Ötzi, témoin et messager de notre passé
Ötzi, témoin et messager de notre passé)
Cet article a été publié en juillet 2005.
par Michèle Aquaron
De nombreuses et nouvelles études ont été réalisées depuis.
Michèle Aquaron vous propose de découvrir en janvier 2008
le nouvel article
« Dernières nouvelles d’Ötzi, la momie des glaces »
La découverte d’Ötzi
Sur le glacier de Similaun, situé dans un territoire italien de la province du Sud Tyrol, les Ötztal, un corps humain surgit de la glace à plus de 3200 m, le 19 septembre 1991. Dès sa découverte fortuite par deux randonneurs, les articles polémiques fleurissent à propos de ce corps momifié, baptisé Ötzi.
L’idée que cette découverte anthropologique est un coup monté de toute pièce (Rey, F. 1994. Glénat ) perdurera jusqu’aux premiers résultats scientifiques, trois ans après sa découverte.
Entre temps toutes sortes de fantasmes courent dans les dépêches, de la plupart des agences et des rédactions.
Le corps, complètement dégagé le 23 septembre 1991, est transporté à l’Institut Médico-légal d’Innsbruck pour expertise. Puis, il sera transférée au musée d’archéologie inauguré à Bolzano en mars 1998. Parallèlement, des recherches sont entreprises dans la zone de la découverte, avant l’arrivée de l’hiver. Trouver des objets porteurs de sens dans ce contexte archéologique permettrait de reconstituer un environnement culturel caractéristique.
La découverte est officialisée sous forme de dossier référence ST 13UT 6407/91.
Si les raisons de sa présence à cette altitude tiennent encore de l’hypothèse, l’étude de ses organes internes, heureusement conservés, et l’équipement trouvé sur lui, autour de lui permettent, dans un premier temps, de répondre à plusieurs questions.
Qui est-il ?
Un individu de sexe masculin, porteur d’une barbe, de tatouages, d’une amulette au cou et de poux ..
Genre : Homo
Espèce : sapiens sapiens
D’abord considéré comme un cadavre relativement récent, lors de sa découverte, le Pr Konrad Spindler (Préhistorien et professeur d’archéologie à l’université d’Innsbruck), à partir de la hache en cuivre, estime l’âge de cet individu, momifié, à environ 4000 ans.
Les autres objets trouvés autour de lui sont caractéristiques du Néolithique, et spécialement cette hache, rarissime, du Chalcolithique.
La datation au Carbone 14 permet de préciser la période à laquelle vivait Ötzi, soit entre 3350 et 3100 av.J.-C. Un homme de 46 ans à la morphologie athlétique, aux yeux bleus, aux cheveux bruns, mesurait 1,60 m, pesait environ 50 kg, 38 de pointure. Après la momification (naturelle, par congélation ), le poids est réduit à 13 kg et la stature à 1, 54 m.
Son état général, au moment de son décès, était mauvais. Les articulations montrent des signes d’usure, des vaisseaux sanguins sont calcifiés, les intestins sont infestés de parasites, du côté gauche des côtes fracturées sont en voie de consolidation, les fractures sur le côté droit, causées par le glacier , sont donc postérieures à la mort, les poumons sont très encrassés, les articulations montrent des signes d’arthrose et d’exposition à un état de stress important (fragilisation locale d’un élément squelettique) quelques semaines avant son décès.
On ne constate aucune carie dentaire, mais, signe indicatif : les incisives supérieures, très usées, montrent qu’il a du les utiliser pour travailler les peaux. Signe particulier : il est porteur de plusieurs séries de tatouages , correspondant aux zones pathologiques découvertes lors de l’expertise médico légale.
Une fracture nasale, des blessures à la main droite, une fracture du poignet droit, des blessures perforantes au niveau du thorax et surtout, la présence d’une pointe de flèche en silex ayant traversé l’omoplate gauche (visible à la radiographie). Cette dernière aurait provoqué un paralysie du bras et une forte hémorragie ayant sans doute entraîné la mort d’Ötzi.
Tous ces éléments indiquent une agression humaine.
Divers scenarii sont envisageables pour expliquer les causes de ses blessures létales (trop vieux ? fardeau pour le groupe ? jalousie ? acte sacrificiel ?.). Etait-il berger ? chef de tribu ? guerrier ? chaman ? peut-être un aventurier.
Son équipement
Il possédait un équipement adapté à la vie en montagne, mais cependant incomplet. Fuite précipitée de son village ? La haute montagne était-elle son milieu habituel ou était-il là exceptionnellement ?
Ses vêtements
Sa tête est protégée par un bonnet (calot) confectionné en peau d’ours brun, lui-même maintenu par deux lanières nouées sous le menton.
Il portait une cape faite d’herbes des marais des Alpes (1 m de hauteur), qui lui servait certainement de protection contre la pluie et de la neige.
Sous la cape, il était revêtu d’un manteau de fourrure en peau de chèvre, constitué de morceaux assemblés.
Un pantalon en peau de chèvre (comme les braies étroits et collants des Gaulois), est constitué de deux jambières attachées à une ceinture par une sorte de »porte-jarretelles» vers le haut, vers le bas, se trouvent des languettes de peau, destinées à être introduites dans les chaussures afin de fixer l’ensemble.
