Les premiers habitats de l’Homme
par Frédéric Belnet
En partenariat avec Historia
Il en va de l’habitat des premiers hommes – et de leurs ancêtres hominidés – comme de leurs outils : la pierre reste, l’organique s’efface avec le temps. Les archéologues trouvent les indices où ils le peuvent… D’où l’appellation inappropriée d’hommes des cavernes pour ces hommes préhistoriques qui, heureusement pour eux, savent exploiter et souvent fabriquer bien d’autres types d’abri.
Une Mosaïque adaptative
Le premier habitat de la lignée humaine ? Les arbres, bien sûr ! Il s’agit là d’habitat au sens zoologique du terme : Toumaï, Orrorin ou les australopithèques se reposent et se réfugient dans les branches, y construisant peut-être, comme les grands singes actuels, un nid végétal. Mais, avec le genre Homo, dont nous faisons partie, apparaît une grande variété de lieux de vie ou d’abris, temporaires ou plus durables. L’habitat devient habitation… Plus qu’une évolution chronologique, cependant, il s’agit d’une adaptation géographique à la topographie, au climat et aux ressources des différents territoires fréquentés. D’où, parfois, des résultats très typés et très localisés.
Des hommes pas des cavernes !
Une chose est sûre : nos ancêtres ne vivent pas au fin-fond des cavernes – obscures, peu accessibles, parfois déjà occupées par des prédateurs, et finalement peu nombreuses (ou même absentes de régions entières). Si les préhistoriens y trouvent plus facilement qu’ailleurs des vestiges d’occupation, c’est que ces derniers, abrités des intempéries, s’y conservent mieux. Et puis, ces lieux naturellement circonscrits et ‘sautant aux yeux’ s’imposent comme sites à fouiller. Mais les homininés n’en habitent que l’entrée, préférant d’ailleurs les simples abris sous roche – cavités peu profondes, dans les falaises calcaires ou basaltiques, largement ouvertes et présentant un surplomb rocheux. Exit donc le cliché assimilant les sites rituels (aux riches peintures rupestres) à des lieux d’habitation. Enfin, beaucoup d’endroits où séjournent ces homininés sont tout simplement des sites de plein-air.
Un nomadisme presqu’exempt de traces
Encore et toujours, paléoanthropologues et archéologues ont du mal à retrouver les traces éphémères des premiers campements : cloisons ou toitures de branchages, de feuilles ou de peaux se dégradent rapidement. Les habitats souvent provisoires des premiers Homo (Homo habilis, Homo erectus) reflètent leur mode de vie de chasseurs-cueilleurs nomades. Privilégiant les rives des lacs ou des rivières, ils n’y laissent que des vestiges épars de taille de pierre, de découpe de proies ou de déchets de nourriture, parfois des ‘dallages’ sommaires faits de quelques pierres alignées.
L’Afrique orientale, terre de plein-air
La tracéologie, l’étude fine des traces – entremêlées – d’utilisation, montre un usage multiple de ces premiers outils : cassage de noix, découpe de branches, raclage d’os (ces homininés étant volontiers cEn Afrique orientale, l’absence d’abris rocheux impose le plein-air. Découvert en 1969 près du lac Turkana, au Kenya, un bivouac dont ne subsistent que des débris de taille de galets et des os d’animaux demeure aujourd’hui le plus ancien site connu d’habitat structuré : il date de 2,5 millions d’années ! Toujours au Paléolithique inférieur, sur les sites d’Olduvai (Tanzanie, 1,8 Ma), de Melka-Kunturé et de Bodo (Éthiopie, 1,7 à 0,3 Ma), des Homo (probablement) séjournent de façon saisonnière.
Ailleurs, (parfois) des abris en dur
À la fin de cette époque, vers -400 000 ans, Homo erectus commence à s’installer plus durablement et plus ‘confortablement’. Dans la Caune de l’Arago, à Tautavel (Pyrénées-Orientales), une vingtaine de niveaux archéologiques différents témoignent de plusieurs périodes d’occupation, provisoire ou prolongée. À Terra-Amata, près de Nice, les vestiges des plus vieilles huttes connues, au nombre d’une vingtaine et propres à abriter une quinzaine d’individus, comportent également des traces de feux aménagés, parmi les plus anciens du monde.
Toujours à Nice, la Grotte de Lazaret livre tant de signes d’une longue occupation au Paléolithique moyen (27 couches distinctes, de -190 à -130 000 ans) qu’un Laboratoire de Préhistoire est créé à proximité. Profonde de 35 m et large de 4 à 20 m, elle domine alors le paysage – et ses troupeaux d’herbivores – d’une hauteur de 120 m. Ses occupants, des Homo erectus puis des pré-Néandertaliens de tous âges, comme l’indiquent de multiples ossements fossiles (dont un os frontal découvert en été 2011), y fabriquent de très nombreux outils de culture acheuléenne puis moustérienne. Parmi plusieurs foyers aménagés, l’un repose sur une dalle, un autre est délimité par des galets, et sur un autre encore, « la présence de dérivés d’acide carboxylique et de composés aromatiques issus de la combustion de graisses prouve l’existence d’un lieu de séchage et de fumage des viandes », selon le préhistorien Henry de Lumley, qui fouille le site depuis 1962. Ce dernier interprète d’autre part un alignement de pierres, délimitant une surface près de la paroi, comme les vestiges d’une hutte (où les restes de micro-coquillages seraient issus d’une confortable ‘moquette’ d’algues) ; une interprétation toutefois très contestée (voir reconstitution en noir et blanc, ci-dessus) …
Aménagements et innovations
Les sites du Paléolithique supérieur, enfin, livrent, à cet égard, des indices bien plus solides. Dans la grande grotte d’Arcy-sur-Cure, dans l’Yonne, un muret délimitant un dallage au sol, une quinzaine de trous laissés par d’anciens poteaux, et de multiples foyers attestent d’un espace très organisé, que confirment les vestiges de cabanes circulaires de 3 m de diamètre, cerclées de pierres. L’ensemble est daté entre -33 et -28 000 ans. À Mezhirich, en Ukraine, il y a 15 000 ans, les hommes montrent leur ingéniosité… et leurs muscles : en l’absence de bois, ils construisent chacune de leurs cabanes avec 20 tonnes d’os de mammouths imbriqués, y compris des crânes et des défenses (image , voir la reconstitution de ce type de hutte au Paléosite) ! Des fosses multi-usages (extraction d’argile, dépotoirs…) les jouxtent. Les feux sont alimentés aussi avec des os. Bel exemple de recyclage, dénotant l’intelligence de ces hommes qui, partout, toujours, ont trouvé comment s’abriter.
Frederic Belnet
Journaliste scientifique
A visiter
Le préhistosite (village préhistorique de Quinson)
Le Paléosite
Les liens présentés dans cette page sont choisis par Hominides.com
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