L’Homme du futur
L’homme du futur
Homo futurisA quoi ressemblera l’homme de demain ?
L’homme du futur est souvent représenté d’une manière caricaturale. Soit on ne distingue rien de particulier entre nous et nos descendants, soit la science fiction nous présente un homme du futur disproportionné : grosse tête, yeux énormes globuleux et longues jambes…
La vérité est ailleurs et surtout elle est inconnue. Si aucun scientifique digne de ce nom ne peut affirmer comment notre espèce va évoluer, presque tous s’accordent sur le fait qu’elle va continuer d’évoluer ! Certes, les évolutions sont moins visibles et surtout contrecarrées par les progrès scientifiques ou médicaux. Par exemple, une population moins sensible au virus de la rougeole n’a plus un avantage décisif par rapport aux autres populations car nous vaccinons désormais, dans les pays développés, tous nos enfants contre ce virus.
Pour ces raisons, l’évolution de l’homme subit de moins en moins la pression de la sélection naturelle. Depuis 50 à 100 ans, il y a une sorte de « relâchement » de la pression sélective. L’anthropologue Ian Tattersall dit, avec un brin de provocation « Biologiquement parlant, l’espèce humaine ne va nulle part ! ».
Les images de l’homme du futur s’appuient fréquemment sur des idées populaires comme le fait qu’une partie du corps humain souvent sollicitée aurait tendance à se développer, ou encore que notre cerveau serait surdéveloppé du fait d’une intelligence supérieure en expansion… Ces idées sont dérivées du Lamarckisme, théorie depuis longtemps remise en question puis abandonnée au profit de celle de Charles Darwin.
Pour Lamarck, les espèces se transformaient en fonction de leur environnement (transformisme) et pouvaient transmettre ces modifications à leur descendance : c’est la transmission des caractères acquis. Lamarck avait notamment expliqué le long cou des girafes par cette théorie ou la myopie des taupes… Cette explication est maintenant moquée mais à l’époque elle était révolutionnaire !
L’homme de demain… comme aujourd’hui ?
L’homme dans 10 000 ans, 100 000 ans… sera-t-il identique à l’homme d’aujourd’hui ? Les évolutions sont impossibles à prévoir, sauf à connaître à l’avance les événements à venir sur la planète ! Ne souhaitant pas nous baser sur Nostradamus ou Météo France (qui a du mal à prévoir le temps sur plus de 7 jours !) nous pouvons juste imaginer ce qu’il pourrait se passer compte tenu des connaissances actuelles en biologie, génétique et évolution.
L’homme du futur fantasmé
Eliminons les modifications qui relèvent plus du fantasme
La taille du cerveau
Eh bien non, notre cerveau a peu de chance de se développer de manière conséquente. Premièrement, la taille de notre cerveau est très dépendante de notre stature et donc les deux doivent évoluer de manière conjointe (pour quel avantage ?). Deuxièmement, la taille du cerveau est contrainte par la capacité du bébé à passer par le bassin de sa mère lors de l’accouchement… Là aussi il faudrait très fortement modifier la morphologie des femmes, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir sur la locomotion et la mortalité pendant l’accouchement…
Exit donc l’homme du futur au cerveau disproportionné.
La taille du corps
Notre espèce a déjà, dans le passé, connu des variations de stature, à la hausse ou à la baisse. Ces dernières centaines d’années ont vu notre taille augmenter. On peut supposer que cette évolution est plutôt une adaptation, grâce à une nourriture plus riche. Elle peut se poursuivre, mais dans certaines limites. En effet, d’un point de vue mécanique et osseux, notre taille est limitée par des contraintes de locomotion et de structure. Comme on le sait, certains « géants humains » de plus de 2 mètres ont de grandes difficultés à se déplacer et à avoir une activité physique. Une trop grande taille est contre-productive et ce caractère n’apporte aucun avantage à son propriétaire : dans le passé, ces géants étaient le plus souvent exhibés dans les foires et mourraient jeunes.
Une hauteur moyenne de 1,85 m semble être le maximum « utile » et non handicapant pour l’ensemble des scientifiques. « Je sais prédire notre évolution à trente ans, guère plus. La limite biologique sera alors atteinte » indique Régis Mollard (Professeur d’ergonomie, Paris Descartes). Eh bien non, Homo futuris ne sera pas un géant.
Les yeux et les mains
Plusieurs articles avancent la forte probabilité que notre espèce voit ses yeux devenir plus grands (voire globuleux), son pouce s’agrandir, et perdre ses orteils… Les mêmes articles expliquent ces « mutations » par l’utilisation de plus en plus forte d’écrans (télé, ordinateur, téléphone), de claviers (console de jeu, téléphone…), et le besoin moindre de se déplacer.
