Origines du langage
Les origines du langage
Depuis quand nos ancêtres utilisent-ils le langage ?
Notre société a complètement assimilé le langage comme partie intégrante de l’être humain. C’est même l’un des éléments rassurants qui peut nous différencier des autres animaux (voir le dossier homme et singe). D’où l’importance accordée aux premiers mots de bébé : « il a dit papa« … un véritable exploit !
Le sujet des origines du langage reste toutefois complexe. Le fait de parler ne laisse, de façon directe, ni traces, ni fossiles ! Les scientifiques sont donc obligés de recouper différentes informations déjà recensées (l’outillage, les migrations de populations, l’analyse des crânes…) avec des études actuelles (la communication des grands singes, des bébés…). Il peuvent ensuite se servir de ces observations pour élaborer leurs théories…
Quand est apparu le langage ?
Depuis le 17e siècle la question se posait : depuis quand l’homme utilisait-il le langage articulé ?
De nombreuses théories ont été avancées dont certaines très farfelues (voir ci-contre). En 1866, la Société de Linguistique de Paris (fondée en 1864) mit un coup d’arrêt à ces tentatives fantaisistes et interdit tout simplement la publication de textes relatifs à l’origine du langage.
Ce n’est qu’à la fin du XXe siècle que le veto fut levé et que l’origine du langage devint un sujet d’étude.
Dans les années 80 la majorité des scientifiques penchaient vers une origine du langage plutôt tardive, il y a 40 000 ans. Cette période était également celle de la « révolution symbolique » (développement des arts avec les grottes ornées, des outils de plus en plus perfectionnés et des sépultures).
Il est maintenant permis de penser que les origines du langage sont beaucoup plus anciennes. Les dernières études sur les aptitudes anatomiques des premiers hominidés repoussent les prémisses du langage à 2 millions d’années.
Ouah-ouah, Peuh-peuh, La-la, Ding-dong, Oh-hisse...
Ne vous inquiétez pas, ce ne sont que des théories... sur les origines du langage !
Ouah-ouah pour l'imitation des bruits environnants...
Peuh-peuh pour simuler les émotions (comme le dégoût)...
La-la pour une origine enfantine des premiers mots...
Ding-dong pour une initiation par le chant...
et enfin Oh-hisse pour une stimulation par le travail...
Bref on voit que le passé est riche en théories plus ou moins baroques...
Une étude du mois d’avril 2011 du Dr Quentin Atkinson (Université d’Auckland) trouve l’origine du langage humain en Afrique. Il a repértorié et comparé le nombre et la diversités des phonèmes de 504 langues à travers le monde.
Il a ainsi pu calculer que les langues les plus riches en phonèmes diversifiés se trouvaient en Afrique et principalement sur une bande cotière qui va du Sénégal à l’Afrique du Sud. A l’inverse les langues les moins riches se retrouvent en Océanie et en Amériques du Nord… qui sont continents les plus récemment conquis par l’homme. Cette nouvelle découverte confirme les origines africaines de l’humanité. Etude parue dans les revues Science et Nature. A noter, les travaux de Quentin Atkinson ont été remis en cause en 2012 par une autre équipe pour qui la diffusion du langage humain ne s’est pas forcément réalisée comme la dispersion génétique.
Quel est le premier hominidé a avoir utilisé le langage ?
Selon certains anthropologues, les hominidés pourvus d’un larynx en position basse, ont également une base de crâne plate. Cette caractéristique ne se retrouve que chez nos ancêtres de moins de 2,5 millions d’années : les paranthropes et les Homo. Ce caractère est toutefois jugé peu pertinent par Pascal Picq.
Pour Phillip Tobias, les moulages endocrâniens montrent qu’Homo habilis possédait des aires de Broca et de Wernicke, spécialisées dans la compréhension et l’élaboration du langage. Mais d’autres études démontrent que, physiquement parlant, son larynx n’était pas descendu et qu’il ne pouvait donc pas « articuler de manière correcte ».
Pour certains scientifiques Homo erectus devait posséder le langage car sa production de silex (Levallois) nécessitait une maîtrise et une technique qui ne pouvait se transmettre qu’avec un moyen de communication élaboré.
Et Néandertal ? Les études se suivent et se contredisent. Selon des chercheurs américains, la position de son larynx et sa morphologie ne permettaient pas la production d’une gamme étendue de sons (quelques consonnes et peu de voyelles)… Pour l’anthropologue française Anne-Marie Tillier (CNRS Bordeaux) il n’y a aucun doute : Néandertal possédait un langage articulé élaboré.
Octobre 2007, voir l’étude génétique de Neandertal sur le gène FOXP2 responsable en partie de l’apprentissage du langage
Les différentes hypothèses d’une origine tardive
Le langage mimétique
Cette théorie, développée par Merlin Donald, propose une première forme de langage mimant les actions ou les objets. Il s’appuie pour cela sur le chimpanzé à qui il arrive de singer ou de « copier » une action.
