Les premiers outils de l’Homme
par Frédéric Belnet
En partenariat avec Historia
Quelques pierres sommairement ‘dégrossies’ au début, des ordinateurs aujourd’hui… L’humanité – ou les humanités ? – ont mis au point l’outil, première matérialisation des cultures. Quelles en sont les caractéristiques, et que sait-on des premières étapes – essentielles – de ce long enfantement ?
L’outil n’est pas le propre de l’Homme
Un passereau qui, saisissant une brindille dans son bec, s’en sert pour déloger d’une fissure d’appétissants insectes… Un chimpanzé qui, plus astucieux encore, confectionne une boule de végétaux en guise d’éponge, pour récupérer l’eau d’une flaque peu accessible… L’outil prolonge la main ou le corps, démultiplie les ressources naturelles. Ces exemples, parmi tant d’autres, montrent que l’outil n’est pas le propre de l’Homme.
Il y a outil et outil
Mais il s’agit là d’objets naturels utilisés tels quels, ou, au mieux, après une simple manipulation : des outils dits primaires.
Les outils secondaires, eux, résultent d’un façonnage à l’aide d’un autre outil, parfois appelé, lui, méta-outil. Un couteau de silex est un outil secondaire, créé en taillant une pierre avec un percuteur, lequel est « un outil à faire des outils », pour reprendre la formule du philosophe français Henri Bergson, également inventeur du terme Homo faber (« l’homme industrieux ») pour caractériser cet aspect de la nature humaine. Car les Homininés sont, effectivement, les seules créatures, sur Terre, à atteindre ce stade.
Les outils composites, enfin, constitués de plusieurs éléments (une pointe de silex emmanchée sur une hampe de bois, par exemple), ne sont connus que chez les espèces les plus ‘récentes’ du genre Homo.
Une origine incertaine
Une histoire qui remonterait à 3,4 Millions d’années, selon Zeresenay Alemseged, de l’Académie des Sciences de Californie : en 2009, à Dikika, en Éthiopie, son équipe met au jour non pas des outils mais des os d’animaux datant de cette époque, qui portent apparemment des traces de découpe par des tranchants de pierre. Australopithecus afarensis (‘Lucy’), seul homininé connu dans cette région à cette époque, serait alors le premier artisan de la famille. Les résultats de cette étude sont toutefois contestés par certains chercheurs, qui voient là plutôt les marques laissées par les dents des prédateurs. A gauche des ossements retrouvés Dikika qui présentent des traces de découpes.
La tracéologie, l’étude fine des traces – entremêlées – d’utilisation, montre un usage multiple de ces premiers outils : cassage de noix, découpe de branches, raclage d’os (ces homininés étant volontiers charognards, et parfois chasseurs). Article revu en 2020 : En 2008, on croyait avoir trouvés de tels outils (vieux de 1,6 Ma), en France, dans l’Hérault, par une équipe mixte Muséum national d’Histoire naturelle / CNRS : une des plus anciennes traces d’occupation pré-humaine en Europe. Malheureusement la datation a du être revue et les outils pré acheuléens sont maintenant datés de 720 000 ans.
En Afrique, à nouveau, à partir de -1,6 Ma, puis en Europe et au Proche-Orient entre -0,5 et -0,3 Ma, se développe une culture lithique plus élaborée, l’Acheuléen (du nom de Saint-Acheul, site de la Somme recelant de tels vestiges). Des percuteurs souples (en os, bois ou corne) permettent d’obtenir des artéfacts plus finis, tels l’emblématique biface, symétrique, en forme d’amande, aux tranchants obtenus par enlèvements successifs d’éclats d’un bloc de pierre initial (appelé nucléus). Toujours des outils à tout faire, non emmanchés. Homo ergaster en Afrique, ses descendants Homo heidelbergensis en Europe et Homo erectus en Asie, sont les artisans de ces superbes objets.
Les cultures lithiques se suivent (se chevauchent, souvent) et ne se ressemblent pas… Première à naître hors du berceau africain, celle du Moustérien nous laisse, dans l’abri du Moustier (Dordogne), comme partout en Europe et au Moyen-Orient, les premiers outils composites, attestés par des traces d’emmanchement et de colle. Des outils à usage unique : pointes, grattoirs, racloirs, lames…, tous faits à partir d’éclats savamment obtenus : c’est la technique dite Levallois. L’œuvre de l’Homme de Néandertal, puis, au Proche-Orient, des premiers Homo sapiens archaïques – nos ancêtres, ceux-là. Cela dure de – 300 000 à – 30 000 ans environ.
À partir de là, tout se précipite : désormais, la culture évolue plus vite que l’espèce. L’homme anatomiquement moderne va faire se succéder, entre -35 000 et -5 000 ans, Aurignacien, Gravettien, Solutréen et Magdalénien. Des cultures certes lithiques, mais bien plus que cela !
Frédéric Belnet
Journaliste scientifique
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