La bipédie
La bipédie humaine
Les premières traces de pas d’hominidés à Laetoli
La bipédie… une vieille histoire de 7 millions d’années (au moins) !
Une étude du CNRS en 2022 des ossements du fémur et des cubitus de Sahelanthropus tchadensis (Toumaï) qui vivait au Tchad il y 7 millions d’années montre que cet ancien hominidé pratiquait la bipédie au sol et dans les arbres.
Voir la bipédie de Toumaï.
C’est à Laetoli en Tanzanie que Mary Leakey a découvert le plus ancien témoignage de bipédie : préservées dans la cendre volcanique, les empreintes de pas d’un hominidé adulte se doublent de celles d’un enfant marchant dans ses traces !
Il y a quelques 3,5 millions d’années, tous deux se dirigeaient vers le Nord, traversant les cendres d’un volcan voisin. Leurs traces se perdent ensuite, recouvertes par les scories d’autres éruptions.
Elles sont attribuées à Autralopithecus afarensis.
Mars 2003- Les traces de pas trouvées à Roccamonfina (Italie) ne datent que de – 350 000 ans (Paléolithique)… Si elles sont les premiers témoignages de bipédie en Europe, elles ne sont pas (et de loin !) les plus anciennes. Elles sont attribuées, selon le Muséum de Science Naturelle de Trente, à nos ancêtres européens Homo erectus ou heidelbergensis.
Mais les origines de la bipédie sont plus anciennes…
La bipédie ce n’est pas que chez les primates !
Au début du siècle dernier, la chose était entendue… ce qui différencie l’homme de l’animal… c’est qu’il marche sur ses deux jambes… Cela permettait une différenciation simple et rapide, voire rassurante pour certains : je marche donc je suis un homme et par conséquence je ne suis pas un animal !
Le premier bipède connu est un reptile ! Eudibamus cursoris vivait il y a 290 millions d’années Découvert en 1993 à Gotha en Allemagne, cet herbivore de la fin du Permien devait mesurer 26,1 cm et pouvait atteindre une vitesse de 24 km/h (selon David Berman du Carnegie Museum of Natural History). On suppose qu’il utilisait cette faculté pour échapper à ses prédateurs. Eudibamus cursoris prouve que la bipédie est apparue au moins plusieurs fois au cours de l’évolution dans des classes différentes… A droite : Whole-body restoration of Eudibamus cursoris running bipedally based on the holotype (MNG 8852). Illustration by Sandra Budd.
On peut également citer les oiseaux qui pratiquent tous une « sorte de bipédie » lorsqu’ils sont au sol, comme le faisait certains de leurs ancêtres dinosaures… Vous vous rappelez du Tyrannosaure avançant sur ses 2 pattes arrières dans Jurassic Park ?
Chez les primates actuels ont retrouve 5 principaux modes de locomotion selon les espèces : le suspenseur-agrippeur, le brachiateur-suspenseur, la quadrupédie, le knuckle-walking, la bipédie… et selon les moments. En effet selon les circonstance un chimpanzé peut par exemple, pratiquer une sorte de bipédie pour une action particulière. Cette bipédie sur deux jambe n’est toutefois pas la même que la bipédie humaine.
Une première hypothèse abandonnée… l’environnement aurait provoqué la bipédie.
Les premiers scientifiques étudiant la bipédie humaine ont tout d’abord pensé que la nécessité fait force de loi. Le changement de milieu serait à l’origine de cette évolution, les australopithèques seraient passés de la forêt à la savane… Ils se seraient redressés afin d’avoir un angle de vision supérieur et d’anticiper d’éventuelles agressions, ou pour trouver plus facilement des proies. En se redressant ils pouvaient également impressionner leurs éventuels adversaires.
La bipédie libérant les mains, nos ancêtres pouvaient plus facilement transporter des outils ou des armes.
Cette hypothèse, où l’individu évolue (et devient bipède) sous la pression de l’environnement, n’est plus développée. De plus, les exemples d’animaux qui ne se sont pas redressés alors qu’ils vivaient dans la savane sont majoritaires !
Une deuxième hypothèse : la bipédie originelle
A contre courant de la pensée générale (et du politiquement correct !), plusieurs scientifiques ne voient plus la bipédie comme une acquisition récente des hominidés. Ils avancent la théorie que nous avons, au contraire, un ancêtre dont la bipédie était le principal mode de locomotion. Deux idées en découlent naturellement :
– les grands singes actuels utilisent moins la bipédie que leur (notre) ancêtre commun, et sont devenus arboricoles .
