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L’abbé Breuil
L’abbé Breuil, biographie
Un préhistorien dans le siècle
Arnaud Hurel
La vie et les travaux du « Pape de la Préhistoire »
Homme d’Église et homme d’action, voyageur au long cours, explorateur infatigable et savant mondialement reconnu, l’abbé Breuil (1877-1961) a révolutionné notre connaissance de la préhistoire. Il a mené une vie d’aventure et de passion, ponctuée de grandes découvertes et dédiée à une quête fascinante : la compréhension des origines de l’homme. Dans cette biographie nourrie aux meilleures sources Arnaud Hurel retrace la destinée exceptionnelle de l’abbé préhistorien, du séminaire de Saint-Sulpice à la grotte de Lascaux, de l’Institut de paléontologie humaine au Collège de France en passant par l’Espagne, l’Italie, la Chine, l’Abyssinie, l’Afrique du Sud.
Vêtu de son éternelle soutane, béret négligemment vissé derrière l’oreille et cigarette aux lèvres, Breuil a lutté sans relâche pour la reconnaissance de sa discipline, animé d’innombrables réseaux et suscité autant de polémiques. Tout en s’acquittant de missions parfois peu compatibles avec l’habit ecclésiastique : en Espagne pendant la Première Guerre mondiale, il mène des opérations d’espionnage au profit du Bureau naval français de Madrid…
Militant de la cause évolutionniste, il craint de s’attirer les réprimandes de la hiérarchie catholique. Homme de foi, il lutte contre l’instrumentalisation des études préhistoriques par le parti anticlérical. Non sans peine, l’inclassable abbé doit composer avec ses deux autorités de tutelle : l’Eglise et la science.
La première biographie du « pape de la préhistoire ».
CNRS
523 pages
14,5 x 22,4 cm
L’auteur Arnaud Hurel
Arnaud Hurel est historien, docteur en histoire contemporaine, au département de préhistoire du Muséum National d’Histoire Naturelle. Directeur de la publication de la revue Conflits actuels, il est l’auteur de nombreux articles scientifiques et de vulgarisation consacrés à l’histoire des idées (XIXe-XXe siècles), à travers l’histoire des sciences et les politiques du patrimoine, et a participé à plusieurs expositions dont, récemment, Sur les chemins de la préhistoire, L’abbé Breuil du Périgord à l’Afrique du Sud (Musée de L’Isle-Adam, 2006) et La Saga de l’Homme, L’homme exposé (Musée de l’Homme, Paris, 2007). Il a publié, en collaboration avec Amélie Vialet, Teilhard de Chardin en Chine. Correspondance inédite (1923-1940), Éditions du Muséum-Edisud 2004, La France préhistorienne de 1789 à 1941, Editions du C.N.R.S (2007). L’abbé Breuil CNRS (2011)
Sommaire L’abbé Breuil un préhistorien dans le siècle
Table des matières
Introduction. Révéler et inventer une réalité humaine
Atteindre à une réalité humaine
Solder soixante ans de vie intellectuelle de la préhistoire française ?
La difficulté du travail biographique
Breuil en biographe de Breuil
Les archives Breuil
La question spécifique des sources
Sur le chemin des vocations
Formation des premières années et influences intellectuelles
Science, foi et vocation
L’entrée au séminaire
La découverte d’une apologétique scientifique
Une vocation double qui s’incarne
Chercheurs, collections et terrain : la découverte des réalités concrètes
A Saint-Sulpice
Au contact de nouveaux maîtres à Saint-Sulpice
La préparation au sacerdoce
Réussir à concilier vocation religieuse et scientifique
Des rencontres décisives pour l’apprenti préhistorien
Un nouvel été sur le terrain couronné par une participation à un congrès scientifique
Aux Carmes pendant la crise moderniste
Un jeune prêtre de l’Eglise catholique
En pleine crise moderniste
Un réseau de jeunes prêtres menacé par la tourmente
La fin de Notre Bulletin
La découverte des grottes ornées
La découverte des Combarelles et de Font-de-Gaume
Altamira sort de l’oubli
Breuil artisan d’un nouveau paradigme
Retourner à Altamira
Faire et faire-savoir
Le Prince Albert 1er mécène de la préhistoire
L’art des grottes des Pyrénées
Sous la protection du Prince de Monaco
Montrer et expliquer l’art pariétal
L’art des grottes ornées
Par-delà le temps et l’espace
L’interprétation de l’art préhistorique
Une approche globale et théorique
Etudes, amitiés, Piette, Obermaier, Fribourg.
