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L’art des objets de la Préhistoire
Laugerie-Basse et la collection du marquis Paul de Vibraye au Museum national d’histoire naturelle
Patrick Paillet
Présentation par l’éditeur :
De nombreux ouvrages ont été consacré à l’art préhistorique. Ils ont souvent eu l’art des cavernes et abris comme thème principal. Les objets d’art n’ont trouvé dans les publications qu’une place très discrète. Pourtant, ils sont inscrits dans le quotidien des hommes et nous révèlent avec force leurs comportements techniques et symboliques.
Cet ouvrage est pensé comme un outil de réflexion sur l’art des objets, l’art mobilier comme il est qualifié par les spécialistes, prolongé par un catalogue d’images pensé pour valoriser les oeuvres d’art et nous les faire admirer.
Il ne s’agit pas d’un manuel pratique destiné aux préhistoriens. Ici pas de nomenclature typologique ou technologique normalisée, mais des commentaires, des réflexions, des rappels historiques, des anecdotes parfois et des points de vue originaux sur les oeuvres d’art mobilier paléolithique.
Editions errance
Nouvelle lecture de chefs d’œuvre de l’art préhistorique.
174 pages
Format 25 x 20 x 2 cm
C’est la collection du marquis Paul de Vibraye, l’un des pionniers de la Préhistoire au XIXe siècle, collection conservée au Muséum national d’Histoire naturelle, qui est directement interrogée dans cet ouvrage. Plus précisément encore, ce sont les objets provenant des premières fouilles dans l’abri magdalénien de Laugerie-Basse (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne) qui constituent le coeur du propos.
Depuis longtemps, ce gigantesque abri a été le principal pourvoyeur des musées de France et de l’étranger en objets préhistoriques et notamment en oeuvres d’art, dont la plus célèbre, la « Vénus impudique ». Si le concept de notre ouvrage a quelque chose d’original, il le doit à cette démarche qui consiste à raisonner à partir d’une série d’objets ornés sélectionnée et triée par leur inventeur.
Que dire sur ces objets qui sont aussi dépourvus de contexte précis et qui ont subi bien des outrages depuis leur découverte il y a 150 ans ? Cette collection peut encore porter témoignage sur les artistes et les artisans de la Préhistoire, sur leur modernité irréductible, leur formidable capacité à transcender le quotidien par des images et des symboles fécondés dans l’intimité d’une relation exclusive et originale avec l’arme, l’outil et la matière.
C’est enfin le rôle qu’ont joué ces objets il y a 150 ans dans l’histoire des sciences anthropologiques et préhistoriques naissantes que nous interrogerons, ainsi que les conditions et le contexte de leur découverte, la place également de leur inventeur dans le monde très fermé de la Préhistoire d’antan.
Ainsi, nous dévoilerons un peu la face cachée des oeuvres d’art de la collection de Vibraye.
Hominidés.com
Nous voila en face d’un objet un peu extra-terrestre.
Le sujet tout d’abord, l’art des objets ou art mobilier, est assez rarement mis en valeur dans la littérature préhistorique. Le lieu ensuite : la majeure partie des objets décrits et photographiés dans l’ouvrage provient de l’abri de Laugerie-Basse, aux Eyzies-de-Tayac, qui n’est pas vraiment connu du grand public… Et pour finir, la Vénus mise en avant sur la couverture ne correspond pas aux critères habituels de ce type de statuette. D’habitude les vénus sont plus opulentes et globalement en forme de losange…
Tout cela est étonnant certes mais tout à fait normal !
Cet ouvrage est une vraie petite mine d’or pour qui s’intéresse un tant soit peu à la préhistoire et surtout à l’art mobilier. C’est riche, complet, bien écrit. De plus les photos de Jean-Christophe Domenech complètent avantageusement le texte du préhistorien Patrick Paillet dont les ouvrages sont trop rares…
Une petite merveille à mettre entre toutes les mains intéressées !
C.R.
L’auteur
Patrick Paillet est maître de conférences au Muséum national d’histoire naturelle. Spécialiste de l’art rupestre, il a mené de nombreuses missions dons les grottes ornées franco-cantabriques ainsi qu’au Brésil.
Sommaire de « L’art des objets de la préhistoire »
Sommaire
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS
PRÉFACE.
PRÉAMBULE
Splendeur et démesure de l’art préhistorique
L’art mobilier ou la discrétion du quotidien
PAUL DE VIBRAYE : UN MARQUIS SAVANT ET DES COLLECTIONS PRESTIGIEUSES.
Un agriculteur et agronome infatigable
Un géologue, paléontologue et préhistorien visionnaire
La Collection Paul de Vibraye du Muséum national d’Histoire naturelle
La Collection Paul de Vibraye dans les galeries du Muséum
L’abri de Laugerie- Basse (Dordogne), le Magdalénien et les séries de Vibraye
Les collections archéologiques à l’Exposition universelle de 1867
Les collections de Vibraye à l’Exposition universelle de 1867
L’Exposition universelle de 1878
L’art mobilier préhistorique dans la Galerie de l’Histoire du Travail
La première vitrine plate au milieu de la salle. L’art des cavernes
L’art mobilier paléolithique et la collection de Vibraye
L’HOMME ET L’ANIMAL .