Si l’utilisation de ces techniques peut avoir des impacts sur un être humain (comme un pouce plus mobile, à force de le travailler…) elle n’a aucune incidence sur la génétique, et notre « homme aux yeux globuleux avec un gros pouce » ne transmettra aucun de ces éléments à ses enfants ! De même pour nos orteils qui nous sont utiles et qui participent à l’équilibre de l’être humain.
Le processus d’évolution ne sélectionnera pas les gros yeux globuleux et les mains longues et agiles…
Les dents
Nos mâchoires sont devenues plus petites et elles ont parfois du mal à accueillir les 32 dents de l’adulte. Notre alimentation devient de plus en plus tendre et une grande mâchoire forte n’est plus indispensable : elle n’apporte aucun avantage. Cette réduction de la mâchoire peut continuer et nous risquons même de voir certaines dents disparaître. Dans la population on trouve de plus en plus d’individus dont les dents de sagesse ne sont pas sorties…
Pour l’anthropologue Clark Larsen, » La pression moindre sur le visage et la mâchoire a entraîné des modifications de la forme du crâne ». Il ajoute que, au niveau mondial, l’augmentation des malocclusions dentaires, du chevauchement des dents, et de l’impact sur les molaires sont également des signes de ces changements. »
Certes notre mâchoire est plus petite, mais rien ne peut prouver que le processus va perdurer et que nous allons perdre des dents.
La génétique montre que l’évolution de l’homme continue, mais en sourdine…
L’évolution génétique de l’homme (comme les autres espèces animales) est soumise à des contraintes, mais dépend également de conditions qui doivent êtres réunies :
– des mutations génétiques,
– la sélection naturelle des mutations apportant un avantage à son propriétaire,
– l’isolement géographique d’une population permettant aux caractères de se reproduire rapidement.
Si les mutations génétiques sont toujours présentes, la sélection naturelle est souvent contrecarrée par les avancées techniques et médicales, et l’isolement géographique n’existe plus que pour quelques tribus ou populations spécifiques.
Homo sapiens toujours en pleine mutation…
Notre espèce, Homo sapiens, est-elle encore assujettie à la sélection naturelle et subit-elle encore des mutations ? C’est la question que semblent se poser certains scientifiques (que l’on ne peut pas accuser de créationnisme) et à laquelle ils répondent par la négative. Ils sont peu nombreux, mais pour eux l’homme n’évolue plus. Pour Steve John ( Biologiste, University Collège London), l’évolution humaine a essentiellement cessé : « Pour notre espèce, les choses ont simplement stoppé d’être meilleures ou mauvaises. Si vous voulez savoir ce qu’est « l’Utopie », regardez autour de vous, c’est ça ! ». C’est certes un peu radical, mais surtout centré sur les populations aisées dans les pays développés. On peut être certain qu’un Américain, sans couverture sociale, et qui va mourir faute d’argent pour se payer un traitement médical, doit penser autrement… de même qu’un Africain qui n’a pas accès à une trithérapie pour soigner son Sida. En fait, 80% de la population mondiale ne vit pas en Utopie… et même les riches ont des mutations !
La majorité des études génétiques montrent que l’homme évolue et évoluera toujours ; bien entendu sans savoir ce qu’il adviendra de notre espèce. Le processus de mutations et de sélection naturelle est toujours fonctionnel, même s’il est peu visible. La plupart des scientifiques, il y a quelques années, aurait été d’avis que l’évolution physique de l’homme a cessé. Mais les techniques d’analyse de l’ADN, qui explorent les génomes présents et passés, ont déclenché une révolution dans l’étude de l’évolution ; elles racontent une histoire différente.
Non seulement Homo sapiens a fait quelques « remaniements génétiques » importants depuis que notre espèce a émergé, mais le taux d’évolution du génome humain n’a cessé d’augmenter.
Selon une étude publiée par Harpending and Hawks, l’être humain a subi 100 fois plus de mutations génétiques dans les derniers 10 000 ans que depuis la séparation de la branche humaine de celles des autres grands singes.
Les mutations génétiques doivent apporter un avantage décisif à son propriétaire pour se décliner dans la population
Nous sommes tous des mutants… et chaque individu est porteur de nombreuses mutations qui ne sont pas forcément visibles. Nous n’avons pas tous un troisième œil, un doigt de pied en moins ou un deuxième foie … La plupart de ces mutations sont mineures et sans impact réel sur la vie de tous les jours. Nous nous intéressons ici, donc, plus particulièrement aux mutations qui augmentent la survie de l’individu et/ou lui donnent un véritable avantage pour sa reproduction. Cette transmission de la mutation est primordiale et fondamentale : si vous êtes l’heureux porteur d’un gène extraordinaire mais que vous n’avez pas de descendance cela ne sert à rien… CQFD
Une mutation qui pourrait diminuer à moyen terme le nombre de victimes du Sida : delta 32…
Une étude génétique a permis de mettre en lumière une mutation génétique du plus grand intérêt. Une mutation, appelée delta 32 procure à son porteur une meilleure résistance au virus HIV. Cette mutation se retrouve chez 13% des Européens et est extrêmement rare en Afrique. Sachant que l’épidémie de Sida ne date que des années 70, il semble que la mutation delta 32 se soit développée en Europe lors des épidémies de variole. Cette mutation semble donc avoir (par hasard) deux avantages : un contre la variole (ou la peste), et un contre le Sida.
