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L’ADN fossile, une machine à remonter le temps
Ludovic Orlando
Préface de Jean Guilaine
Un tour complet des techniques utilisées en génétique pour retrouver les branches inconnues ou perdues de arbre de l'évolution des espèces... Découvrez les multiples utilisations de l'ADN ancien !
Présentation de l’éditeur
Cuvier reconstituait un squelette à partir d’une dent. Deux siècles plus tard, sur la base d’un minuscule fragment d’os, et grâce à des méthodes génétiques de pointe, la découverte de l’homme de Denisova bouleverse le lignage humain en lui ajoutant une espèce qui ne survit que par les traces laissées dans notre ADN. La paléontologie et l’archéologie sont devenues moléculaires.
Plus fort que Jurassic Park, où le passé revit dans la fiction, avec le séquençage de l’ADN, la paléogénétique s’est inventé une vraie machine à remonter le temps, inaugurant un extraordinaire voyage scientifique.
Ludovic Orlando en est un pionnier. Son livre montre comment la génomique, grâce aux progrès fulgurants de la génétique, jette un éclairage inédit sur l’évolution de l’homme — ses migrations, ses sociétés et même ses langues —, mais aussi sur les grandes épidémies du passé, l’évolution du cheval et sa domestication, la naissance de l’agriculture, etc.
C’est passionnant comme un roman policier : on résout des énigmes, de l’origine de la tortilla au mystère de l’extinction du mammouth et de l’ours des cavernes. C’est politique, aussi : déconvenue des suprémacistes blancs apprenant que l’homme de Cheddar, ancêtre emblématique des Britanniques, avait la peau noire ; usage biaisé de données génétiques contre les Palestiniens ; révélations sur un guerrier viking qui se révèle avoir été… une femme.
Avec la paléogénomique, science d’avenir révélant un passé qui a des enjeux pour le présent, Ludovic Orlando nous entraîne dans une aventure scientifique éblouissante, aux confins du monde et dans la profondeur des temps.
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Editions Odile Jacobs – Sciences
240 pages
Hominides.com
La paléogénétique, c’est toute une panoplie de techniques permettant de faire « revivre » l’ADN contenu dans des sédiments, des ossements anciens. Bien sûr, cet ADN ne nous parvient pas intact et le premier travail des paléogénéticiens est de l’amplifier et de le reconstituer.
Grace à ces recherches, depuis les années 80, les avancées sont nombreuses et toujours sensationelles. Ces découvertes font souvent la une des journaux scientifiques (ou people !).
Ludovic Orlando égrenne et raconte les plus belles progressions de la paléogénétique. On peut citer en 2010 le séquencage complet de l’ADNmt de Néandertal, puis en 2013 le séquencage complet du génome de Néandertal, ou en 2010 la découverte d’ADN néandertalien dans celui d’Homo sapiens…
Ces recherches ont même permis de découvrir l’existence d’une espèce d’hominidé en analysant uniquement un petit bout de doigt retrouvé dans la grotte de Denisova, en Sibérie ! Puis, toujours sans avoir de crâne, de trouver la trace de l’Homme de Denisova au Tibet. D’ailleurs, on peut même maintenant reconstituer en partie les grands mouvements de populations…
Mais ces nouvelles possibilités de la génétique ne concernent pas que l’humanité… d’autres animaux sont concernés, comme le cheval et son évolution. Il est même maintenant possible de trouver quel hominidé a occupé une grotte en étudiant les morceaux d’ADN trouvés dans la startigraphie et les sédiments…
Pour revivre ces découvertes et bien d’autres, lisez ce livre passionnant de Ludovic Orlando. Vous allez partir en voyage… mais dans le passé !
Forward in the past pour plagier un film des années 70 !
C.R.
L’auteur
Ludovic Orlando est docteur en paléogénétique, directeur de recherche au CNRS, et dirige le centre d’anthropologie et de génomique de Toulouse à l’université Paul-Sabatier. Il est l’auteur du séquençage du plus ancien génome connu à ce jour, a été le premier à caractériser un épigénome ancien et à reconstituer l’histoire génomique de la domestication du cheval.