Les ivoireries préhistoriques
… C’est là qu’est l’os
Bois de renne … et bois d’arbres
Sur la plage abandonnée … les coquillages
Sous les pavés, la plage … de galets
DES POINTES DE SAGAIE AUX PENDELOQUES .
Les armes et les outils
Les objets de parure
Les objets d’usage indéterminé
GRAVURES ET SCULPTURES DES OBJETS DE LA PRÉHISTOIRE
L’ANIMAL ET LE SIGNE
Le cheval
Les bovinés (bison et aurochs)
Les cervidés
Le bouquetin
Le mammouth
Les poissons
Les oiseaux
Les motifs « végétaux »
Les motifs géométriques
L’ART MOBILIER:
UN RÉVÉLATEUR DES SOCIÉTÉS PRÉHISTORlQUES ? .
Les techniques et les gestes des artistes
Les styles et les codes graphiques à travers les territoires
Des chevaux étrangement stylisés
Des animaux découpés dans l’os de la langue
Femmes et profils de femmes
BIBLIOGRAPHIE
Un extrait du livre « L’art des objets de la préhistoire »
LES OBJETS DE PARURE
Suspendus au cou ou aux oreilles, accrochés à la ceinture, passés aux poignets, aux chevilles ou aux doigts, cousus sur des coiffes et des vêtements, sertis ou encollés, les objets de parure au Paléolithique affichent une extraordinaire diversité. C’est d’abord celle des matériaux, qui sont d’origine minérale, animale (coquillages marins, coquilles d’eau douce, fossiles, dents, os, bois de cervidé, ivoire, etc.) et probablement végétale (non conservée). La diversité est également celle des formes (dents, perles, disques, anneaux, rondelles, contours découpés, plaquettes, pendeloques, etc.). Enfin, on ne saurait négliger toute la variabilité des objets de parure dans leurs propres niveaux d’élaboration (bruts ou façonnés) et de fonction (sacré ou profane). Leur rôle social est éminent et leur résonance religieuse, sexuelle ou encore esthétique est forte. Un objet de parure est de dimensions plutôt modestes et possède généralement (mais pas toujours) un moyen de suspension façonné, comme une perforation, une gorge ou un rainurage. Mais n’importe quel objet de taille modeste et dépourvu de tout dispositif de fixation peut également être cousu ou collé et faire office de parure. La plupart des parures sont dépourvues de toute utilité pratique. Toutefois, quelques objets ont une fonction à la fois utilitaire et ornementale comme les épingles ou les peignes. Les objets de parure existent dès le Paléolithique moyen mais deviennent très fréquents au début du Paléolithique supérieur, durant le Châtelperronien (Barge-Mahieu, Taborin, 1991a, b).
Toutes les parures de la collection de Vibraye (35 objets auxquels on doit ajouter un lot de 28 dentales) sont des objets naturels, bruts ou peu transformés, mais systématiquement perforés. Il s’agit de 26 dents, quatre baguettes de bois de renne, deux valves de Lamellibranches, un métapodien de renne, une rondelle dans une scapula, un contour découpé sur os hyoïde et peut-être un « lissoir-pendeloque » en os (n° 38-189-1156), présenté plus haut. Au même titre que les coquillages, les dents sont un don de la nature. Avec une perforation, une rainure ou un décor, la dent n’est plus un déchet mais un élément de parure. Mais même sans être aménagée pour la suspension, comme nous l’avons souligné plus haut, une dent peut être un objet de parure (Taborin, 1995, 2004). Les préhistoriques, dès les premiers temps du Paléolithique récent, ont transféré dans les dents animales une dimension symbolique particulière. Ainsi, les dents et les coquillages sont les plus anciennes parures connues dans l’histoire de l’humanité. On ne saurait également dissocier la dent, comme objet de parure qui exprime du sens et objet esthétique, de l’animal dont elle provient. La « dent-parure » porte quelque chose de l’animal qui l’a produite. Cette « chose » a d’autant plus de sens que la plupart des dents d’animaux chassés et consommés ont été abandonnées dans les mâchoires. À l’instar des représentations figuratives pariétales et mobilières, les animaux pourvoyeurs de « dents-parure » ne sont pas les mêmes que les animaux consommés dans l’ordre de fréquence. Ce sont les bovinés (bisons et aurochs) et les renards qui fournissent la majeure partie des « dents-parure », à savoir les incisives pour les herbivores et les canines pour les petits carnivores. Les bouquetins (incisives), les cerfs ou les biches (canines résiduelles dites « craches »), les chevaux (incisives) et les rennes (incisives) constituent un groupe secondaire. Les canines des loups, des ours ou des félins sont plus rares (Chauvière, 2014) . Globalement, la collection de Vibraye ne déroge pas à cette règle, hormis les craches. Une incisive de bouquetin, une canine de loup, une canine et deux incisives d’ours et enfin une prémolaire humaine perforées complètent la série. Les « dents-parure » de la collection sont présentées par ordre de fréquence…