Bâton percé ou bâton de commandement
Le baton percé ou « baton de commandement »
Un outil aux utilisations supposées aussi nombreuses qu’indéterminées…
Du bâton de commandement au bâton percé
Dès les prémisses de la science préhistorique les chercheurs se sont trouvés face à des objets, ou des morceaux d’objets, dont la finalité ne saute pas aux yeux. Le bâton de commandement fait partie de ces trouvailles qui laissent encore aujourd’hui libre cours aux interprétations multiples, et parfois fantaisistes.
L’histoire raconte que ce sont les préhistoriens Edouard Lartet et Henry Christy qui auraient découvert les premiers, en 1863, ce genre de bois sculptés. Ne connaissant pas son usage ils ont d’abord tenus l’objet par son manche et trouvé qu’il aurait pu servir de « bâton de commandement ». Cette dénomination est restée, faute de mieux, pendant des dizaines d’années.
Pour éviter que le nom donne également un usage présumé on lui préfère aujourd’hui le nom de bâton percé, plus descriptif et moins sujet à interprétations.
Le bâton percé… et cassé !
Le bâton percé est un fragment de perche ou d’andoullier prélévé dans les bois de renne (et très rarement de cerf). Il est majoritairement percé d’un seul orifice à la jonction des branches de la ramure. Quelques exceptions de bâtons percés de 2 trous ont été retrouvées, comme ceux de La Madeleine ou Laugerie-basse.
Plus de 75% des bâtons percés ont été retrouvés cassés. Cela est dû, d’une part, au fait que la création d’un trou fragilise l’objet, et d’autre part, que l’ornementation (gravure) entame également la structure du bois de renne et l’affaiblit.
Si l’on retrouve des bâtons percés durant tout le Paléolithique supérieur, l’objet devient plus rare au Solutréen pour devenir fréquent au Magdalénien.
Les bâtons percés sont souvent ornés de représentations figuratives ou non. Les chercheurs n’ont pas réussi à établir de rapport entre les figures représentées et l’utilisation de l’objet.
Utilisation du bâton percé, les hypothèses
Un objet préhistorique travaillé, troué, mais dont la forme et les ornements ne laissent pas entrevoir clairement son/ses utilisations possible, tout est réuni pour entretenir un feu nourri d’hypothèses. Et il vrai que depuis près de 100 ans les préhistoriens, mais aussi les néophytes ou les chercheurs d’un jour, se sont tous laissés aller à donner leur propre théorie.
Les scientifiques les plus pragmatiques ont cherché sur l’objet des traces d’usure qui pourraient indiquer comment (et pourquoi) on s’en servait. Pour l’instant ces études montrent surtout qu’il y avait souvent un lien, une « corde » qui passait à l’intérieur du trou… mais ce n’est pas non plus une règle ! Nous présenterons les hypothèses les plus fréquemment citées, tout en sachant qu’aucune n’est majoritairement approuvée par l’ensemble de la communauté scientifique.
Le redresseur de sagaies
Pour rendre les sagaies plus droites, et donc plus pratiques pour viser, l’homme préhistorique aurait pu chauffer la sagaie (ou la baguette) et la redresser en la manipulant dans l’orifice du bâton percé. Cette hypothèse, proposée par André Leroy-Gourhan en 1965, est, de nos jours, de moins en moins admise. Elle est remise en cause par d’autres préhistoriens qui pensent (après expérimentation) que le redressage d’une sagaie peut être réalisé sans outillage spécifique (André Rigaud 2011).
La production de feu par friction
Le bâton percé sert, pour cette hypothèse, de poignée pour entraîner la rotation d’un forêt sur un morceau de bois. Assez rapidement le bois s’échauffe, rougit et permet de disposer d’un début de feu qu’il faut alimenter.
Cette hypothèse, proposée en 1996 par Ionnis Manos et Paul Boutié, s’appuie sur les travaux de J. Collina-Girard.
Le bâton de commandement
Edouard Lartet voyait le bâton percé comme un insigne du pouvoir, une sorte de septre tenu par le « chef de tribu » comme un drapeau, un signe de ralliement. Rien ne permet d’étayer cette hypothèse car les honneurs ne laissent pas de traces !
Le bloqueur de câbles
Le bâton percé aurait pu également être utilisé pour suspendre une charge en hauteur (carcasse animale par exemple) et bloquer la corde. Cette théorie a été développée par André Rigaud (2001) notamment en s’appuyant sur les types de cassures observés sur les bâtons percés. Elle expliquerait de manière rationnelle pourquoi 75% des bâtons percés sont cassés.
On peut citer également comme possibles utilisations du bâton percé : le manche de fronde pour l’abbé Glory (1964), le torteiraes pour la fabrication des cordes (abbé Breuil), le propulseur de sagaie (Underwood 1965 et Comstock 1992), le trophée de chasse (Salomon Reinach), les piquets de tente, sceptre à usage cérémoniel, l’agrafe pour tenir des vêtements, la « massue » casse-tête…
En tout il existe plus de 35 utilisations hypothétiques que A. Peltier a essayer de regrouper en 3 catégories :
– les objets à caractère non utilitaire,
– les objets à caractère utilitaire : outil, ustensile,
– les objets à caractère guerrier : arme.
La bâton percé peut-être également un objet d’art
Un grand nombre de bâtons percés présentent des ornements gravés ou incisés. Motifs géométriques et animaux sont les plus fréquents. Très rarement, comme à La Vache, ont peut distinguer des personnages.
Sources principales de l’article :
Bâtons percés, une interprétation différente – Ioannis Manos et Paul Boutié.
Les bâtons percés, une interprétation supplémentaire.
Les bâtons percés : décors énigmatiques et fonction possible – André Rigaud.
Outils préhistoriques – Jean-Luc Piel-Desruisseaux.
Une nouvelle approche techno-fonctionnelle – Appliquée à un ensemble magdalénien de bâtons percés – Aliette Lompre.