Jean Guilaine est professeur émérite au Collège de France, spécialiste du Néolithique.
Sommaire de l’ADN fossile, machine à remonter le temps
Table
Préface par Jean Guilaine
CHAPITRE 1 – De simples molécules au premier génome ancien
Du séquençage du génome humain à une société génomique .
Séquencer nos ancêtres et les espèces disparues .
L’ADN fossile ou ADN ancien ..
De l’étudiant en biologie à l’archéologue moléculaire .
Une technologie révolutionnaire .
Séquencer le génome du mammouth et de Neandertal ..
Eau de Javel et poils fossiles : des accessoires indispensables au voyage dans le temps .
Le génome d’Inuk, premier homme du passé entièrement séquencé
CHAPITRE 2 – Sur les pas de nos ancêtres .
Derrière l’individu, une population tout entière ..
Du génome à l’histoire des populations .
L’histoire du peuplement de l’Arctique ..
Un individu peut en cacher un autre ..
Nature et culture, diffusion et migration : un débat ô combien brûlant en archéologie .
De l’Arctique aux Amériques ..
Des Amériques au reste du monde : l’histoire du peuplement de la planète grandeur nature .
Le métissage comme moteur de la diversité génétique humaine .
Gros plan sur le peuplement de l’Eurasie : l’expansion de la culture yamna .
Le phénomène campaniforme dans toute sa complexité .
Du continent européen aux îles méditerranéennes .
Un peu de hauteur .
CHAPITRE 3 – La part de Neandertal en nous
Cent cinquante bougies pour l’homme de Neandertal .
Métissage ou pas métissage ? .
Le génome de l’enfant de Scladina .
Vers le premier génome d’une humanité aujourd’hui disparue .
Métissage ! .
Y a-t-il eu un seul ou plusieurs métissages ? .
Et l’Afrique dans tout ça ? .
Notre héritage génétique néandertalien
CHAPITRE 4 – L’humanité de Denisova enfin dévoilée .
La découverte d’un nouveau rameau de l’humanité .
Un âge incertain .
Pas Homo erectus, mais un lointain cousin des néandertaliens .
D’une minuscule phalange à l’un des meilleurs génomes jamais caractérisés .
Qui étaient ces mystérieux dénisoviens
Métissage, métissage et encore métissage .
Des populations aux effectifs clairsemés .
… mais qui néanmoins se rencontraient el se mélangeaient ! .
De Denisova à une lignée fantôme ?
Quels gènes font de nous des humains modernes ?
CHAPITRE 5 – Repousser la barrière du temps
Voyager au-delà d’un demi-million d’années
Fake news?
Une nouvelle DeLorean
Ce que nous révéla le génome le plus vieux jamais séquencé
Vers l’infini et au-delà
De l’Arctique à l’Espagne
Vers des génomes d’avant Neandertal
Dépasser le million d’années avec d’autres molécules : les protéines
CHAPITRE 6 – Sur les traces des grandes épidémies de l’histoire
Voyage dans le temps, grippe espagnole et fin du monde.
Variole et grands froids sibériens
Un principe de précaution à géométrie variable
Le génome de la peste noire.
Les origines anciennes et insoupçonnées de la peste
Généalogie d’un fléau : le bricolage évolutif du génome de peste
Mieux comprendre les épidémies de l’histoire
La tuberculose aux Amériques avant les conquistadores
CHAPITRE 7 – Nous et nos écosystèmes microbiens anciens
La biodiversité, une affaire de microbes avant tout
Le corps humain, un écosystème microbien
Les microbiotes participent à ce que nous sommes
Le tartre, un piège à microbiotes anciens
L’impact de la révolution néolithique et industrielle sur notre santé
Des microbes aux traces alimentaires.
Retrouver les indices de consommation de fromages ..
Du tartre dentaire à Dr House .