Formation universitaire
Un concurrent s’efface, une amitié se noue
La préparation de la thèse d’habilitation
Une émancipation intellectuelle
Les prémices d’une préhistoire européenne
En route vers Fribourg
La complexité des cultures préhistoriques
Le paradigme de l’évolution linéaire
Repenser les civilisations préhistoriques
Les prémices de la bataille aurignacienne
Le tournant du Congrès de Monaco
L’heure des grands combats
Une première contre-attaque menée par Breuil
Une ambiance délétère autour de l’Aurignacien
L’épilogue de la controverse aurignacienne
L’affaire Hauser
L’affaire devient publique et politique
Le commerce des collections archéologiques
Une position stable à l’Institut de paléontologie humaine
A la recherche d’une situation pérenne
L’ébauche d’un centre de recherches préhistoriques
La création de l’Institut de paléontologie humaine
Le retour de tous les ressentiments
L’Espagne au cœur de l’activité scientifique de Breuil…
La Première Guerre mondiale
Etre prêtre et soldat au front
La situation particulière de Breuil
Une action patriotique et culturelle en Espagne
Secrétaire à l’Ecole militaire
De retour en Espagne
Propagande et contre-espionnage
Défendre son ami Hugo Obermaier
Breuil, la préhistoire et Rome
Retour à la vie civile
Solder la crise moderniste
Vers une nouvelle crise moderniste?
L’affaire Brassac
Eglise, évolution et préhistoire
Breuil penseur de la science et de la religion
Le cas Teilhard-de-Chardin
Un réseau amical, vigilant et solidaire
Le « Concile d’Altamira »
L’Institut de paléontologie humaine comme point d’ancrage
Les cours de l’Institut de paléontologie humaine
Peu d’élèves, mais de nombreux disciples
La guerre de tranchée avec Boule
Collections et question financière
Maturité scientifique et autorité morale
Nouveaux voyages en Europe
Terrasses alluviales et chronologie du Paléolithique inférieur et moyen
Le Collège de France passe par Glozel
Entrer au Collège de France
Premier voyage en Afrique du Sud
Renouveler les interprétations de l’art paléolithique
A travers le monde
Le berceau des origines en Chine
Le Sinanthrope est-il Homo faber?
Une visite en Algérie
En Afrique de l’Est
Florence, Saccopastore, Vatican, rencontres italiennes
Reconnaissances officielles, honneurs, hommages et premiers bilans.
Une nouvelle guerre mondiale sur la route de Breuil
Sauver Breuil et ses papiers scientifiques
La découverte de Lascaux
Face à la défaite de la France
A Vichy
Rentrer à Paris ou quitter la France ?