Par exemple, pour proposer une chasse à ses congénères, l’hominidé aurait simulé le lancer d’une sagaie vers un animal imaginaire. Il faut noter que cette hypothèse ne permet de représenter que des objets ou des actions concrètes : manger, bison, boire. Il est par contre impossible de mimer toute les notions abstraites comme « demain nous irons à la chasse » » ou « hier j’ai vu un bison près de la rivière ».
Cette théorie du mimétisme est séduisante mais nous pouvons remarquer que si certains primates ou de jeunes enfants font du mimétisme c’est toujours dans un but de jeu ou d’apprentissage, et jamais pour uniquement communiquer.
L’origine gestuelle du langage
Michael Corbalis propose, lui, une communication à base de gestes qui aurait précédé le langage articulé. Il base son argumentation sur les avantages découlant des gestes muets :
– pas de bruit pour attirer les prédateurs ou traquer les proies
– praticité du geste pour montrer une direction (que nous pratiquons toujours aujourd’hui !)
Jean-François Dortier souligne que si cette pratique du geste apportait autant d’avantages, il faudrait savoir pourquoi elle a été abandonnée et comment les hominidés pouvaient communiquer dans l’obscurité…
Le protolangage
Développé par le linguiste Derek Bickerton, le protolangage part d’un langage primitif il y a 2 millions d’années qui se serait progressivement enrichi. Composé de juxtapositions de mots concrets il ne possèderait pas de grammaire. Nos ancêtres auraient donc pu faire des phrases du type « Rahan manger fruits » ou « manger fruits Rahan » sans que cela nuise au sens global de la phrase…
Le protolangage aurait évolué vers un langage plus élaboré il y a 50 000 ans.
Cette théorie se base sur l’étude de quatre sources différentes de ce qu’aurait pu être notre langage primitif :
– le langage des grands singes à qui l’on a appris le langage des signes
– le langage des enfants de moins de 2 ans
– le langage de Genie, « enfant-placard » séquestrée pendant 13 ans
– le pidgin, langage utilisé et créé par des populations différentes contraintes à vivre ensemble et donc à trouver un langage commun.
Le protolangage est maintenant l’hypothèse la plus couramment admise.
Pourquoi le langage ?
Même si cela nous paraît évident nous pouvons nous poser la question de savoir à quoi le langage nous sert…
Bien sûr, c’est avant tout un moyen de communication au sens général. On peut supposer qu’il a donné de vrais avantages aux premiers hommes qui l’ont utilisé :
– construction plus rapide en commun d’une hutte ou d’un abri « moi ramasser branches », « toi arracher feuilles »
– chasse d’une même proie, à plusieurs, avec stratégie du type « Toi passer ici » et Moi passer derrière »
– communication rapide d’un danger immédiat « Fuir serpent ici » …
Tous ces exemples montrent les bénéfices immédiats du langage en terme de rapidité, de facilité ou de survie…
Il existe toutefois un courant néodarwiniste qui réfute ce genre d’argument : le langage n’apporterait pas d’avantage évolutif. Il serait même dangereux d’échanger des informations, de communiquer : c’est la théorie néodarwinienne de l’intelligence machiavélique. Il serait plus profitable à l’individu de se taire et de ne pas communiquer avec ses congénères… Cette hypothèse ne supporte pas les faits : le développement du langage s’est réalisé dans toutes les populations, y compris les plus isolées… Et cela n’a pas empêché l’espèce humaine de se développer sur toute la planète !
Il existe également des théories moins simplistes sur l’utilité du langage.
Robin Dunbar (primatologue) pense que le langage apporte surtout un maintien des relations sociales avec son entourage (tribu, famille…). Il s’appuie pour cela sur une étude portant sur le sujet des conversations de nos contemporains (dans des lieux divers : cafétérias, bars, trains…). Les résulats sont étonnants : nous passons plus de 65 % de notre temps à parler de sujets sociaux. Qui fait quoi, avec qui, ce que j’aime ou n’aime pas… ! Nous pouvons mieux comprendre le succès des revues et des émissions « people ». Elles répondent à ce besoin inné de savoir ce que font nos voisins et plus généralement nos contemporains…
D’un point de vue anatomique, que faut-il pour parler ?
Un appareil phonatoire, formé des poumons, des muscles (cage thoracique, abdomen…), du larynx, du pharynx, des fosses nasales, du voile du palais, de la langue et des lèvres…
C’est le larynx qui est le principal élément de l’appareil phonatoire. Chez l’humain, il est en position haute chez le bébé, et prend une position basse chez l’adulte. Cela permet ainsi la production d’un langage articulé et modulé.
Chez les grands singes le larynx reste en position haute même à l’âge adulte : il leur est donc impossible de parler comme leurs cousins humains…
Pour parler, Il faut également un cerveau comprenant des aires de Broca (production du langage) et de Wernicke (compréhension)…
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Curiosité animale et humaine : de l’origine des cultures et du langage.
Un article exclusif de Fabrice Garcia pour Hominides.com