CHAPITRE 8 – Au-delà de nos gènes, notre profil épigénétique
Nous ne sommes pas seulement le produit de nos gènes .
L’interface ëpigénétique entre nos gènes et l’environnement .
Génétique, épigénétique et sociétés .
Des génomes aux épigénomes anciens .
Le premier épigénome ancien .
Les dégradations de l’ADN ancien sont nos alliées .
Évaluer l’effet des inégalités socio-économiques dans le passé
Prédire les niveaux d’expression de nos gènes dans le passé
Déterminer l’âge des individus anciens
CHAPITRE 9 – Au-delà de nous, nos animaux domestiques
À la recherche des premiers chevaux domestiques
La domestication, une expérience de sélection darwinienne grandeur nature .
La domestication, objet d’études pluridisciplinaires .
La couleur de robe comme l’une des premières cibles de la domestication animale .
Le cheval, la plus noble conquête de l’homme (Geoffroy Saint-Hilaire) .
Du cheval de Bo taï au cheval de Przewalski .
Des origines encore mystérieuses .
La fabrique du cheval moderne .
L’histoire de notre bestiaire domestique
CHAPITRE 10 -Au-delà de nous, nos plantes domestiques
La domestication des plantes, une étape clef de l’évolution humaine .
Aux origines de fa tortilla .
La fabrique du maïs moderne et son expansion aux Amériques
Séquencer !’ARN de plantes anciennes
Virus et épi génétique de plantes anciennes
La Grande Famine irlandaise
Herbiers, pépins, graines et bois anciens : un florilège de sources possibles
L’histoire de la vigne et du vin
CHAPITRE 11 – Comprendre et tirer les leçons des extinctions passées
Réchauffement climatique et extinctions de masse
L’ours des cavernes face aux changements climatiques globaux
Les conditions de la survie ou de l’extinction des espèces
Le climat, moteur de l’expansion et de la contraction des populations
Les activités humaines et l’extinction des espèces
Une compétition pour accéder aux refuges
Une histoire d’ours
Mais qu’est-ce que c’est qu’une espèce, au [uste ?
L’extinction du mammouth à poil laineux.
Démographie et fardeau génétique
L’extermination des pigeons voyageurs.
Méfions-nous des généralisations rapides
CHAPITRE 12- La mémoire des environnements passés
De plus en plus fort : de [‘ADN fossile … en l’absence de fossile !
Le sol, piège à ADN ancien
Des codes-barres à ADN pour recenser les espèces du passé
Un chemin semé d’embûches
Des résultais spectaculaires
Retrouver l’empreinte d’écosystème «entiers
Un regard neuf sur les extinctions
Dépasser les limites des codes-barres à ADN
L’ouverture du couloir des glaces entre la Cordillère et les Laurentides
La pêche à [‘ADN sédimentaire par capture génique
CHAPITRE 13 – Quand le passé rencontre le temps présent
L’ADN ancien face au racisme
L’ADN ancien, instrument politique
Du Brexit à la bande de Gaza
De la Palestine aux Vikings
Du genre humain à celui des animaux
Quel monde demain?….
Traquer les auteurs de crimes contre l’humanité..
L’ADN comme arbitre dans la restitution des dépouilles.
CHAPITRE 14 – Quand les cultures rencontrent les molécules : quelle archéologie aujourd’hui ?
Contre les raccourcis nature-culture
Diversités culturelles et ethniques
Des migrations de masse, vraiment ?
La migration réhabilitée
Quand la paléogénétique vient en renfort à la linguistique
De la difficulté des sciences pluridisciplinaires
Intégrer les savoirs pour décortiquer la mise en place du pastoralisme mongol
Intégrer les savoirs pour dévoiler les systèmes d’organisation sociale
Pour une archéologie intégrative.
