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Le génome du gorille séquencé
Réalisé par une équipe internationale et publié dans Nature, le séquençage du génome du gorille vient enfin rejoindre celui des autres hominidés (Homme, chimpanzé, bonobo, orang-outan) dans la panoplie de connaissances des scientifiques, pour leur permettre de mieux retracer l’évolution de cette famille de primates.
L’étude
Ce sont au total environ 21 000 gènes que plusieurs chercheurs, utilisant différentes techniques de séquençage et réunis en une grande équipe internationale sous l’autorité de Richard Durbin, de l’Institut Sanger à Cambridge (Royaume-Uni), ont « mis bout à bout » pour reconstituer le génome du dernier grand singe qui manquait encore à l’appel en ce domaine : le gorille. Ceci grâce à l’ADN de Kamilah, une femelle de gorille de plaine occidental (Gorilla gorilla gorilla). Sur ce génome, des séquences (pour un total de plus de 11 000 gènes) ont été comparées avec celles d’autres espèces : le gorille de plaine oriental (Gorilla beringei graueri), dont une partie du génome a aussi été échantillonné pour la circonstance, le chimpanzé et bien sûr l’homme.
Une confirmation des phylogénies
Ces analyses indiquent, vers -10 millions d’années, une séparation de la lignée des gorilles d’avec celle menant à la fois au chimpanzé et à l’homme, dont les ancêtres, eux, ont divergé il y a 6 à 7 Ma. Les deux espèces de gorilles (gorille de l’Ouest et gorille de l’Est africain), quant à elles, ont évolué séparément à partit de 1,75 Ma environ (elles vivent actuellement à 1 000 km l’une de l’autre).
« Après des décennies de débats, nos interprétations génétiques sont maintenant cohérentes avec la documentation fossile, et fournissent aux paléontologues et aux généticiens un moyen de travailler sur les mêmes bases », dit le Dr Durbin.
… mais des résultats inattendus
Si 70 % des séquences d’ADN comparées montrent, bien logiquement, une plus grande proximité homme-chimpanzé (le gorille étant sensiblement différent), dans 15 % des cas, cependant, l’homme est plus proche du gorille que du chimpanzé, et dans les 15 % restants, ce sont les deux espèces de grands singes qui se ressemblent le plus, s’écartant de l’homme.
Selon Aylwyn Scally, également de l’Institut Sanger, l’explication la plus probable de ce ‘flux’ de gènes interspécifique est que les ancêtres des gorilles se sont croisés avec l’ancêtre commun à l’homme et au chimpanzé, un peu comme Homo sapiens et Néandertal. « Il y a quinze millions d’années, c’était la bonne époque pour être un singe », dit-il : climat et végétation favorables ont alors facilité leur propagation et leur diversification. Puis, face aux changements environnementaux, les populations se sont fragmentées, ont évolué séparément, adoptant diverses stratégies, dont la reproduction avec d’autres groupes zoologiques. L’étude suggère aussi des croisements entre les deux espèces de gorille.
Un système auditif qui bouscule des hypothèses
Une autre donnée intéressante : chez le gorille, après sa séparation d’avec la branche homme-chimpanzé, quelque 500 gènes se sont transformés plus rapidement que les autres : les mêmes qui, chez les ancêtres de l’homme, ont évolué rapidement après leur séparation des chimpanzés, et dont beaucoup sont impliqués dans l’audition et le développement du cerveau.
« Certains scientifiques ont suggéré que la rapide évolution des gènes lies à l’audition chez l’homme était liée au développement du langage. Nos résultats jettent un doute sur cela, puisque ces gènes ont évolué chez les gorilles au même rythme que chez les humains », conclut le Dr Chris Tyler-Smith, toujours de l’Institut Sanger.
C.R.
Sources
New Scientist
ScienceDaily
Voir également
Séquencage génome du gorille
Séquencage génome du chimpanzé
ADN Orang-Outang
Séquençage du génome du bonobo
Dossier Grands Singes
Origines et lignées des grands singes
Les grands singes dans le monde
Les cause de l’extinction des grands singes
La sauvegarde des grands singes
Entretien avec la primatologue Emmanuel Grundmann