Mission officielle au Portugal et en Espagne
Sur la voie de l’exil
Entre l’Afrique du Sud et la France
L’arrivée en Afrique du Sud
Préhistorien sud-africain
Dans la France de la Libération
Solder les comptes
De retour en Afrique du Sud
Les premières contestations
Un autre monde
Les grandes monographies
La critique du magistère
Où l’on reparle de l’Eglise
Au soir d’une vie et d’une œuvre
ConcIusion
Index
Un extrait de L’abbé Breuil un préhistorien dans le siècle
LA DECOUVERTE DES COMBARELLES ET DE FONT-DE-GAUME
Après l’Ariège, Breuil se rend en Dordogne, aux Eyzies-de-Tayac. Le 2 septembre, il y retrouve Capitan. L’instituteur Denis Peyrony, « un brave garçon qui cherche et trouve», se joint à eux. Les premiers jours, ils travaillent à Laugerie-Haute et ses niveaux magdaléniens, Le 8, le trio décide de prendre la pittoresque route de la vallée de la Beune pour se rendre à pied à Sireuil où un ouvrier vient de découvrir une petite statuette en calcite ambrée Sur le chemin, les trois hommes s’arrêtent un instant à l’entrée du vallon des Combarelles où ils sont rejoints par Pomarel, le gendre des Berniche, famille habituellement employée par Rivière pour ses fouilles et qui habite ici. La conversation s’engage en patois périgourdin. Peyrony assure la traduction. La discussion porte sur La Mouthe, les fouilles de Rivière conduites dans la grotte Rey et celle des Combarelles dans sa galerie de droite. Pour Pomarel cette dernière recèle encore des richesses car il se souvient y avoir remarque des figures gravées identiques selon lui à celles de La Mouthe. L’information est intéressante et mériterait à l’occasion d’être vérifiée, Or, l’examen de la carrière de Sireuil n’ayant donné que de piètres résultats, Breuil, Capitan et Peyrony se dirigent donc en fin de journée vers la grotte des Combarelles pour vérifier les renseignements donnés par Pomarel. Ils pénètrent bougie à la main dans la galerie de gauche. Là, pendant près de cent mètres, ils ne découvrent que peu d’éléments significatifs à part les quelques traits évoqués par Pomarel.
Mais, un peu plus loin, la galerie devenant très étroite, ils poursuivent leur progression courbés et parfois à quatre pattes, Pour avancer plus aisément, Breuil est même contraint de quitter plusieurs fois sa soutane. Quelques mètres plus loin, les parois dévoilent un fantastique bestiaire composé d’une centaine de figures de chevaux, rennes, ours, mammouths, bœufs, bouquetins, La découverte est sensationnelle. Le 10 septembre, Breuil envoie une lettre triomphale à Jean Bouyssonie:
« Hurrah! Pour une découverte, en voilà une d’envergure, pour Capitan et moi ensemble: une immense grotte à gravures, [ … ] C’est à croire que j’ai rêvé, Tomber dessus tout banalement comme on trouve un caillou sur la route, c’est à n’y pas croire, – Aussi ce que nous avons trimé hier! J’ai calqué 18 bêtes, il y en a beaucoup de splendides [ .. .]. Ce sera un énorme pétard dans le monde préhistorique.
Arrivé au bout à peu près accessible aux gens pas trop infirmes, on voit que ça continue; moi qui ne doute de rien, je m’y suis engagé une première fois; après 10 m plat ventre, nouvelle galerie à gravures de 20 m à peu près, puis la voûte s’abaisse et touche presque le plancher, sauf de côté. Je m’y suis glissé, touchant des épaules et de la poitrine. Mais il n’y a que 2 m comme ça, puis encore quelques gravures, dès que la voûte se relève un peu, puis, concrétions si abondantes que tout a disparu, sinon des traits épais montrant qu’il y en eut autrefois, mais vIam! ma bougie se souffle, j’avais poussé un trop gros soupir ! Je n’avais pas d’allumettes: il m’a fallu rebrousser à tâtons. Pas drôle, mais pittoresque (au moral) tout de même. Je m’y suis retrouvé (pas moyen de faire autrement) et j’ai entraîné Capitan à me suivre, mais il n’a pas pu passer au plus étroit, n’étant pas si fluet que moi. Je suis allé à 3 m du bout, mais là, il y a des émanations d’acide carbonique, assez sensibles pour me causer qq. gênes et j’ai rebroussé, J’ai en tout passé 10 h dans la grotte hier. Je suis mort, cousu de courbatures, mais content. »