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L’homme du Paléolithique avait-il trouvé le moyen conserver de la moelle ?
L’homme du Paléolithique avait-il trouvé le moyen conserver de la moelle ?
Il y a 200 000 ans, sur le site de Qesem (Israël), des hominidés ont ramené des pattes de daims pour en extraire la moelle le moment venu.
Le site de Qesem
La grotte de Qesem, en Israël, est un gisement paléolithique d’importance pour connaître le mode de vie des hominidés entre -200 000 et -400 000 ans. Les découvertes d’une riche industrie lithique (grattoirs, lames, percuteurs…), d’un foyer, d’ossements de faune, dont certains brûlés, démontrent que les lieux ont été souvent occupés. Les seuls restes humains sont des dents retrouvées dans plusieurs strates du site, mais il a été jusqu’à présent impossible des les attribuer à une espèce en particulier.
En terme de faune, il apparaît que les paléolithiques avaient un régime alimentaire diversifié puisque que les chercheurs ont mis à jour des restes de chevaux, de sangliers, d’aurochs, de chèvres et même de tortues terrestres. Mais le principal gibier chassé était le daim, puisqu’il représente plus de 70% des restes retrouvés. Ce sont en particulier les extrémités des pattes de daims qui font l’objet de cette étude publiée dans la revue Science Advances du 8 octobre 2019. L’étude a été dirigée par Mme Ruth Blasco du Centre national d’investigation sur l’évolution de la société humaine (CENIEH) de Burgos et ses collègues du TAU, le professeur Ran Barkai et le professeur Avi Gopher.
Un mode de conservation inattendu
L’équipe du Dr Barkai a étudié près de 82 000 fragments d’animaux provenant de la grotte de Qesem, la plupart appartenant à des daims. « Les Hommes préhistoriques n’ont amené dans la grotte que certaines parties sélectionnées du corps des daims chassées : des membres et des crânes« , explique le professeur Rosell. « Le reste des carcasses a été débarrassé de sa chair et de sa graisse sur le lieu de la chasse et y a été laissé. »
Les chercheurs se sont particulièrement intéressés à des marques de frappes et de coupes inhabituelles sur les extrémités de certains os de la jambe (en particulier les métapodes). Cette partie de la patte est très pauvre en viande et en graisse, c’est donc uniquement la moelle qui peut intéresser le chasseur.
Il faut noter que, si les marques paraissent étranges, le fait que les hommes préhistoriques consommaient de la moelle après avoir cassé les os n’est pas un fait nouveau.
« La moelle osseuse constitue une source importante de nutrition et l’on sait depuis longtemps qu’elle figure dans le régime alimentaire préhistorique« , explique le professeur Barkai. Ce qu’on pensait jusqu’à présent, c’est qu’une fois le gibier dépecé, les chasseurs et chasseuses consommaient presque immédiatement l’animal pour éviter que la viande ne deviennent impropre à la consommation. A part dans une région extrêmement froide, la viande à l’air libre peut pourrir en quelques jours.
Les traces sur les os des pattes montrent que les coups portés ne correspondent pas aux marques laissées sur un os frais pour en extraire la moelle.
Pour les chercheurs, cela veut dire que la moelle a été extraite plusieurs semaines après la mort du daim. Pour confirmer cette hypothèse les chercheurs ont évalué la conservation de la moelle quand elle reste à secher dans son étui osseux, protégé par la peau. Les expériences montrent que la moelle peut se conserver jusqu’à 9 semaines sans dégradation majeure, si l’os n’est pas brisé et reste à l’abri de l’air sous la fine couche de peau.
Un mode de vie moins aléatoire ?
« Nous avons découvert que la préservation de l’os avec la peau, pendant une période pouvant durer plusieurs semaines, permettait aux individus de ne casser l’os que quand cela était utile afin de consommer la moelle osseuse encore nutritive« , indique le Dr Blasco.
« Les os ont été utilisés comme des boîtes de conserve qui ont préservé la moelle osseuse pendant une longue période, jusqu’à ce qu’il soit temps d’enlever la peau sèche, de briser l’os et de manger la moelle osseuse« , rajoute le professeur Barkai.
Jusqu’à récemment, on pensait que les Paléolithiques étaient des chasseurs-cueilleurs qui vivaient au jour le jour, consommant tout ce qu’ils avaient collecté ce jour-là et restant parfois sans manger sur de longues période si la chasse ou la cueillette ne donnaient rien.
Le professeur Gopher explique « nous montrons, dans cette étude, pour la première fois qu’il y a 420 000 à 200 000 ans, les hommes préhistoriques de la grotte de Qesem étaient suffisamment sophistiqués, suffisamment intelligents et suffisamment talentueux pour savoir qu’il était possible de préserver des os particuliers d’animaux dans des conditions spécifiques ».
Cette prévoyance et cette projection dans les besoins futurs du clan montre une fois de plus que Homme préhistorique ne rime pas forcément avec intelligence basique !
C.R.
Sources :
ScienceDaily
ScienceAdvances
The New YorkTime
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