Domestication du feu
L’homme maîtrise le feu
La maîtrise du feu est importante dans l’évolution humaine. C’est l’une des premières preuves de notre humanité. En effet, l’homme est le seul animal qui a non seulement domestiqué le feu, mais qui a aussi été capable de le reproduire à volonté.
« Aux environs de 400 000 ans, avec l’apparition des premiers foyers aménagés, se développe vraisemblablement autour du feu une vie sociale plus organisée. Le feu a été un formidable moteur d’hominisation. Il éclaire et prolonge le jour aux dépens de la nuit ; il a permis à l’homme de pénétrer dans les cavernes. Il réchauffe et allonge l’été aux dépens de l’hiver ; il a permis à l’homme d’envahir les zones tempérées froides de la planète. Il permet de cuire la nourriture et, en conséquence, de faire reculer les parasitoses. Il améliore la fabrication des outils en permettant de durcir au feu la pointe des épieux. Mais c’est surtout un facteur de convivialité ». Henry de Lumley 2004.
Premières traces de foyer
Zhoukoudian : un foyer chinois de 400 000 ans
Les premières traces de feu entretenues sont datées de
– 400 000 ans, à Zhoukoudian en Chine. On y a retrouvé de nombreuses pièces en os et des pointes de bois de cerfs, toutes durcies au feu. Ces différents vestiges prouvent que les sinanthropes ont maîtrisé et entretenu des foyers sur le site. Cela représente une hauteur totale de 6 mètres de cendres, en 4 couches superposées, qui contenaient des charbons, des pierres brûlées et même quelques ossements humains.
Le préhistorien Nicolas Teyssandier indique également « En Europe, trois sites archéologiques au moins, Beeches Pit en Angleterre, Schöningen en Allemagne et Menez Dregan dans le Finistère breton, datant d’environ 400 000 ans, montrent l’utilisation répétée du feu à travers des silex brulés, des morceaux de bois carbonisés et même un outil en bois sans doute durci au feu« .
Un foyer plus ancien ?
C’est en Israël, sur le site de Gesher Benot Ya’aqov, que des traces de feu ont été retrouvées. Graines, bois, silex brûlés semblent prouver l’existence d’un ou plusieurs foyers il y a 790 000 ans..
Les scientifiques restent dubitatifs sur le fait que ce foyer ait été véritablement intentionnel.
D’après Claire Gaillard (CNRS), la dissémination des éléments carbonisés écarte la possibilité d’un incendie accidentel.
Une nouvelle étude de ce foyer (en 2008) indique que le site a été occupé successivement 12 fois. Les silex brulés à différentes époques montrent que les differentes générations d’hommes avaient probablement la capacité à allumer un feu à volonté
(Revue Quaternary Sciences Reviews).
En 2021 Une étude à la Caune de l’Arago à Tautavel montre des traces de combustion il y a 560 000 ans : impossible pour l’instant de déterminer une origine anthropique ou naturelle.
D’autres feux entretenus
D’autres sites présentant des traces de foyers ont également été repertoriés, principalement en Europe : Vertesszöllös (Hongrie), Terra Amata (Nice – France), Lunel Viel (France), Achenheim (Bas Rhin) et à Menez-Dregan (Bretagne- France).
D’une manière générale on estime que l’utilisation du feu s’est généralisée en Europe il y a environ – 400 000 ans.
En 2014, une étude montre que le feu était maîtrisé sur le site de Qesem, en Israël.
Le site de Prezletice (République Tchèque) présente également des traces de foyers estimées à – 650 000 ans… mais sans preuve que ce feu ait été intentionnellement allumé. En 2016, le site de Cueva Negra, en Espagne, présente des traces de foyer vieux de 800 000 ans, ce qui en ferait le plus ancien foyer préhistorique européen.
Et l’Afrique ?
Quelques sites sur le continent africain présentent également des traces de combustions anciennes (1,5 Ma) mais certainement dues à des incendies naturels : Chesowanja et Gadeb (Ethiopie), Bodo (Kenya). Le site de Wonderwerk, en Afrique du Sud, présente des ossements calcinés il y a 1 million d’années… Le feu était-il déjà maîtrisé par les hominidés à cette époque ?
Pourquoi faire du feu ?
Retrouver d’anciennes traces de foyers ne donne pas forcément leurs fonctions !
Les restes calcinés, comme les ossements, les morceaux de bois ou encore les pierres, n’indiquent pas la finalité du foyer. Les anthropologues peuvent identifier les restes de combustion, les essences de bois, mais il ne peuvent, dans la majorité des cas, qu’imaginer le but poursuivi par nos ancêtres.
