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Une ancienne sépulture volontaire d’enfant en Afrique de l’Est
Une ancienne sépulture volontaire d’enfant Homo sapiens en Afrique de l’Est
Les restes d’un enfant de 3 ans ont été retrouvés au Kénya dans la grotte de Panga ya Saidi. Cette ancienne sépulture d’un Homo sapiens en Afrique est datée de 78000 ans.
Les sépultures volontaires du Paléolithique moyen sont rares et l’on cite rapidement les gisements de Qafzeh et Skhül en Israêl, où les fossiles d’Homo sapiens sont respectivement datées de – 100 000 et – 92 000 ans. Pour Néandertal, les sépultures volontaires sont plus récentes avec Shanidar (-50000 ans, Kuristan) et La Ferrassie ( -41 000 ans, France).
Il n’est pas aisé de prouver une inhumation volontaire et les scientifiques recherchent tous les éléments démontrant cette pratique funéraire.
En 2017, des archéologues ont retrouvé dans une grotte du Kénya appelée Panga ya Saidi un amoncellement d’ossements extrêmement fragiles : le moindre choc pouvait réduire le fossile en poudre ! Les fouilles ont alors été stoppées afin de protéger les ossements. Les chercheurs ont ensuite plâtré le bloc de sédiments contenant l’ensemble afin de protéger le matériel. Le tout a été envoyé pour étude dans un laboratoire spécialisé de Burgos, en Espagne.
Les fouilles sur le site ont débuté en 2010, issues d’une collaboration entre le Max Planck Institute for the Science of Human History (Jena, Germany) et le National Museum of Kenya (Nairobi). L’étude a été publiée dans la revue Nature.
Datation cohérente à – 78 000 ans
Les chercheurs ont pu dater une grande partie de la stratigraphie : la couche qui contenait le fossile, celle immédiatement en-dessous et celle au-dessus.
La couche supérieure datée au Carbone 14 indique un âge compris entre 40 000 ans et le présent, la couche de sédiments remaniés dont ont été extraits les ossements et le crâne établie à 78 000 ans, et pour finir la couche inférieure estimée entre 40 000 et 80 000 ans (méthode OSL).
Une sépulture volontaire
Les différences de sédiments et de terre ont permis de démontrer que la fosse a été creusée pour recueillir le corps. Dans un premier temps les archéologues ne pouvaient pas véritablement définir l’espèce à laquelle appartenait les ossements.
Le bloc de sédiments a été scanné afin d’étudier son contenu. Le corps avait été placé sur le côté, les jambes relevées contre le torse. Au fur et à mesure que le corps se décomposait, la plupart des os sont restés en position démontrant ainsi une inhumation volontaire.
La position du crâne était inclinée comme si la tête avait été placée sur un coussin qui, en se dégradant, avait fait tombé la tête.
« Progressivement, nous avons découvert une partie d’un petit squelette de notre espèce« , se rappelle Maria Martinon-Torres, auteure principale de l’étude. Le reste du corps, et en particulier la position d’une clavicule et de deux côtes, montre que le corps était protégé par une « couverture » probablement végétale qui n’a laissé aucune trace.
Cette protection à permis au corps d’être progressivement enseveli dans les sédiments.
L’ensemble de ces traitements montre que cet enfant a bénéficié d’une pratique post mortem et probablement d’un rituel funéraire.
Mtoto, un enfant Homo sapiens
Malgré des ossements en mauvais état et grâce à ces dents mieux conservées, les chercheurs ont pu déterminer que c’était un représentant de l’espèce Homo sapiens et qu’il était âgé de 3 ans au maximum. Le petit fossile a été surnommé Mtoto, ce qui signifie « enfant » en swahili.
Le site de Panga ya Saïdi a déjà délivré des artefacts démontrant que les Homo sapiens de l’époque avaient déjà une culture et un savoir-faire abouti. Dans le même gisement, les chercheurs ont trouvé des outils lithiques, des crayons d’ocre, des parures en coquillage et des gravures abstraites… On découvre maintenant qu’ils s’occupaient des membres du clan même après la mort.
« Cet enfant a délibérément été placé là, et a fait l’objet d’une attention délicate de la part de sa communauté« , décrypte Maria Martinon-Torres (Centre national sur l’évolution humaine à Burgos), auteure principale de l’étude.
Paul Pettitt (Université de Durham, au Royaume-Uni) déclare . «L’enterrement de Mtoto est un exemple exceptionnellement précoce d’un traitement très rare des morts qui est banal aujourd’hui….»
Le paléoanthropologue Antoine Balzeau (Muséum national d’Histoire naturelle, Paris) commente la découverte : « Trouver un corps d’enfant aussi bien conservé est extrêmement rare en Afrique, où les fossiles humains anciens se comptent sur les doigts d’une main« .
L’anthropologue Agustín Fuentes, qui a participé aux recherches, déclare « L’enterrement, la création de sens et même l’art pourraient avoir une origine bien plus compliquée et non humaine que nous ne le pensions« .
C.R.
Sources :
Nature
https://www.nature.com/articles/s41586-021-03457-8
Maria Martinon-Torres, Francesco d’Errico, Michel D. Petraglia
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