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Les constructions de Néandertal dans la grotte de Bruniquel
Des structures montées, faites à partir de morceaux de stalagmites, ont été datées dans la grotte de Bruniquel. Le montage, la construction ont été réalisés il y a plus de 170 000 ans.
Les résultats de cette nouvelle datation, qui ont été publiés le 25 mai 2016 dans la revue Nature, ont été menés par une équipe internationale.
La grotte de Bruniquel, est située sur la commune éponyme dans le Tarn-et-Garonne sur les versants de la Vallée de l’Aveyron. Simple trou dans la paroi, son entrée a été trouvée et désobstruée par le spéléologue Bruno Kowalsczewski en 1990. Après un passage étroit et très « sportif » la cavité se transforme en une grande cavité abritant un lac souterrain et de grandes concrétions calcaires sous forme de stalagmites et de draperies.
Des structures d’un type inconnu
Dans cette grande salle, le spéléologue et les scientifiques ne manquent pas, à l’époque, de noter, en plus des bauges d’ours, la présence de curieuses structures en forme de cercles. Des morceaux de stalagmites ont été installés les uns sur les autres afin de constituer des formes plus ou moins arrondies. Ces « cercles » sont constitués de 400 tronçons de stalagmites qui montrent une certaine volonté et continuité dans ces constructions. Sur l’un de ces cercles les chercheurs ont identifié des traces d’utilisation du feu comme de la calcite rougie, des ossement calcinés, preuve d’une présence humaine lors de ces constructions : le feu ne peut pas avoir été apporté par un ours ou un autre animal au fond d’une caverne ! Les datations au Carbone 14 ont montré, dès 1995, que les ossements brûlés avaient un âge supérieur à 47 000 ans. Cette méthode ne peut malheureusement pas aller au-delà de cette période et cette information est donc tombée dans l’oubli.
Nouvelle méthode de Datation et implications
Les chercheurs ont daté le site entre 220 000 et 210 000 ans, lorsque les Néandertaliens vivaient encore dans la région. La dernière glaciation survenue il y a 200 000 ans a ensuite recouvert le site et En 2013, de nouvelles études de la grotte de Bruniquel sont entreprises pour essayer de mieux comprendre la cavité, ses visiteurs et bien sûr les structures circulaires. De nouvelles méthodes de datation sont maintenant utilisées et il est possible de dater jusqu’à – 500 000 ans la calcite en formation (les stalagmites) avec la méthode radioactive «uranium-thorium».
Dans un premier temps les chercheurs ont effectué des prélèvements (carottages) sur l’extrémité la plus récente des stalagmites utilisées afin de connaître la date à laquelle elles ont été sectionnées (âge maximal de la cassure). Ensuite, ils ont utilisé la même méthode sur la base des « pousses » de stalagmites qui se sont formées sur les structures (âge minimal de la repousse).
Les résultats des deux types de mesures concordent et étonnent l’équipe car les structures de stalagmites ont été construites il y a 176 500 ans (plus ou moins 2 000 ans) ! C’est beaucoup plus ancien que ce que les scientifiques estimaient.
Qui a réalisé ces montages ?
l y a 170 000 ans, les Homo sapiens n’étaient pas encore arrivés en Europe et la seule espèce d’hominidés dont la présence est prouvée sur les lieux est celle de Néandertal. Homo sapiens n’arrivera que 130 000 ans plus tard et commencera à investir et orner les grottes comme Chauvet (- 36 000 ans), Cosquer (-27 000 ans) Lascaux (- 20 000 ans), Altamira et Niaux (- 18 000 à -15 000 ans).
A Bruniquel, nous sommes donc devant des constructions dont nous ignorons la signification et l’objet. Ces structures ont été réalisées il y a plus de 170 000 ans, probablement par les tous premiers Néandertaliens en Eurasie. Les traces de feux indiquent que Néandertal a entrenu à differents endroits de la cavité des foyers pour éclairer ses activités.
A droite : traces de foyer © Michel SOULIER – SSAC.
Il a donc fallu que ces Homo neanderthalensis pénètrent dans la grotte, emportent avec eux des torches, s’avancent dans les profondeurs de la cavité, cassent les stalagmites, et réalisent une installation dont le but nous échappe. Autant d’actions qui ne paraissent aujourd’hui pas insurmontables, mais qui devaient, au Paléolithique, nécessiter une dose de courage, de volonté et de « création »… Autant de qualités que l’on attribuait généralement à Homo sapiens et pas à Homo neanderthalensis !
L’équipe
Jacques Jaubert, de l’université de Bordeaux, Sophie Verheyden, de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), Dominique Genty du CNRS, avec le soutien logistique de la Société spéléo-archéologique de Caussade, présidée par Michel Soulier.
Images Luc-Henri Fage/felis.fr pour les vidéogrammes.
Silvana Condemi, Jean-François Mondot