Cartel de la reconstitution des foyers découverts au Roc de Marsal (Musée National de Préhistoire des Eyzies )
Les néandertaliens utilisent le feu pour l’éclairage, le chauffage et la cuisson des aliments. Vers – 65 000 ans, à l’entrée de la grotte du Roc de Marsal, des foyers ont été installés successivement dans une cuvette naturelle. Au fond de celle-ci, le plus ancien a probablement été utilisé plusieurs fois et piéti les charbons et les cendres ont ainsi été mélangés. Dans la coupe, une seconde ligne noire, au dessus, matérialise un autre foyer.
La production de chaleur
Neige, pluies et longues périodes de froid, nos ancêtres ont rapidement dû préférer la proximité d’un foyer aux rigueurs du climat. Positionné à l’entrée d’une grotte, le feu permettait de chauffer rapidement l’espace. Les hommes pouvaient donc se regrouper et profiter d’un environnement plus hospitalier.
Protection
Comme indiqué en début d’article, l’homme est le seul animal à avoir domestiqué le feu, et surtout la peur qu’il exerce ! Un feu entretenu, ou une simple torche enflammée, suffisent à effrayer ou éloigner les animaux sauvages. Cette défense passive a dû donner un net avantage aux populations qui maîtrisaient son utilisation.
Cuisson des aliments
Hasard, accident… on ignore comment nos ancêtres ont pu découvrir la cuisson des aliments… Mais on peut imaginer les avantages immédiats qu’ils ont pu en tirer : mastication plus aisée, digestion facilitée, goût plus agréable. Les nombreux restes d’os d’animaux retrouvés dans les foyers démontrent que la pratique s’est rapidement développée.
Comment faire du feu ?
Contrairement à une idée reçue, nos ancêtres ne frottaient pas 2 silex pour allumer un feu… Cela ne sert à rien ! Tout simplement parce que percuter 2 silex ensemble ne produit, au mieux, que de toutes petites étincelles, très éphémères, qui ne s’éjectent pas… et donc sans aucune chance d’allumer une quelconque brindille ou combustible, même placé à proximité !
Seuls deux moyens « simples » ont été recensés pour allumer un feu…
La percussion
Trois éléments sont nécessaires pour allumer un feu par percussion : du silex, un minerai de fer (de la pyrite ou de la marcassite) et un initiateur (un végétal, des brindilles ou un champignon). La percussion du silex sur le minerai de fer (comme avec un briquet) éjecte des étincelles sur l’initiateur et durent pendant 2 secondes. C’est un temps suffisant pour provoquer des braises qui seront entretenues ensuite avec des herbes sèches.
Le plus vieux briquet ?
C’est dans la grotte de Chaleux (Belgique) qu’un nodule de pyrite a été découvert…
Il est daté de 13 000 ans BP.
Outre ce briquet, le site a délivré une grande dalle de psammite représentant des aurochs.
La Friction
Cette méthode ne nécessite que deux morceaux de bois. Le frottement de l’un sur l’autre génère un tas de sciure échauffé. Ce « nid » de chaleur va générer quelques braises… qui permettront d’allumer ensuite des brindilles sèches…
Le principal problème consiste à bien choisir les essences de bois en fonction du but recherché.
Cette méthode a laissé peu de traces anciennes (le bois ne se conservant que dans certaines conditions rarissimes).
Nos ancêtres qui avaient la maîtrise du feu
Scientifiquement prouvé, la maîtrise du feu est relativement récente (-400 000 ans). D’autres découvertes pourront peut-être, dans le futur, faire reculer cette date. Ceci explique que seul un petit nombre de nos ancêtres soit reconnu comme ayant domestiqué le feu. On notera que les restes d’Homo luzonensis (-67 000 ans) n’étaient pas accompagnés de restes de combustion ou de foyer. Si il maitrisait le feu, nous n’en avons aucune preuve. Concernant Homo naledi (- 335 000 ans), malgré les annonces fracassantes de Lee Berger en 2023 il n’est pas prouvé que cet hominidé domestiquait le feu.
Homo erectus | Homo erectus Tautavel | Homo floresiensis | Homo sapiens | Homo sapiens Cro-magnon | Homo neanderthalensis |
Les traces de foyers laissées par nos ancêtres
Les archéologues explorant les sites doivent déterminer si les traces de carbonisation dans les couches stratigraphiques sont réellement issues d’un foyer ou proviennent d’un simple incendie.
Pour identifier un foyer fabriqué par l’homme, plusieurs indices sont possibles :
– si une ou plusieurs couches de cendres se sont déposées (indiquant par là-même que le foyer a été utilisé et réutilisé),
– la présence de pierres ou galets délimitant la zone du foyer,
– la présence d’ossements carbonisés démontrant la cuisson de morceaux de viandes…
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Evidence of Hominin Use and Maintenance of Fire at Zhoukoudian
Histoire de l’allumage du feu des origines à nos jours – Bertrand Roussel, Paul Boutié
De la Préhistoire à nos jours
Nouvelle édition 2015
Ouvrage réalisé sous la direction de Bertrand Roussel
Bertrand Roussel