– la lignée humaine n’a pas adopté ce mode de locomotion puisque nos ancêtres le maîtrisaient déjà…
Yvette Deloison, chercheur au CNRS, s’est spécialisée dans l’analyse de la mécanique des membres inférieurs des hominidés. S’appuyant sur les études de l’anatomie de nos ancêtres mais aussi des grands singes, elle tire les conclusions suivantes : – la main humaine n’a jamais pu être une patte (elle est beaucoup plus primitive que celle des grands singes) – le pied humain est lui, au contraire, très spécialisé pour une marche bipède. Ces éléments, en tenant compte de la loi de Bollo (irréversibilité de l’évolution) amènent Yvette Deloison à proposer un ancêtre doté d’une attitude bipède redressée : le protohominoïde. De petite taille et vivant dans un milieu semi-aquatique, il aurait vécu il y a 15 millions d’années (sans que nous ayons encore trouvé de restes fossiles) . Yvette Deloison a pour la première fois publié cette hypothèse en 1999 dans la revue Biométrie humaine et anthropologie« , 1999, 17, p. 147 – 150. Lire la communication : L’homme ne descend pas d’un primate arboricole, Yvette Deloison
L’hypothèse la plus consensuelle : la bipédie… c’est pas nouveau !
Une simple observation de la faune actuelle nous montre que l’homme n’est pas le seul à utiliser la bipédie comme moyen de locomotion. Les grands singes comme les chimpanzés, les bonobos ou les gorilles utilisent la bipédie quand cela les arrangent. Il faut comprendre que la bipédie est l’un des moyen de locomotion des grands singes parmi le knuckle walking, l’arboricolisme, la quadrupédie…
La bipédie n’est donc pas une évolution mais fait partie du registre locomoteur commun à tous les hominidés. Cette faculté n’est pas utilisée par tous à la même fréquence, mais elle est commune.
La paléoanthropologue Brigitte Senut, citant le travail du primatologue John Napier indique « … pour lui l’évolution des primates est largement liée a aux adaptations locomotrices elles-mêmes liées à des changements écologiques ; et l’homme ne faisait pas exception. C’est ainsi que les premiers hominidés d’Afrique du Sud étaient bipèdes, mais qu’il existait des différences entre les espèces liées aux environnements distincts« ..
En 2019 un ancien primate est découvert, il s’appelle Danuvius guggenmosi… il évoluait en Allemagne il y a 11,6 millions d’années (avant la séparation des lignées vers l’homme d’une part et des grands singes d’autre part) ! Grosse particularité les restes de son squelette montrent qu’il se déplaçait dans les arbres mais en pratiquant une forme de bipédie.
En 2022 une nouvelle étude des restes fossiles de Sahelanthropus tchadensis (y compris son fameux fémur polémique !) montre que cet hominidé pratiquait déjà la bipédie il y a 7 millions d’années parmi d’autres moyens de locomotion.
On peut faire remonter les premières traces de bipédie terrestre à Orrorin Tugenensis (6 millions d’années) qui nous a laissé un squelette explicite sur ses aptitudes à la marche : un fémur très long, couronné d’ une tête épaisse. Avec les Australopithecus anamensis c’est la première lignée de vrais bipèdes annonçant l’arrivée de l‘Homo ergaster et enfin de l’homme moderne.
Une autre lignée regroupe les australopithèques (afarensis et africanus). Si elle conserve fortement des aptitudes au grimper et à la suspension, elle possède également les traits morphologiques pour la bipédie. Cela nous indique un mode de locomotion mixte et varié… suivant la situation !
La bipédie existe depuis plus de 7 millions d’années, elle est utilisée aussi bien par nos ancêtres que par de grands singes actuels… Chez les hominidés, cette aptitude s’est amplifiée au fur et à mesure du temps pour devenir chez les hommes modernes l’unique moyen de locomotion, ce n’est donc pas un trait de différenciation.
Les paléoanthropologues Gilles Berillon et François Marchal soulignent en 2005 (Pour la Science – Les multiples bipédies) que « Les grands singes se distinguent de l’homme par une moindre spécialisation de leur anatomie. En particulier, rien dans leur anatomie ne semble vraiment caractériser la bipédie. Inversement, rien non plus ne l’empêche fonctionnellement et de fait, elle est pratiquée. Pour reprendre une image , rien n’indique dans le squelette de l’homme que nous soyons adaptés à la nage. Pourtant rien chez les primates n’empêche ce mode de locomotion, et l’homme est un excellent nageur…«
Pascal Picq (paléoanthropologue au Collège de France) remet lui aussi en cause le principe d’acquisition de la bipédie chez les grands singes. Il a déclaré, le 10 août 2003, lors d’une émission consacrée aux bonobos (sur France Inter) : « … la bipédie, les bipédies sont certainement plus anciennes qu’on ne le pense… j’avais fait l’hypothèse… la bipédie est ancestrale » .