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L’ADN d’un pré-Néandertalien de 300 000 ans séquencé
Les scientifiques sont parvenus à séquencer de l’ADN d’un Homo heidelbergensis trouvé à la Sima de los Huesos (Atapuerca, Espagne).
Le site et les recherches à la Sima de los Huesos
Le site de La Sima de los Huesos (Nord de l’Espagne) qui est un véritable gisement d’ossements pour les anthropologues, fait l’objet de fouilles permanentes depuis sa découverte en 1984. Après plus de trois décennies d’études, les scientifiques ont identifié plus de 7000 ossements humains fossilisés. Une fois assemblés, ces ossements ont pu être attribués à 28 individus de l’espèce Homo heidelbergensis.
En 2013, les équipes de chercheurs avaient pu extraire et étudier de l’ADN mitochondrial (ADNmt), transmis uniquement par la lignée maternelle. Ils avaient conclu que l’ADNmt de La Sima de los Huesos est plus étroitement lié à celui de l’homme de Denisova, que de celui des Néandertaliens. Cela était assez inattendu car, d’un point de vue morphologique, les fossiles étaient clairement apparentés à ceux de Néandertal.
« La Sima de los Huesos est actuellement le seul site non-permafrost qui nous permet d’étudier des séquences d’ADN humain du Pléistocène moyen, il y a plus de 125 000 ans», explique Matthias Meyer (Institut Max Planck d’Anthropologie Evolutionnaire, Leipzig, Allemagne).
Qui est Denisova ?
Les hommes de Denisova sont une population d’hominidés anciens localisée en Eurasie il y a plus de 50000 ans. Cette espèce a été identifiée par la découverte d’un unique ossement du doigt dont les généticiens ont pu extraire un nouvel ADN. C’est donc une espèce différente des autres hominidés, mais qui présente des similarités génétiques avec d’autres hominidés.
Une nouvelle étude paléogénétique
Les échantillons ont été prélevés sur une dent et dans un os de la cuisse trouvés dans la fosse de la Sima de los Huesos. L’analyse de l’ADN à partir d’échantillons anciens est très difficile car il est impératif d’éliminer toute pollution externe. Mais, grâce à la méthode sécurisée qui a permis d’exhumer les ossements d’un côté, et les progrès dans l’échantillonnage génétique et la technologie de séquençage de l’autre, l’équipe a été en mesure de reconstituer des parties du génome. L’étude a été publiée par Matthias Meyer dans la revue Nature.
«Nous avons éliminé certains des spécimens et gardé les autres, extraits avec des instruments contrôlés et laissés dans l’argile afin de minimiser les risques d’altération de la matière qui pourrait avoir lieu après les fouilles » déclare Juan-Luis Arsuaga (Université Complutense de Madrid).
Ces nouvelles études paléogénétiques, basées sur l’ADN nucléaire, ne confirment pas exactement la précédente étude génétique sur ADNmt. Si les hommes de la Sima de los Huesos sont également en relation avec les Denisoviens, ils sont beaucoup apparentés avec Homo neanderthalensis. Les hominidés de la Sima de los Huesos appartiennent à la lignée évolutive des Néandertaliens. Cette constatation indique que la divergence de la population entre les hominidés de Denisova et les Néandertaliens avait déjà eu lieu il y a 430 000 ans, quand les hominidés de la Sima de los Huesos vivaient. Pour les chercheurs du Max Planck Institut, cela peut également indiquer que les Néandertaliens ont acquis différents génomes mitochondriaux ultérieurement, peut-être le résultat de flux de gènes en provenance d’Afrique.
Pour Svante Pääbo (Institut Max Planck), « ces résultats fournissent des points d’ancrage importants dans la chronologie de l’évolution humaine. Ils sont compatibles avec une divergence plutôt précoce de 550 000 à 750 000 années de la lignée humaine moderne et de celle des humains archaïques ».
Une étude couteuse
Pour réaliser cette étude, Matthias Meyer a utilisé des techniques de séquençage high tech et des protocoles de récolte des échantillons pointilleux. Le décodage de 0,1% du plus ancien génome est également le plus cher, car il correspond au coût de la cartographie de plusieurs dizaines de génomes humains !
Mais l’excès était presque nécessaire car c’est la première fois qu’un ADN nucléaire aussi ancien est purifié et séquencé. Cela a permis de confirmer que la famille des hominidés est très complexe et que la séparation des Néandertaliens de la lignée humaine est certainement plus ancienne qu’on imaginait.
C.R.
Sources
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