Les chercheurs prédisent donc que la mutation delta 32 va certainement devenir beaucoup plus fréquente dans les populations très infectées par le VIH comme en Afrique.
Pour le généticien Chris Tyler-Smith ; « S’il n’y a pas d’avancée significative dans le traitement du Sida et que les hommes continuent de mourir, nous pouvons prévoir que la pression sélective va augmenter la fréquence de la mutation delta 32 dans les populations les plus touchées. »
Isolement géographique
Les populations, parfois très éloignées géographiquement, sont en contact régulier par le développement des transports et des communications. Les mutations génétiques peuvent être diluées sans vraiment se développer. Pour l’anthropologue Steve Jones (University College of London) « De petits échantillons de populations vivant isolées peuvent connaître par hasard un changement génétique. Si ce changement avantage la reproduction, une nouvelle espèce voit le jour. « Sauf que, dans notre civilisation, tellement mélangée, la probabilité qu’une modification génétique puisse s’installer faiblit. Les humains sont 10 000 fois plus semblables les uns aux autres qu’ils ne devraient l’être selon les lois du règne animal. L’histoire des hommes se fait au lit, or nos lits se touchent tous désormais. Nous nous mélangeons dans une masse globale et notre avenir sera métis. »
Le développement des mutations favorisées par l’isolement géographique deviennent de plus en plus rares….
Une évolution génétique récente favorisée et induite par l’isolement géographique
Une étude publiée en juillet 2010 montre que nos gènes continuent d’évoluer en respectant les conditions énoncées précédemment (mutations, sélection, isolement géographique). Ainsi, la population tibétaine, séparée géographiquement de la population chinoise il y a
3 000 ans, a développé une adaptation très spécifique à son habitat en haute altitude. Le corps des Tibétains utilise mieux l’oxygène raréfié que celui des Chinois : plus de 30 gènes différents présentent ainsi des mutations. L’évolution a été rapide car l’un de ces gènes mutés est présent chez seulement 10% des Chinois et 90% des Tibétains. Et cela en seulement 3 000 ans !
Désolé, mais pas de nouvelle espèce en vue… pas d’homme du futur programmé !
Chez l’homme, « il y aura des fluctuations mineures et locales pour répondre à des conditions spécifiques localisées » prédit Ian Tattersall. « Il me semble, par contre, difficile de prévoir l’émergence d’une nouvelle espèce dans les conditions actuelles… Mais si les conditions changent, les paris sont ouverts !«
« Il y a eu, dans les sociétés industrialisées, un assouplissement de la pression de la sélection naturelle », explique le généticien évolutionniste Peter Keightley (Université d’Edimbourg, Royaume-Uni). « Mais notre capacité à profiter de cet assouplissement est probablement temporaire : nous épuisons nos ressources énergétiques, notre population s’accroît et les conditions climatiques changent. Tout cela laisse entrevoir de grandes difficultés et de nouvelles pressions sélectives. »
« Toute espèce naît, évolue, se diversifie et disparaît. Il n’y a pas de raison que l’espèce humaine échappe à la règle. Elle continuera à évoluer.
Henry de Lumley (préhistorien)
Pour le généticien Axel Khan « Bien sûr, les avancées thérapeutiques qui permettent par exemple à des personnes incapables d’enfanter d’avoir une descendance prolifique pourraient sembler constituer une entorse à l’évolution. Mais elles montrent surtout la capacité d’adaptation de l’homme pour continuer à se reproduire et survivre. D’ailleurs, les humains ont toujours modifié et accéléré l’évolution, sans jamais l’arrêter… Dès le Néolithique, l’homme a changé le cours de l’évolution terrestre en transformant son environnement, rasant la plupart des forêts primaires, inventant l’agriculture. Et cela continue aujourd’hui. Si demain, la température devait atteindre par exemple 25° dans les pays froids, 40° au Sud, de nouvelles espèces d’homme se multiplieraient en quelques siècles, génétiquement programmées à mieux résister à la chaleur. Ils ne seront pas des post-humains pour autant. »
Décrire l’homme du futur revient à faire le portrait robot d’une personne que l’on n’a jamais vue ou qui n’existera tout simplement jamais… du moins pas comme nous l’imaginons.
C.R.
Hominides.com remercie :
Francois Marchall pour sa participation à l’élaboration de cette page.
Eric Lebrun pour la création des Images de l’Homme du futur (voir le Blog d’Eric Le Brun, illustrateur )