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Homo antecessor, une alimentation « coriace »
Homo antecessor, une alimentation « coriace »
Homo antecessor n’aimait-il que les aliments qui lui résistaient ?
Une nouvelle étude permet de déchiffrer un peu plus les habitudes alimentaires des Homo antecessor d’Atapuerca. L’étude, publiée dans la revue Scientific Reports, a été menée par les équipes de la Faculté de Biologie de l’Université de Barcelone, de l’Institut Catalan de la Faculté de Paléoécologie et d’évolution humaine (IPHES) et de l’Université d’Alicante.
Homo antecessor est une espèce d’hominidé répertoriée sur le site d’Atapuerca, à Burgos, en Espagne. Cette espèce, parfois qualifiée de pré-néandertalienne, a des caractéristiques physiques particulières : une capacité crânienne évaluée à 1100 cm3 (nettement inférieure à Homo sapiens) et un corps élancé, plutôt gracile, d’une stature équivalente à la nôtre. Homo antecessor est souvent désigné comme l’ancêtre d’Homo heidelbergensis.
Jusqu’à présent, l’analyse des ossements sur le site d’Atapuerca avait permis de reconstituer en partie son régime alimentaire, avec des restes de grands mammifères et de tortue. Les traces sur certains ossements humains montraient également qu’ils avaient été utilisés comme apport de protéine… Plus crûment dit, les hommes d’Atapuerca étaient probablement cannibales à l’occasion.
Une étude microscopique de l’email des Homo antecessor
Ce sont les fossiles de la Trinchera Elefante et de la Gran Dolina qui ont été étudiés au microscope. Sous le binoculaire, l’émail dentaire des hominidés a révélé des stries ou rayures qui peuvent nous indiquer le type d’aliment consommé. La densité, la profondeur et la longueur des rayures dans l’émail dépendent en effet directement du type d’aliments mâchés. « L’utilité de cette méthode a été validée par l’étude des modèles de micro-rayures sur l’email dentaire de populations actuelles (chasseur-cueilleur ou agriculteur). Il a été démontré que les différents modèles d’alimentation sont corrélés avec les types de rayure sur la surface vestibulaire de la couronne dentaire » explique le professeur Alejandro Pérez-Pérez (Université de Barcelone).
Plus de stries = plus d’aliments coriaces…
Pour cette nouvelle étude, les fossiles d’Atapuerca ont été comparés à des dents provenant d’autres populations fossiles du Pléistocène inférieur : Homo ergaster, Homo heidelbergensis et enfin Homo neanderthalensis.
Les résultats de l’étude montrent que les dents d’Homo antecessor présentent des densités de stries plus élevées que les autres espèces comparées. « Nos résultats ne nous permettent pas de dire exactement quels aliments ils ont consommé – car les matériaux abrasifs qui causent les marques sur les dents peuvent avoir des origines différentes – mais ils permettent de souligner que H. antecessor devait avoir un régime majoritairement basé sur des aliments durs et abrasifs. Cela pourrait être des plantes contenant des phytolithes (particules de silice produites par des plantes), des tubercules avec des restes de terre ou des petits cailloux, du tissu conjonctif, voire de l’os».
… ou une autre manière de les préparer !
C’est peut-être également la manière de préparer qui était différente : «Il paraît peu probable que la nourriture disponible dans la région d’Atapuerca était différente de celle disponible chez les autres populations de chasseurs-cueilleurs. C’est peut-être une manière différente de préparer les aliments qui a engendré des types de stries divergents. Pour Alejandro Pérez-Pérez : « Ce que cela montre, c’est une manière différente chez Homo antecessor de préparer et de traiter la nourriture avant de la consommer… ». Le professeur a également appliqué cette méthode de recherche dans l’étude des comportements alimentaires des homininés du Pléistocène d’Afrique de l’Est, y compris les espèces Paranthropus boisei et Homo habilis…
Un outillage plus rustique
Les grandes stries observées sur l’email des dents à Gran Dolina, contrastent avec ce qui a été observé chez les autres espèces d’hominidés dans l’étude. « Contrairement à Homo neanderthalensis, qui avait une industrie lithique assez avancée (Moustérien), les outils trouvés à Atapuerca (en liaison avec Homo antecessor) sont plus primitifs. Il apparaît que l’industrie lithique d’Homo antecessor ne facilitait pas la transformation des aliments, et qu’il était contraint d’utiliser ses dents pour rogner les os. En outre, le manque de preuves sur l’utilisation du feu sur le site d’Atapuerca suggère que les Homo antecessor devaient très probablement manger tout cru, provoquant ainsi une plus grande usure dentaire…
C.R.
Sources :
The diet of the first Europeans from Atapuerca
Alejandro Pérez-Pérez, Marina Lozano, Alejandro Romero, Laura M. Martínez, Jordi Galbany, Beatriz Pinilla, Ferran Estebaranz-Sánchez, José María Bermúdez de Castro, Eudald Carbonell & Juan Luís Arsuaga
Nature
ScienceDaily
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