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La vie est belle
La vie est belle Les surprises de l'évolution Titre original : Wonderful Life Traduit par Marcel Blanc Stephen Jay Gould
Présentation par l’éditeur :
Il y a plus de 500 millions d’années, d’étranges créatures peuplaient les mers : Opabinia avec ses cinq yeux et sa trompe frontale, Anomalocaris, redoutable prédateur à mâchoire circulaire, Hallucigenia dont l’anatomie justifie amplement le nom. Cette faune, fossilisée dans le Schiste de Burgess, est si extraordinaire qu’il a fallu près d’un siècle pour en reconnaître l’originalité. Cette véritable révolution scientifique conduit à une profonde remise en cause de nos conceptions traditionnelles. Il nous faut désormais regarder l’évolution comme un ensemble d’événements à la fois parfaitement logiques et susceptibles d’être rigoureusement expliqués en rétrospective, mais absolument impossibles à prédire et non-reproductibles. Le maître mot de l’histoire, celle de la vie comme celle de l’homme, est donc bien celui de contingence. Comme dans le merveilleux film de Frank Capra avec James Stewart, » La vie est belle « , par son unicité et son imprévisibilité même.
Seuil
480 pages
10,9 x 17,9 cm
Hominides.com
Dans cet ouvrage Stephan Jay Gould reprend les découvertes réalisées de 1909 à 1917 sur le site des shistes de Burgess (Colombie britannique). En effet l’interprétation qui en avait été faite à l’époque ne correspondait pas à la réalité.
Des espèces retrouvées à Burgess on estime en effet que seulement 10% ont survécu… Ce qui change l’idée que certains se faisaient de l’évolution qui progresse et se diversifie au fur at à mesure… Parmi les 80 000 fossiles du gisement, Gould isole Pikaia, un minuscule petit animal qui est peut-être à l’origine des vertébrés.. et donc de l’homme !
Gould indique donc que si cet animal avait disparu avec les autres animaux de Burgess, l’homme ne serait certainement jamais apparu !
Génial !
C.R.
L’auteur Stephen Jay Gould
Professeur à Harvard, il fut l’un des maîtres de la théorie moderne de l’évolution et l’auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation. Stephen Jay Gould enseignait la biologie, la géologie et l’histoire des sciences. Parmi ses ouvrages, La Mal-Mesure de l’homme a reçu plusieurs prix prestigieux aux Etats-Unis lors de sa publication.
Sommaire de Guide critique de l’évolution
1. Iconographie d’un préjugé
Prologue en image
L’échelle et le cône : les iconographies du progrès
Et si on déroulait le film de la vie ? L’expérience cruciale
2. Le contexte du schiste de Burgess
La vie avant Burgess : l’explosion du Cambrien et l’apparition des animaux
La vie après Burgess : les faunes d’animaux à corps mou, fenêtre sur le passé
Le site du Schiste de Burgess
3. La réinterprétation du Schiste de Burgess – Vers une nouvelle vision de la vie
Une révolution tranquille
Les méthodes d’une recherche
La chronologie d’un changement
Etat récapitulatif du bestiaire du Schiste de Burgess
Le Schiste de Burgess en tant que norme du Cambrien
Les deux grands problèmes posés par le Schiste de Burgess
4. Les conceptions de Walcott et la nature de l’histoire
Les raison de Walcott d’adherer au cône de la diversité
Le Schiste de Burgess et la nature de l’histoire
5. Les autres mondes possibles – Le pouvoir du « Rien que l’histoire »
Quelques alternatives
Aspects généraux illustrant la contingence
Sept autres mondes possibles
Un épilogue sur « Pikaia »
Un extrait de « La vie est belle »
5. Hallucigenia. Lorsqu’un phénomène se manifeste sous tant de facettes différentes qu’on ne peut les garder toutes à l’esprit, il est souvent utile de recourir à un symbole qui les résume toutes. S’il fallait choisir un seul organisme pour représenter le message du Schiste de Burgess — une stupéfiante disparité et singularité des organisations anatomiques, apparaissant très tôt et très rapidement dans l’histoire de la vie multicellulaire moderne -, les connaisseurs, dans leur écrasante majorité, retiendraient sûrement Hal-lucigenia (quoique, personnellement, je soutienne volontiers Opabinia ou Anomalocaris). Cette espèce emporterait tous les suffrages pour deux rai-sons. Premièrement, elle est réellement étrange. Deuxièmement, et puisque les noms sont importants en matière de symboles, Simon a choisi une dénomination des plus inhabituelles et charmantes pour désigner sa bizarre trouvaille. Il l’appela Hallucigenia pour souligner « l’apparence étrange et onirique de cet animal» (1977 c, p. 624) et peut-être même aussi en mémoire d’une certaine époque d’expérimentation sociale.
