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L’aube des mythes
L’aube des mythes
Quand les premiers Sapiens parlaient de l’Au-delà
Julien D’huy
La découverte
Science sociale du vivant
Présentation de l’éditeur
On sait bien peu de choses sur la façon dont nos ancêtres préhistoriques concevaient la mort. Le faible nombre de sépultures paléolithiques attestées, la difficulté à interpréter les vestiges exhumés ou à attribuer l’enterrement et le traitement réservé aux corps à des rituels funéraires ne permettent guère d’en inférer des représentations.
Pourtant, les humains qui nous ont précédés devaient avoir des croyances à propos de l’Au-delà. Leur refuser de s’être interrogés sur cette perspective, au même titre que nous le faisons, reviendrait à oublier notre appartenance commune à une même espèce. Mais comment combler les lacunes de l’archéologie ? Après Cosmogonies, qui avait démontré la robustesse des méthodes phylomythologiques pour reconstituer les mythes du passé en retraçant la généalogie de ceux qui nous sont connus, Julien d’Huy s’attelle ici à répondre à des questions fondamentales : à quoi les premiers Homo sapiens attribuaient-ils leur finitude ? Dans leur esprit, l’humanité était-elle mortelle dès l’origine et, sinon, comment l’est-elle devenue ? Sous quelles formes se figuraient-ils leur dernière demeure et le chemin qui y menait ? Croyaient-ils en une vie après la mort et à la possibilité de revenir de l’autre monde ? Comment envisageaient-ils les relations entre les morts et les vivants ?
C’est dans ce voyage fascinant, véritable archéologie de la psyché, que nous entraîne l’auteur, en montrant la force avec laquelle certains mythes hérités de nos lointains devanciers continuent de nous influencer dans l’art, la philosophie, la religion, voire la science, sécrétant toujours un puissant imaginaire autour de notre questionnement ultime.
Editions La Découverte
394 pages
24 euros
Hominides.com
Il y a encore quelques années on imaginait pas, un jour, pouvoir connaitre les mythes que partageaient les premiers Homo sapiens au paléolithique. Ces populations ne possédant pas l’écriture ils se transmettaient oralement les mythes. Dans son précédent ouvrage (Cosmogénies) Julien d’Huy expliquait comment reconstituer l’histoire et la diffusion des mythes dans le monde entier.
Avec l’Aube des mythes, Julien d’Huy concentre son étude sur les mythes dont le récit met en scène la mort… Sujet qui a du être d’une grande importance pour les ces hommes à la recherche d’explications. Face à la mort, l’homme, comme les animaux ne peuvent que constater « l’absence de vie » mais l’homme va rajouter une autre dimension. Le préhistorique va essayer de trouver une explication à la mort, il va créer des mythes pour expliquer l’inexplicable… inventer les histoires… ce qui aura un impact sur ses croyances, ses rites face à la mort.
En s’appuyant sur les études mythologiques de ces prédécesseurs Julien d’Huy rajoute ses propres constations pour trouver les ressemblances et les différences entre des mythes ce qui lui permet d’établir une sorte d’arbre généalogique des mythologies de la mort. Avec les études génétiques disponibles, l’archéologie, la linguistique l’auteur appuie son discours, ce qui permet d’établir une première liste des grands mythes autour de la mort.
Cette diffusion à travers le temps et les espaces, en fonction des migrations humaines ets passionnate.
La richesse et la diversité des informations détenues dans cet ouvrage peuvent rebuter le lecteur non averti mais la plume de Julien d’Huy va vous aider !
C.R.
L’auteur de L’aube des mythes
Julien d’Huy est docteur en histoire, affilié au Laboratoire d’anthropologie sociale (Collège de France, CNRS, EHESS). Ses travaux ont fait l’objet de nombreuses publications dans des revues scientifiques. Il est l’auteur de Cosmogonies. La Préhistoire des mythes (2020), le premier ouvrage à avoir développé une approche systématique de la phylomythologie.
Sommaire de L’aube des mythes
Introduction
Première partie – De la terre au ciel
1. Phylogénie funéraire
La langue des oiseaux
Permanence et transmission des traditions
Évolution des traditions
Diffusion et migration
Orchestration du » chant » des possibles
À la recherche d’une mythostructure
Conclusion partielle
2. L’arbre de la mort
Qu’est-ce qu’un arbre phylogénétique ?
La méthode fonctionne-t-elle sur des récits manuscrits ou des textes oraux ?
Des arbres et des mythes
Construire un arbre
Esprits critiques
Reconstruire le passé
Conclusion partielle
Interlude 1. L’aube des chiens
Entre chien et loup
Des mythes avec un caractère de chien
Des aboiements au pied des arbres
Des proto-motifs qui ont du chien
Deuxième partie – De l’origine de la mort
3. Polyphonie des temps passés
L’immortalité de certaines créatures
Les motifs des êtres qui muent et la mort
La mort comme accident
Répondre à l’appel
Libérer l’humanité de la mort
Le retour contrarié des morts
La régénérescence contrariée
Comparaison se fait raison
Un végétal fatal
La personnification de la mort
Conclusion
4. Symphonie des temps présents
L’histoire d’un serpent et d’un arbre
La force du mythe en science
Conclusion
Interlude 2. Canis funerarius
Toujours sur le métier remettons notre ouvrage
Archéo-logique
Troisième partie – Ce qui vient après
5. Le royaume des morts
Quand les morts viennent à la rencontre des vivants
Quand les vivants vont chercher les morts : Orphée
Conclusion
6. L’invitation au voyage
Le champ lexical du voyage
Sur la route des étoiles
La Voie lactée, un fleuve constellé ?
