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Décryptage de l’ADN d’un Homo sapiens vivant en Sibérie il y a 45 000 ans
C’est le plus ancien ADN de notre espèce décrypté à ce jour qui peut permettre de reconstituer plus précisément l’histoire de notre espèce et de ses migrations.
L’étude
Les scientifiques ont reconstitué le génome d’un homme qui a vécu il y a 45000 années. C’est de fait les plus anciennes données génétiques trouvées à ce jour chez un ancêtre direct de l’homme moderne. Les travaux, publiés dans la revue Nature, ont fourni de nouveaux indices sur l’expansion de l’homme moderne hors d’Afrique il y a environ 60.000 ans. L’équipe était dirigée par le généticien Svante Paabo, du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology à Leipzig en Allemagne.
Un fémur qui fait des histoires
Le génome a été extrait d’un fémur trouvé en 2008 en Sibérie par un collectionneur de fossiles qui cherchait des défenses de mammouth. Les restes humains étaient sur les rives boueuses de la rivière Irtych près de Ust’-Ichim. Le fémur a été expédié à l’Académie des Sciences de Russie pour être examiné.
Les chercheurs russes ont identifié l’os comme appartenant à un Homo sapiens et non un homme de Neandertal. Afin de déterminer son ancienneté, ils ont envoyé des échantillons à l’Université d’Oxford. La radiodatation au carbone 14 a permis d’estimer que son propriétaire était mort il y a 45 000 ans – ce qui en fait le plus ancien fossile d’Homo sapiens jamais retrouvé en dehors de l’Afrique et du Proche-Orient.
L’étude paléogénétique
Depuis une trentaine d’années le Dr Paabo et les équipe de Leipzig ont développés différents outils pour extraire des fragments d’ADN à partir de fossiles et ainsi de pouvoir lire leurs séquences. Le génome de Néandertal et de l’homme de Denisova sont ainsi passés par ce laboratoire de haute technologie. Des avancées importantes ont été possibles comme la découverte de la présence d’ADN commun entre Néandertal et Sapiens.
En 2012 l’équipe du Dr Paabo a donc prélevé des échantillons de l’os du fémur à la recherche d’ADN. A leur grande surprise, ils ont pu identifier un certain nombre de fragments génétiques. Ils ont pu créer une copie haute résolution du génome complet de l’homme de Ust-Ichim.
En comparant ce génome avec d’autres génomes connus l’équipe a pu déterminer sa place dans l’arbre généalogique de l’humanité. Le génome de l’homme de Ust-Ichim est ainsi
– plus proche des non-africains que des africains
– et plus lié aux européens anciens qu’aux asiatiques
Pour les scientifiques, il devait donc faire partie d’une ancienne lignée qui a donné naissance aux branches non-africaines de l’humanité.
Le génome de l’homme d’Ust’-Ichim suggère également qu’il appartenait à un groupe d’individus qui ont vécu après les sorties d’Afrique, mais avant la scission entre les branches européennes et asiatiques.
Pour David Reich, généticien ( Harvard Medical School) et co-auteur de cette nouvelle étude « Il s’agit d’un échantillon étonnant, choquant, et unique»…
Les origines d’Homo sapiens
Homo sapiens, notre propre espèce, est apparue en Afrique il y a environ 200.000 ans. Des études antérieures, à la fois sur les gènes et sur les fossiles, ont suggéré qu’elle s’est ensuite dispersée à travers le Proche-Orient vers l’Eurasie.
Le Dr Paabo et ses collègues ont également confirmé que l’homme d’Ust’-Ichim avait des parties communes de son ADN avec Neandertal, comme dans le génome des non-Africains actuels. Toutefois le génome commun présentait des différences notables.
Selon les scientifiques, ces différences permettent de mieux calibrer le taux de mutations génétiques survenant sur plusieurs générations. Les horloges biologiques construites par les généticiens peuvent ainsi gagner en précision.
Dans le cas présent l’horloge biologique (en prenant l’hypothèse qu’une génération = 29 ans) permet de calculer que notre sibérien d’Ust’-Ichim est issu d’une lignée d’Homo sapiens ayant eu des rapports avec Néandertal il y a 50 à 60 000 ans.
Christopher Stringer, paléontologue au Muséum d’Histoire Naturelle de Londres, a déclaré que « cette nouvelle étude offre des preuves irréfutables que la lignée des non-africains provient d’un groupe d’individus qui ont quitté l’Afrique il y a environ 60.000 ans ».
Il rajoute que « tous les êtres humains qui provenaient d’Afrique avant cette époque sont probablement morts ».
C.R.
Sources
Nature
NationalGeographic
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