux productions phares, nous avons également retenu l’oeuvre d’Emmanuel Roudier, auteur de deux séries : Vo’Hounâ et Neandertal), le cinéma (avec, notamment, Un million d’années avant JC avec la belle Raquel Welch, 2001, l’odyssée de l’espace de Kubrick, sans oublier l’œuvre phare de cette filmographie La guerre du feu de Jean-Jacques Annaud, ni le dernier opus en date, celui de Jacques Malaterre, Ao le dernier Néandertal) la peinture (essentiellement celle du Tchèque Zdenek Burian)
Enseignement, littérature, bande dessinée, cinéma et peinture constituent ainsi le coeur de cette étude. Nous leur avons adjoint cinq autres sources complémentaires : la vulgarisation, la presse écrite, la télévision, les sites et les musées.
Ainsi, nous disposons d’une palette d’objets historiques dont l’étude permet de retracer l’histoire de la représentation de la Préhistoire, dans toute sa diversité.
Au centre de nos préoccupations réside donc une question simple : à quoi ressemble la Préhistoire pour les Français de la seconde moitié du XXe siècle ? Mais cette question centrale est précédée d’autres, non moins fondamentales. Comment cette image a-t-elle été conçue ? Pourquoi l’a-t-elle été ainsi ? D’où vient-elle ? Autant d’interrogations nécessaires pour retracer, en amont, sa gestation.
À quoi ressemblent les temps et les hommes premiers dans les pages des manuels scolaires ou celles des romans, dans les cases de Rahan ou de Tounga, sur grand écran ou sur les cimaises ? Comment cette image évolue-t-elle au fil des décennies de la seconde moitié du XXe siècle ? Telles sont les questions auxquelles nous tentons de répondre au fil d’un plan thématique, mais qui intègre l’approche chronologique afin de mettre en lumière les changements ou/et les permanences dans la représentation de la Préhistoire.
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