Sommaire Expressions Esthetiques Et Comportements Techniques Au Paleolithique
Table des matières
Introduction générale
Marc Groenen
Introduction à la session thématique 36 : L'image dans l'art mobilier et pariétal du Paléolithique supérieur européen
Dir. : Marc & Marie-Christine Groenen
Rochereil et l'art magdalénien de la fin du Tardiglaciaire dans le nord du Périgord (Dordogne, France)
Patrick Paillet & Elena Man-Estier
La conception de l'image au Paléolithique supérieur
Marc Groenen
Pour une paléohistoire de l'image. Les jalons d'une réalisation iconographique : la frise magdalénienne du Roc-aux-Sorciers (France)
Genevière Pinçon, Oscar Fuentes, Aurélie Abgrall et Camille Bourdier
Réflexions sur le réalisme et le naturalisme dans l'art préhistorique. L'exemple de l'ours
Elena Man-Estier & Patrick Paillet
Derrière la paroi : portrait-robot de l'artiste paléolithique
Romain Pigeaud
Introduction à la session thématique 37 : Analyse des comportements humains liés au feu en préhistoire.
Des données de laboratoires à l'interprétation palethnographique
Dir. : Marc Groenen & Alison Smolderen
Les structures de combustion du Tiène des Maulins (Province de Namur, Belgique). Regards croisés
Marc Groenen, Alison Smolderen,Paul-Henri Duvigneaud et Tiriana Segato
Caractérisation thermique des sédiments chauffés des foyers de la Grotte des Fraux (Dordogne, France) – mise en place d'une approche couplée enter thermoluminescence, susceptibilité magnétique, expérimentation et simulation
Aurélie Brodard, Pierre Guibert, François Lévêque, Delphine Lacanette, Vivien Mathé, Albane Burens & Laurent Carozza
Expressions esthétiques et comportements techniques au Paléolithique
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Marc GROENEN
Ce volume est le résultat de deux colloques consacrés l'un à L'image dans l'art mobilier et pariétal du Paléolithique européen et l'autre à L'analyse des comportements humains en relation avec le feu en préhistoire. On pourrait s'étonner qu'il rassemble des communications appartenant à deux thèmes aussi différents. Cette disparité n'est qu'apparente si l'on est conscient du fait qu'un fil conducteur les relie : essayer de dégager des intentions, en amont des comportements perceptibles dans les faits esthétiques et archéologiques.
Le cadre spatio-temporel est très large. Ici encore, le problème n'est qu'apparent : la présentation d'un matériel documentaire s'inscrit forcément dans le cadre d'une problématique définie par le chercheur. La manière dont se construisent les résultats est donc inéluctablement liée à la méthode utilisée. La diversité des sites, leur appartenance à des régions différentes ou à des époques variables sont l'occasion de rappeler le fait que les méthodes employées peuvent chacune contribuer à donner un regard particulier, permettant de mieux approcher ce qui, à mon sens, doit rester l'objectif principal du préhistorien : l'être humain lui-même. Cette approche méthodologique variable est sans aucun doute ce qui fait la richesse de la démarche scientifique – au delà des phénomènes de mode qui donnent aux recherches d'une époque une orientation parfois un peu monomaniaque. Loin d'être une limite, elle peut au contraire constituer un élément de ressourcement.
Si les communications présentées au Brésil étaient relativement nombreuses, je dois néanmoins regretter que certains collègues n'aient pas pu fournir leur contribution écrite, malgré le délai qui leur a été accordé. Le colloque sur le feu, en particulier, en a souffert. Seules les communications consacrées au Tiène des Maulins et à la grotte des Fraux sont présentes dans ce volume. Je remercie d'autant plus les collègues qui ont pu respecter leurs engagements.