La ceinture en peau de veau, sert à maintenir un pagne (avec une poche), fait de peau de chèvre, en même temps que les jambières.
Les chaussures, en peau de cerf, ont des semelles en cuir d’ours et une empeigne en cuir. à l’intérieur, un «filet» d’herbes tressées, maintient une couche de foin servant de doublure et d’isolant thermique. Cet assemblage complète l’équipement vestimentaire élaboré pour se protéger du froid et parcourir un long chemin en montagne.
Ainsi reconstituées, les étapes vestimentaires sont illustrées sur un panneau au musée de Bolzano
Ses armes
Son armement comprend : un couteau de silex, deux arcs (dont un détérioré, un autre en cours de confection), 14 flèches (dont deux seulement sont utilisables) dans un carquois, une hache de cuivre.
Dans le carquois se trouvait une » corde » longue de 2 m, confectionnée avec des fibres végétales. Deux tendons provenant d’un grand animal, équivalent à un filin de « nylon ».
Ses autres objets
Deux petits « conteneurs » cylindriques, en écorce de bouleau. La présence de charbons, de cristaux de pyrite et d’un silex » à briquet » indique qu’il devait servir à transporter des braises.
Un sac en peau de veau contenant trois outils en silex.
• un grattoir
• un perçoir
• une petite lame très pointue
Un « sac à dos » composé de morceaux de bois ronds et plats.
Un filet en fibres végétales, dont on ignore l’usage.
Une bourse en cuir contenant des Piptoporus betulinus, champignons ( le polypore du bouleau est un champignon parasite typiquement et exclusivement lié aux bouleaux ) aux propriétés antibiotiques et contenant des huiles toxiques pour les vers intestinaux.
Son alimentation
Si les pratiques alimentaires se diversifient considérablement en fonction de la géographie ou des cultures, elles peuvent contribuer à forger, pour une population donnée, un sentiment d’appartenance commune. L’alimentation de base, à cette époque, est composée de céréales complétée par des fruits comme les pommes sauvages, des baies, des champignons et des prunes (une prune rose a été trouvée près du corps).
Les prélèvements effectués par endoscopie, sur ses viscères, révèlent qu’il a ingéré des céréales et du bouquetin lors de son avant-dernier repas, et du cerf lors du dernier. Voilà qui prouve, contrairement à certaines affirmations, qu’il n’était pas végétarien et qu’il n’est pas mort de faim. à sa mort, son estomac était vide, donc la digestion était bien avancée. Les restes de végétaux trouvés dans ses intestins présentent 75 % de céréales. Des fragments de petite taille dominent, ce qui indique clairement que les graines on été moulues et des morceaux de carbone révèlent une cuisson directe sur un feu.
Son parcours
Les datations directes (acides aminés, carbone 14, dendrochronologie, isotopes radioactifs, thermoluminescence) et les datations indirectes, telle que la palynologie (science qui étudie les pollens), permettent la reconstitution du paléoenvironnement, du paysage végétal et aussi d’individualiser certaines périodes. Celle de Ötzi, dans ce cas précis.
L’analyse des isotopes révèlent qu’il a passé son enfance à l’étage subalpin du Tyrol du Sud (qui a déjà livré aux archéologues des vestiges remontant à l’âge du cuivre), très probablement situé au Val Pusteria (Trentin-Haut-Adige). à l’âge adulte, il aurait séjourné dans différentes zones.
La grande quantité de pollen de hêtre (d’une espèce exclusive du sud des Alpes) retrouvée dans ses intestins confirme que Ötzi vivait sur la versant méridional des Alpes. Avant le décès, il serait parti d’un village quelque part dans une vallée du sud pour se diriger vers le Col de Tiesen, à 3200 m d’altitude… pour fuir des poursuivants auxquels il aurait dérobé la hache Chacolithique ?… vol commis pour connaître un autre secret de fabrication métallurgique ?
Certaines questions sont encore sans réponse.
Conclusion
Dans l’état actuel de nos connaissances scientifiques, nous savons que Ötzi a vécu avant l’érection des mégalithes de Stonehenge (3100 et 1600 av. J-C), avant la construction de la pyramide de Khéops (vers 2650 av. J-C – IVe dynastie, en Egypte), presque contemporain du système alphabétique des Phéniciens.
De cet homme surgi du passé nous ne connaissons ni l’histoire locale, ni la vie et la culture alpine traditionnelle des premières traces néolithiques. Cependant, tous les indices matériels que nous livre Ötzi, bien involontairement, ses vêtements, ses objets et ses armes montrent que le Néolithique n’est pas si « primitif » qu’on pourrait le penser.
Des artisans habiles travaillaient le cuir et de nouvelles matières, dont le cuivre des Alpes. Aux outils de pierre vont se substituer les premiers produits de la métallurgie: il faut innover dans chaque domaine. L’intelligence pratique est surtout indiquée par le niveau de connaissance et de rigueur exigé par l’usage des outils et des armes. L’objet fabriqué est d’abord un objet de pensée. L’outil serait donc bien un objet inventé, essentiellement une fabrication conceptuelle suivie d’une exécution technique.
Auteur : Michèle Aquaron, DEA d’anthropologie biologique
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