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La bipédie des premiers hominidés
La bipédie des premiers hominidés.
Une étude permettant de comparer les empreintes de pas humains aux fameuses traces de pas de Laetoli.
L’étude
Une équipe dirigée par David Raichlen (Université de l’Arizona, département d’anthropologie) a développé une nouvelle méthode expérimentale pour retrouver le type de bipédie que les premiers hominidés pratiquaient il y a 3,5 millions d’années. Ils se sont basés sur les traces de Laetoli. Les résultats de l’étude ont été publiés dans Plos One, journal scientifique américain.
Les traces de pas de Laetoli
Il y a plus de 30 ans une double série de traces de pas a été découverte à Laetoli en Tanzanie. Nous avons donc un couple de bipèdes qui a avancé sur quelques mètres, côte à côte. Ces pas ont été « imprimés » dans des cendres volcaniques il y a 3,6 millions d’années. Ce sont donc les plus anciennes traces directes de bipédie de l’humanité. C’est un témoignage important pour les scientifiques du monde entier.
Ces marcheurs sont de la même famille que Lucy
Ces pas sont attribués à l’espèce Australopithecus afarensis qui était à l’époque la seule espèce connue dans la région. Cette espèce présente des caractères indiquant qu’elle pratiquait une forme de bipédie mais également qu’elle se déplaçait dans les arbres (comme les doigts courbés).
La bipédie des australopithèques a été très âprement discutée dans la communauté scientifique pour déterminer si cette espèce marchait redressée avec de grandes enjambées (comme l’homme moderne) ou recourbée, les jambes fléchies (comme certains grands singes).
Comment reconstituer la marche des marcheurs de Laetoli ?
Pour retrouver le type de marche pratiqué les scientifiques ont conçu une voie recouverte de sable avec un système de capture photographique des mouvements de la marche. Les sujets qui marchaient sur la piste étaient donc filmés. On leur a imposé de passer à plusieurs reprises sur la piste en adoptant différentes postures allant de la bipédie actuelle de l’homme moderne à celle des chimpanzés (voir photos ci-dessous).
Toutes les empreintes laissées lors de ces essais ont été reconstituées en trois dimensions et comparées à celle de Laetoli.
Comparaison des différentes empreintes
Les chercheurs ont mesuré la profondeur des empreintes à l’avant et à l’arrière du pied. Ils ont constaté que les profondeurs :
– sont à peu près égales lorsqu’elles sont effectuées par une personne marchant avec une allure droite.
– sont différentes en cas de marche accroupie, l’impression de l’orteil est beaucoup plus profonde que l’impression du talon.
Les chercheurs pensaient « logiquement » que les empreintes de Laetoli seraient plus proches des empreintes « marche accroupie » que de celles de l’homme moderne. Or, les empreintes fossiles de Laétoli sont d’une profondeur équivalente, de l’avant du pied jusqu’au talon, tout comme celles des hommes modernes.
Raichlen déclare « …à notre grande surprise, les empreintes de Laetoli tombent complètement dans la gamme normale d’empreintes de l’homme moderne« .
Les réactions
« La forme de bipédie humaine est manifestement la plus efficace d’un point de vue énergétique, ce qui laisse penser que des coûts d’énergie réduits ont été très importants dans l’évolution des hominidés et de la bipédie même avant les origines de notre propre genre Homo », a déclaré Raichlen.
« Ce qui est fascinant à propos de cette étude est qu’elle donne à penser que, à une époque où nos ancêtres avaient une anatomie bien adaptée à la locomotion dans les arbres, ils avaient déjà développé une bipédie très efficace, proche de l’homme moderne » dit l’anthropologue Adam Gordon (Universitée d’Albany).
Pour Yvette Deloison (Chargée de recherche au CNRS, Docteur d’Etat ès Sciences) « …ils (l’équipe américaine) n’ont pas eu, comme moi, la possibilité d’étudier des moulages de première main ni les empreintes les mieux dégagées. J’ai eu en main les moulages faits par Ron Clarke sur le terrain à Laetoli au moment de leur dégagement par lui .
J’ai démontré et publié qu’ils devaient marcher en bipèdes à la manière des grands singes chimpanzés ou gorillles.
Les empreintes de Laetoli montrent :
1°) un écartement du premier rayon (hallux) vers l’intérieur du pied (hallux varus) ce qui n’existe pas chez l’homme (Homo sapiens) où les orteils sont parallèles, mais chez le chimpanzé, le gorille et l‘orang.
2°) un enfoncement net de la surface du talon dans le terrain, cette empreinte de la plante du talon est concave (ou creuse) avec une zone presque pointue au milieu de cette trace ; ce qui correspond exactement à l’anatomie du calcaneum de Australopithcus qui ne possède qu’un seul tubercule médial comme chez les grands singes.
Chez l’homme, son calcaneum possède deux tubercules dans sa partie postérieure ce qui fait que non seulement l’empreinte de son talon est plane et non en creux, mais quand il pose son talon dans la marche son pied est stable. Il ya une similitude absolue entre les empreintes de Laetoli et celles des chimpanzés communs (Pan troglodytes).
Rappelons que les grands singes marchent avec le pied en varus, c’est-à-dire sur le bord externe du pied ce qui n’est pas le cas de l’homme mais se retrouve nettement sur les empreintes de Laetoli.
Il faut savoir que la surface du talon du pied du nouveau-né humain, qui n’a donc jamais marché, se présente bombée. Cette surface va se modifier quand l’enfant marchera, elle sera très vite plane comme chez l’adulte. »
C.R.
Sources :
SciencesDaily
PNAS
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