On le sait, les travaux menés il y a un demi-siècle déjà à Pincevent par A. Leroi-Gourhan ont permis de poser les prémices d'une analyse palethnographique rigoureuse, en identifiant les structures archéologiques mises au jour. Son objectif était de réaliser une saisie totale en établissant des relations entre les catégories de documents. L'objectif explicite était de prendre en compte jusqu'aux témoins les plus infimes, en ce compris de modestes esquilles de silex ou des traces d'hématite. Il fut également l'un des premiers à faire appel à des collaborations diverses afin de prolonger la lecture du terrain. Toutefois, l'identification des structures archéologiques (combustion, habitat, couchage, ateliers…) s'est appuyée sur l'évidence d'un diagnostic réalisé sur le terrain. Cette pratique a donné les résultats spectaculaires que l'on sait : l'image de campements du Magdalénien supérieur socioculturellement organisés avec la mise en évidence d'une sectorisation des activités. Les chercheurs des décennies suivantes ont, sans conteste, exploité ce point de départ pour interroger des comportements aussi immatériels que les activités de partage, l'apprentissage du débitage, les stratégies d'échanges… Pincevent était un gisement exceptionnel par le degré de conservation des paléosurfaces, et la méthode n'était pas applicable telle quelle à la grande majorité des sites. Le stratigraphe F. Bordes a d'ailleurs sévèrement critiqué son applicabilité à des gisements dont les niveaux présentaient de manifestes discontinuités. Le regard s'est progressivement fait moins généraliste, moins globalisant. De nombreuses structures ont demandé des analyses complémentaires pour que soit validée l'interprétation posée. On peut être frappé par l'évidence et l'immédiateté du diagnostic : une zone noirâtre ne correspond pas nécessairement à un foyer. Surtout, cette information s'est révélée insuffisante, eu égard au fait de l'irréversibilité de l'acte archéologique. Les travaux actuels prennent un caractère de plus en plus analytique. Il en va de même pour l'étude des grottes ornées. Après que Leroi-Gourhan se fut efforcé de dégager les relations signifiantes entre les motifs pariétaux sur la base d'un examen direct, les demandes formulées ensuite par les préhistoriens ont conduit inexorablement vers la saisie de l'invisible, avec l'assistance précieuse des techniques de laboratoire (chromatographie, XRF, XRD…). Elles mènent actuellement vers le « micro » (MeB), avant de tenter la plongée dans les limites du « nano » (MeT). Autres cadres, autres contraintes. Cette plongée vers le « micro » a imposé une modestie plus grande dans nos ambitions. Les interprétations à l'échelle de l'habitat, voire du campement, ou des grottes ornées nécessitent une stricte réévaluation de chacun des éléments qui constituent les faits archéologiques. Il faut, pour le dire autrement, un nouveau référentiel susceptible de garantir la contemporanéité des éléments factuels de l'espace étudié. Le terme est important : la préhistoire est évidemment une science « historique », c'est-à-dire une science du temps. Mais deux échelles de temps distinctes coexistent. La première, traditionnelle, est celle de la stratigraphie et de la typo-technologie. Elle est celle de la préhistoire proprement dite. La seconde est déterminée par l'étude des traces. Elle est celle de la paléohistoire. C'est ce niveau que les analyses de laboratoire contribuent à mettre en évidence, avec des remises en question parfois lourdes, comme le montrent les résultats d'analyses micro-morphologiques, pour ne prendre que cet exemple.
Il faut, à cet égard, rappeler que ce type d'analyse n'estd'aucune utilité. Il ne peut servir que dans le cadre d'un questionnement établi sur la base d'une bonne connaissance du matériel et du site étudié. Afin d'éviter les désillusions vécues par certains préhistoriens aux débuts de l'archéométrie, il faut souligner l'importance fondamentale d'un programme de recherche en fonction duquel les demandes sont susceptibles d'être faites. Cette remarque, qui peut paraître banale, est essentielle. Elle rend à l'archéologue ou au pariétaliste le rôle central qui lui appartient de droit. Tableaux, graphiques ou diagrammes ne sauraient en aucun cas placer l'information sous le sceau de l'objectivité absolue. S'il veut s'inscrire dans le cadre de la recherche fondamentale – et non pas se borner à appliquer une technique –, le chercheur doit assumer la marque de sa subjectivité dans sa recherche. Elle est, en effet, non seulement inévitable, mais n'est en outre pas forcément nuisible. On a trop confondu objectivité et rigueur dans les sciences humaines. Sauf dans les cas où l'orientation des recherches est dictée – par idéologie, par dogmatisme ou, plus insidieusement, par des phénomènes de mode –, l'exercice de la pensée doit pouvoir s'exercer librement tant qu'il est mené avec honnêteté et méticulosité. On pose aujourd'hui des questions sur les comportements ou les modes de vie des humanités anciennes que l'on n'aurait pas osé imaginer il y a cinquante ans. Cela débouche logiquement sur la fondation de cadres méthodologiques novateurs. L'étape suivante sera sans aucun doute de croiser, en les adaptant l'un à l'autre, les registres méthodologique et épistémologique. |