Bibliographie
Un extrait de « L’ADN Fossile, machine à remonter le temps »
De la Palestine aux Vikings
Autre exemple qui eut aussi un grand écho médiatique dès lors que les résultats génétiques furent annoncés. Nous sommes cette fois à une trentaine de kilomètres à l’est de Stockholm et l’exemple
nous en dit long sur nos sociétés contemporaines et leurs stéréotypes; Il s’agissait là du squelette d’un guerrier viking qui fut identifié d’office comme tel en raison des attributs indiscutables de la virilité retrouvés dans sa tombe. Des armes, deux chevaux sacrifiés à ses côtés, l’absence de bijoux et des pièces de jeu, indiquant qu’on avait affaire là à un stratège militaire de haut rang, qui éprouvait ses, tactiques sur un plateau avant de les mettre en oeuvre sur le champ’
de bataille. Une découverte exceptionnelle, et, à n’en pas douter, la tombe fut considérée dès sa découverte comme la plus remarquable d’un lieu qui fut fondé au milieu du VIIIe siècle de notre ère avant de devenir un centre urbain très important et de compter, pendant
environ deux siècles, près d’un millier d’individus.
Sauf que, près de quatre-vingts ans après sa découverte, et une fois l’ADN d’une canine gauche et d’un humérus séquencé, le grand guerrier se révéla être en fait. .. une guerrière : il n’avait pas de chromosome Y, celui qui différencie les hommes des femmes.• Il semble donc bien que les femmes vikings devaient, elles aussi, commander des troupes et prendre une part active au combat. Mais les idées reçues avaient la peau dure, et un certain nombre de personnes
eurent vite fait de critiquer l’étude, sur les réseaux sociaux ou par voie de presse, pour des raisons qui n’appartiennent qu’à
elles, mais souvent en raison de l’offense que représentait à leurs yeux cette étude vis-à-vis de leurs ancêtres vikings, qui n’étaient pas des lâches et ne pouvaient avoir envoyé leurs compagnes au front. Au contraire, leur raison d’être – leur ADN, si j’ose dire – devait être de se jeter au combat pour défendre leurs compagnes, nécessairement fragiles.
La réaction ferait presque sourire si elle se limitait à la sphère des réseaux sociaux et si elle ne trahissait pas l’étendue des stéréotypes de genre qui sévissent encore au XXIe siècle. Le sexe génétique de l’individu était celui d’une femme. Point. Son genre, c’est-à-dire si elle se vivait en tant que femme, homme ou non binaire, était quelque chose d’autre, qui lui appartenait à lui-elle seul-e et n’a pas grand-chose à voir avec son ADN. Guerrière ou non. De manière surprenante, le résultat ne secoua pas seulement la société civile : il divisa aussi en partie la communauté archéologique. La tombe, dont personne pourtant, depuis sa découverte, n’avait jamais contesté qu’elle fût celle d’un guerrier, n’était finalement peut-être plus celle d’un guerrier. Ou, si elle l’était, peut-être ne l’était-elle qu’ en un sens symbolique et son occupante pouvait bien, somme toute, n’avoir jamais combattu. Après tout, n’aurait-elle pas dû porter des traces
évidentes de blessures si elle avait eu pour profession de se battre ?
Si le doute est permis, il est surprenant de voir que l’on a généralement bien moins de scrupules à affirmer le statut des guerriers masculins. Au-delà du seul cas de cette guerrière, les restes osseux de plus d’une vingtaine d’individus enterrés à Sigtuna, un autre centre majeur pour le commerce et la production artisanale en Scandinavie, entre le Xe et le XIIe siècle de notre ère, montra la nature cosmopolite des communautés urbaines vikings. À nouveau, les imaginer vivant en autarcie et isolés génétiquement du reste du monde serait commettre une grossière erreur. Comment dès lors pouvons-nous nous réclamer, par nos gènes, comme les descendants légitimes directs des Vikings ? Quand un calcul simple montre que deux habitants vivant aujourd’hui aux extrémités de l’Europe ont en commun plusieurs millions d’ancêtres qui vivaient aux alentours de l’an 1000, il devient difficile de se réclamer d’une ascendance particulière et privilégiée.