Walcott avait assigné sept espèces de la faune de Burgess au seul genre baptisé Canadia, le principal, selon lui, parmi les polychètes. (Les poly-chètes, membres de l’embranchement des Annélides, vers segmentés, sont les équivalents marins de nos vers de terre, et comptent parmi les groupes d’animaux les plus variés et ayant le mieux réussi.) Conway Morris montra par la suite (1979) que cet unique genre de Walcott recelait une remarquable disparité sous un même chapeau exagérément large : il reconnut, parmi les sept espèces de Walcott, trois genres distincts de polychètes authentiques; une espèce de ver appartenant à un embranchement entie-rement différent (un ver priapulien qu’il rebaptisa Lecythioscopa); et Hal-lucigenia. Walcott, se méprenant au sujet du plus étrange des organismes de Burgess, avait appelé cet animal inhabituel Canadia sparsa.
Comment faire la description d’un animaridont n ne sait même pas reconnaitre le haut du bas, ni l’avant de PaTrim Hallucisenia est bilatéralement symétrique comme la plupart des animaux mobiles, et présentie des séries de structures répétées, ce qui est un mode d’organisation commun à beaucoup d’embranchements. Les plus grands spécimens mesurent environ 2,5 cm de long. Au-delà de ces caractéristiques relevant de l’ultra-banal, on a affaire à des traits dignes d’une créature de science-fiction (fis. 3.34). En deux mots, Hallucigenia présente une « tête» bulbeuse à l’une de ses extrémités, tête qui a été mal conservée chez tous les spécimens disponibles (environ une trentaine), et dont l’anatomie n’est, par conséquent, pas bien comprise. On n’est même pas certain que cette structure représente bien l’avant de l’animal; ce n’est que par convention qu’on la désigne comme «tête». Elle est attachée (fig. 3.35) à un long tronc étroit, de forme fondamentalement cylindrique.
Sept paires de piquants très pointus – structures bien distinctes les unes des autres et non articulées, à la différence des appendices d’arthropodes – partent des côtés du corps, d’un niveau situé près de la surface ventrale, et s’étendent vers le bas, formant une série de béquilles. Ces piquants ne s’articulent pas avec le corps, mais paraissent enchâssés dans ses parois latérales, dont les tissus forment une gaine enveloppant sur une courte distance la base de chacune des béquilles. Tout au long de la ligne médiane sur le dos de l’animal, et en des points exactement opposés aux piquants, sept tentacules terminés par des pinces à deux branches s’étirent vers le haut. Les sept tentacules semblent distribués de manière coordonnée avec les sept paires de piquants, mais selon un étrange mode de décalage : le premier tentacule (le plus proche de la «tête ») n’a aucune paire de piquants en vis-à-vis. Chacun des six tentacules suivants est situé exactement au-dessus d’une paire de piquants. La dernière paire de ceux-ci n’a au-dessus d’elle aucun tentacule correspondant. Juste en arrière de la rangée des sept tentacules, figure également un groupe de six autres tentacules beaucoup plus courts (peut-être distribués en trois paires). La partie arrière du tronc se rétrécit ensuite en un tube qui se recourbe vers le haut et l’avant.
Comment un taxinomiste peut-il interpréter une pareille organisation?
Simon se dit qu’il devait d’abord essayer de comprendre comment un tel animal pouvait fonctionner; peut-être arriverait-il ainsi à comprendre un peu mieux son anatomie. Recherchant des analogies, il remarqua que certains animaux actuels reposent sur le fond par l’intermédiaire de piquants fixés sur leur face ventrale, et se servent même de ceux-ci pour se dépla-cer. Les poissons « tripodes » se soutiennent au moyen de deux longs prolongements épineux pectoraux, plus un autre caudal. Les élasipodes, de curieuses holothuries vivant en eaux profondes (les holothuries sont appelées communément « concombres de mer » et appartiennent à l’embranchement des Échinodermes), se déplacent en groupe sur le fond, où elles prennent appui au moyen de leurs pieds ambulacraires allongés en forme de piquants (Briggs et Conway Morris, 1986, p. 173). Chez Hallucigenia, les deux piquants de chaque paire forment entre eux un angle de quelque 70°, ce qui est une valeur tout à fait convenable pour qu’une série de béquilles…