La Voie lactée comme route des morts
Naviguer jusqu’au pays des morts
Le chant du poète
Ailleurs en poésie
Le chemin de Saint-Jacques
Conclusion : une certaine idée de l’Au-delà
Interlude 3. La course céleste du chien
Une étoile canine
Sur les pas d’Orion
Quatrième partie – L’éternel retour
7. Et si le Soleil ne revenait pas ?
L’herbivore héliophore
Le Soleil chassé, ou la phylomythologie en pleine lumière
Conclusion
8. Quand le Soleil a rendez-vous avec la Lune
D’autres Soleils et d’autres Lunes
La preuve par la consilience
Conclusion
Interlude 4. Domysthication
L’appel du loup
Le mouton
Ce que nous apprend la mythologie comparée
À l’origine était le mythe
Conclusion
Des résultats de la phylomythologie
Penser le monde tel qu’il est
Le mythe : un outil pour surmonter sa peine
Des récits faits pour être retenus
» Mort, où est ta victoire ? «
Remerciements
Bibliographie.
Un extrait de L’aube des mythes
Faire du mythe à partir du mythe (page 213-214)
La matriarchie primitive n’a sans doute jamais eu d’autre existence qu’imaginaire, et les travaux qui défendent l’hypothèse de sa réalité archaïque relèvent du mythe scientifique. Bachofen et ses épigones
n’en ont pas moins continué d’inspirer des théories matriarcales jusqu’à nos jours. Parmi celles-ci, on peut citer l’hypothèse d’une ancienne hypothèse européenne « gynocratique » postulée par l’archéologue et préhistorienne américaine d’origine lituanienne Marija Gimburas dans les années 1950, la réévaluation du rôle des femmes dans les textes sacrés par la théologie féministe ou encore les « études matriarcales» développées dans le sillage du féminisme de la deuxième vague des années 1970.
L’existence d’un ancien matriarcat était largement acceptée par les féministes de cette période, aiguillonnant leur désir d’émancipation (Ellen 2000: 3; Zerilli, 2005: 101). Les études matriarcales proprement dites furent inaugurées par l’ouvrage de l’artiste et historienne d’art Merlin Stone, When God Was a Woman (1978). Ces théories sont restées d’actualité tour au long des années 1970 et 1980. Le débat n’est pas épuisé et la féministe allemande Heide Gôttner-Abendroth (2017) l’a récemment relancé: elle définie comme matriarcales les sociétés matrilinéaires, matrilocales, égalitaires et vénérant une divinité féminine, bien que les femmes n’y exercent pas le pouvoir en tant que tel. La subsistance de ces îlots « matriarcaux » à travers le monde serait ainsi la preuve d’une humanité matriarcale originelle (caractérisée par une organisation non hiérarchique plutôt que par une domination féminine), qui aurait progressivement été supplantée par le patriarcat. Cependant, cette tentative de sauver l’hypothèse d’un matriarcat primitif en modulant ses critères de définition se heurte au fait que la chercheuse « ne peut en trouver, dans le monde actuel, que des « restes », puisque chacun des critères est interprété – sans preuve comme survivance d’un état ancien où [ils] auraient été présents au sein d’une société véritablement « matriarcale »» (Le Quellec et Sergent, 2017, 766).
Si le matriarcat, au sens d’un système social où les femme détenaient l’ensemble des pouvoirs politiques, religieux, symboliques et économiques dont les hommes les auraient privées par la suite, n’a pratiquement aucune chance d’avoir existé (Héritier, 2002; Testart, 2010), comment expliquer la permanence et le succès de l’hypothèse matriarcale dans l’imaginaire occidental ?
Sans doute tiennent-ils aux échos que cette théorie suscite dans nos sociétés : reliant le combat actuel pour l’égalité encre les sexes à un lointain passé, elle légitime ce combat et envisage son issue victorieuse en suggérant que la domination masculine ne se serait pas imposée de route éternité. Ce qui est donc recherché dans le passé par les tenants de cette hypothèse relève de l’altérité, la possibilité d’un monde autre, plutôt que de l’identité.
Le mythe se trouve ainsi remotivé, réapproprié au gré de préoccupations sociétales. Son message premier – qui était de justifier la domination des hommes sur les femmes par les abus et les mésusages du pouvoir commis par ces dernières lorsqu’elles en disposaient – n ‘est plus compris et reçoit une nouvelle interprétation. Ce phénomène est bien connu en mythologie comparée : un mythe est un lieu vide, que remplie la culture de l’époque…