Gap et Vallouise : Le corps en milieu alpin.
Présentation du colloque européen d'Anthropologie alpine à Gap et Vallouise « Le corps en milieu alpin » du 5 au 11 juillet 2004.
Ce sont les Alpes qui ont donné leur nom à la science de la montagne et à l'alpinisme.
La montagne est une découverte récente. Avant d'avoir été vaincu, en 1787, par Horace-Bénédict de Saussure (1740-1799), le Mont-Blanc passait pour un amas de glaces inaccessibles. La montagne n'était ni un sujet d'étude ni un but d'excursion, en fait, elle inspirait un sentiment d'effroi. Dès les premières ascensions alpines, les effets (perte d'appétit, difficultés respiratoires, augmentation de la soif…) de l'altitude sur le corps, sont ressentis. C'est ainsi qu'au XIX° siècle, animée par des préoccupations hygiénistes, sociales et militaires, l'armée prône une nouvelle pratique physique, le ski, pour transformer le corps alpin et façonner une " race montagnarde ".
Si le développement touristique marque le début du XX° siècle, la place du corps, dans les pratiques de l'alpinisme, est centrée sur une construction des styles de pratiques (lolotte, grand et petit cylindre…) et d'une forme de socialisation. Du corps technique au corps extrême en passant par les représentations symboliques du corps en action, les voies d'escalades constituent des marqueurs socio-sportifs dans une dynamique émotionnelle. Une voie a un auteur, une date, un nom, numérotée en fonction du style et de la difficulté. À chaque nouveau milieu sportif (spéléologie, plongée sous-marine) l'homme a inventé des réponses techniques et vestimentaires. Les alpinistes explorent, expérimentent de nouvelles techniques et surmontent les difficultés en adaptant le matériel pour faire face aux obstacles naturels et aux conditions extrêmes (corps expérimental des himalayistes - Néo door-). L'évolution des techniques modifie le regard porté sur le corps sportif et l'exploit devient un support idéal de la rhétorique publicitaire. Le corps valorisé, amplificateur d'altérité, est mis en scène par la publicité " miroir " des signifiants culturels affectant la relation à un élément géographique.
Ainsi, les Alpes, territoire d'expression corporelle et d'identité sportive, participent à une nouvelle construction identitaire de l'espace alpin, par ses représentations des mutations culturelles.
Vallouise : Le corps en milieu alpin
La haute altitude (> 2500m) trouble l'homéostasie du corps humain et diverses manifestations pathologiques menacent ainsi les fonctions vitales de l'organisme. Cependant, les groupes humains vivant en haute altitude ont mis en place des processus adaptatifs au niveau biologique, ainsi l'homme, dans les vallées alpines et dans les ambiances extrêmes, est un sujet d'étude privilégié pour les biologistes et les anthropologues. Les mesures des conscrits (XVII°-XX° siècle), répertoriées dans les archives militaires, rendent compte des habitudes et des comportements alimentaires. Ces habitudes sont-elles vécues en terme d'apport nutritionnel bénéfique au corps et à la santé ou en terme de spécialité traditionnelle ? Le besoin de se nourrir et la dimension culturelle de l'alimentation instaurent une relation particulière entre le corps et le milieu montagnard. Les populations locales sont engagées dans des systèmes complexes qui permettent leur maintien en milieu alpin, sur un plan physique mais aussi symbolique.
Les ressources thermales, utilisées à partir des années 1970, semblent conforter l'idée que le corps, dans un environnement montagnard, peut être revivifié et purifié, le corps urbain transformé momentanément en corps montagnard, perçoit aussi un changement d'esprit.
La carence en iode des zones de glaciation quaternaires, pourvoyeuse de goitres, rendait certains corps monstrueux, les épidémies aussi affectaient les corps, et si, progressivement les modèles explicatifs des maladies apparaissent, un espace est ouvert dans les représentations et les peurs du corps rejeté. De la même façon, le corps vieillissant, en interaction avec les processus biologiques et l'influence de l'apparence physique, s'inscrit dans l'espace du corps rejetable. Les fantasmes et les rejets affecteront l'imaginaire, ainsi, l'iconographie permet d'articuler la dimension anthropologique entre la pensée rationnelle et la représentation du corps énigmatique, rejeté, autour des contes et légendes. Dans les villages, la tradition orale constitue le lien social par excellence, au sein duquel les jeux complexes d'interactions doivent faire sens pour les interlocuteurs. La parole, soumise à toute une série de codes et de contraintes, contribue à la cohésion et l'identité d'une collectivité dans le temps.
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