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Depuis 2 millions d’années, des homininés superprédateurs et carnivores
Carnivores avant de devenir omnivores les premiers hommes portent les traces de leurs alimentation, selon une étude regroupant 400 articles scientifiques
Un superprédateur est un animal qui, une fois adulte, est au sommet de la chaîne alimentaire et n’a plus à craindre un autre prédateur. Aujourd’hui, les superprédateurs ne sont pas très nombreux (c’est le principe), on peut citer le lion, l’orque, le Dragon de Comodo, le grand requin blanc, le hibou et… l’homme. Au Paléolithique, d’autres animaux pouvaient prétendre au titre d’Apex predator, l’ours des cavernes, le Tyrannosaurus, le smilodon…
Si un super prédateur consomme principalement de la viande ou du poisson, il peut également consommer d’autres types d’aliments, il reste un chasseur-cueilleur… Depuis 2 millions d’années, les premiers représentants du genre Homo sont des superprédateurs qui ont peu à peu mis du végétal dans leur alimentation du fait de la disparition de la mégafaune… C’est en tout cas la conclusion des chercheurs de l’Université de Tel Aviv qui essayent de reconstituer le régime alimentaire des homininés du Paléolithique. L’étude a été publiée dans American Journal of Physical Anthropology..
L’archéologue Miki Ben-Dor déclare « Jusqu’à présent, les tentatives pour savoir ce que mangeaient les humains de l’âge de pierre étaient principalement basées sur des comparaisons avec les sociétés de chasseurs-cueilleurs du XXe siècle». Pour le chercheur ces comparaisons ne sont pas suffisantes car il y a 2 millions d’années, l’environnement et la faune étaient totalement différents. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs pouvaient chasser et consommer des animaux de grande taille (comme les éléphants). Les chercheurs impliqués dans cette nouvelle étude ont employé d’autres méthodes pour déterminer les évolutions de notre alimentation : génétiques, biologiques, les traces laissées sur notre corps ou notre métabolisme. Pour être le plus exhaustif, les chercheurs ont compilé plus de 400 articles en provenance de 25 sources différentes. L’objectif était simple, les préhistoriques étaient-ils des carnivores exclusifs ou des omnivores généralistes ?
Notre corps, témoin vivant de notre évolution alimentaire
L’acidité de l’estomac humain est largement supérieure par rapport à celle des autres omnivores. L’acidité est un atout pour les carnivores car elle protège leurs corps des attaques bactériennes. Les bactéries peuvent être nocives, surtout si la viande est consommée crue, faisandée, plusieurs semaines après la chasse. Le maintien d’un fort taux d’acidité, très coûteux d’un point de vue énergétique, est la preuve d’une longue période de consommation de produits d’origine animale.
La structure des cellules graisseuses de l’homme est similaire à celle des prédateurs : beaucoup de petites cellules. Chez les omnivores c’est le contraire, des grosses cellules en nombre restreint. Notre passé de prédateur carnivore est encore présent dans nos cellules graisseuses.
Le génome est également un indicateur de notre pré(histoire) de prédateur ! Les généticiens ont conclu que «des zones du génome humain ont été fermées pour régime riche en graisse, tandis que chez les chimpanzés, des zones du génome ont été ouvertes pour permettre une alimentation riche en sucre.
L’archéologie preuve notre instinct de prédateur
Les preuves issues de la biologie humaine ont été enrichies par par les études archéologiques.
La recherche des isotopes stables dans les ossements humains préhistoriques montre qu’ils consommaient de préférence des animaux à haute teneur en matière grasse. Cet aspect est conforté par les pratiques de chasse spécifiques aux humains : ils préféraient chasser des animaux de grande et moyenne taille. Pour les chercheurs, cette spécialisation était une preuve supplémentaire qu’ils étaient des hyper carnivores : ils tiraient 70% de leur énergie de ressources animales. Le Dr Ben-Dor précise que «...la chasse aux animaux de grande taille n’est pas une activité de tout repos… ces pratiques nécessitent beaucoup de connaissances… selon toute évidence, les restes de grands animaux trouvés dans de nombreux gisements archéologiques sont les indices probants de la grande expertise des hominidés comme chasseurs de de grands animaux ».
Plusieurs études imputent l’extinction de la mégafaune et des grands animaux à la chasse sans faille par les représentants du genre Homo. Cela serait la meilleure preuve de la spécialisation des humains carnivores dans la chasse aux gros animaux.
L’évolution des outils est également à prendre en compte. Le Dr Ben-Dor indique que les outils spécialisés pour obtenir et traiter les aliments végétaux ne sont apparus que dans les derniers stades de l’évolution humaine, ce qui confirme le rôle central des grands animaux dans le régime alimentaire des premiers Homo sapiens, dans la plupart des pays.
Pour en savoir plus, lire le dossier sur l’alimentation à la préhistoire
Du superprédateur carnivore à l’omnivore
Le Dr Ben-Dor précise toutefois « que les preuves archéologiques montrent que les humains du Paléolithique consommaient également des plantes« , Il ajoute : « Mais selon les résultats de cette étude, les plantes ne sont devenues une composante majeure de l’alimentation humaine que depuis 85 000 ans. Ce qui relativement récent par rapport aux 2 millions d’années de présence du genre Homo« .
Les preuves de changements génétiques et l’apparition d’outils en pierre spécifique ont conduit les chercheurs à conclure que, commençant il y a environ 85 000 ans en Afrique et environ 40 000 ans en Europe et en Asie, une augmentation progressive de la consommation d’aliments végétaux s’est produite. De ce fait, les hominidés ont bénéficié d’une plus grande diversité alimentaire. Ces modifications sont à moduler en fonction des conditions écologiques variables.
Leur étude conclut, à l’inverse, que pendant près de 2 millions d’années, les êtres humains, superprédateurs, ont eu une alimentation presque exclusivement carnivore.
C.R.
Humans were apex predators for two million years
Eurekalert
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