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Un ancêtre commun avec les singes aurait vécu en Europe
Un ancêtre commun avec les singes aurait vécu en Europe
Une nouvelle étude développe l’hypothèse que les fossiles européens de Graecopithecus freybergi pourraient être ceux du premier homininé connu…
Pour les responsables de cette étude, les origines du dernier ancêtre commun entre notre espèce et les autres singes pourraient être européennes et non africaines. L’étude controversée a été publiée dans la revue Plos One.
Actuellement, les évolutions des primates et hominoïdes ne font pas polémique. Pour la communauté scientifique, les singes peuplaient l’Europe il y a 12-13 millions d’années. Les conditions étaient parfaites pour ces premiers primates. Malheureusement, il y a 10 millions d’années, les conditions climatiques et environnementales se sont modifiées. Les singes ont commencé à disparaître de l’Europe. Pendant ce temps, d’autres lignées de singes se développaient en Afrique comme les gorilles, les chimpanzés et bien sûr l’homme.
Une dent qui ne colle pas dans le temps…
En 2012, Nikolai Spassov (Musée national d’histoire naturelle à Sofia, Bulgarie) et ses collègues ont communiqué sur la découverte d’une dent de singe en Bulgarie. Le fossile, découvert en 2011 à Azmaka, près de Chirpan, était associé à un certain type de faune (ancêtres des chevaux, des éléphants…) qui ont permis de déterminer que le propriétaire de la dent avait 7 millions d’années. Par ailleurs, l’étude du fossile attribue cette dent à une espèce de singe connue en Grèce, Graecopithecus freybergi. Pour l’équipe de chercheurs de Nikolai Spassov, Madelaine Böhme (Université de Tübingen, Allemagne) et David Begun (Université de Toronto, Canada) il apparaît donc que ce singe a non seulement survécu à la vague d’extinction (pendant 3 millions d’années !), mais qu’il s’est maintenu en Europe…
Mais un manque d’informations certain
À l’exception de cette nouvelle dent bulgare, Graecopithecus est connu d’une seule mâchoire fossile trouvée près d’Athènes, en 1944. Les circonstances de sa découverte ne sont pas très documentées car il semble que le fossile aurait été découvert alors que les forces allemandes occupantes construisaient un bunker (sic). On se doute qu’en temps de guerre la découverte de fossile n’est pas une priorité.
Avec si peu de restes fossiles à disposition pour étudier, Graecopithecus est le plus mal connu de tous les singes européens. De plus, les recherches ne sont pas facilitées du fait que la mâchoire grecque (surnommée El Graeco) est très usée en surface.
Graecopithecus un homininé ?
Les anthropologues émettent l’hypothèse que Graecopithecus n’est pas un singe quelconque mais l’un des premiers homininés. Pour étayer cette proposition ils indiquent avoir plusieurs preuves.
– Ils ont réalisé un scanner micro-CT de la mâchoire et ont constaté que les racines de deux prémolaires étaient « fusionnées » d’une manière inhabituelle. « Cette fusion est jusqu’à présent seulement connue pour se produire régulièrement chez les homininés – pré-humains et humains », dit Spassov. « C’est extrêmement rare chez les chimpanzés récents« .
– Il y a également des indices montrant que la mâchoire « El Graeco » avait des canines relativement petites, une autre caractéristique des homininés. Ensemble, les deux traits suggèrent que « Graecopithecus pouvait être un homininé », disent les chercheurs.
Des résultats controversés
En positionnant dans le temps Graecopithecus entre 7,18 et 7,25 millions d’années, les chercheurs remettent en cause le titre de plus ancien hominidé actuellement détenu par Toumaï (Sahelanthropus tchadensis).
En réunissant les pièces du puzzle, l’équipe pense que les homninés pourraient s’être séparés de la lignée évolutive des chimpanzés en Méditerranée orientale un peu avant 7,25 millions d’années. En d’autres termes, ils suggèrent que notre dernier ancêtre commun avec les chimpanzés a peut-être été un Européen de l’Est…
David Alba (Institut Catalan de Paléontologie, Barcelone), affirme que cette nouvelle étude fournit des preuves anatomiques convaincantes qui indiquent que Graecopithecus est différent de tout autre singe ancien trouvé en Europe. Mais il dit être moins persuadé par l’idée que les racines dentaires peuvent confirmer que Graecopithecus est un homininé.
Tim White (Université de Californie) est encore plus tranché et il affirme que la nouvelle recherche « tente de ressusciter l’hypothèse déjà utilisée à plusieurs reprises par Begun d’une origine européenne des singes ancêtres de l’homme« .
John Hawks, encore plus précautionneux, préconise de tout remettre à plat en parlant de Toumaï, Ardipithecus et Graecopithecus: « Nous devons regarder de nouveau ces prétendus homininés précoces, qui partagent très peu de fonctionnalités avec nous« , explique-t-il. « Je pense que nous devrions considérer qu’ils pourraient plutôt faire partie d’une diversité de singes qui sont continus dans toutes les régions d’Afrique et d’Europe. Notre véritable ascendance est peut-être encore inconnue« .
C.R.
Sources :
Newscientist
ScienceNews
Seeker
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