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Homo bodoensis, un nouveau nom pour plusieurs hominidés ?
Un fossile retrouvé en 1976 pourrait servir d’holotype pour classifier et regrouper plusieurs fossiles…
Le Pléistocène moyen (maintenant renommé Chibanien et daté entre 774 000 et 129 000 ans) est important car il a vu à la fois l’essor de notre propre espèce (Homo sapiens) en Afrique mais également celle des plus proches hominidés comme les Néandertaliens (Homo neanderthalensis) en Europe.
Homo bodoensis… c’est un nouveau cadre de recherche, ni plus ni moins, qu’ont proposé quatre paléoanthropologues le 28 octobre dans la revue Evolutionary Anthropology.
Les espèces d’hominidés pas caractérisées
Cependant, l’évolution humaine pendant cette période est mal comprise, un problème que les paléoanthropologues appellent « the muddle in the middle » (la confusion au milieu). L’annonce d’Homo bodoensis espère simplifier et clarifier ce chapitre mal compris mais important de l’évolution humaine.
Le nouveau nom est basé sur une réévaluation des fossiles existants d’Afrique et d’Eurasie de cette période. Traditionnellement, ces fossiles ont été attribués de manière variable à Homo heidelbergensis (principalement en Europe) ou à Homo rhodesiensis (spécifiquement en Afrique), qui portaient tous deux des définitions multiples, souvent contradictoires.
Pour Predrag Radovic (Faculté de philosophie, Université de Belgrade, Serbie), « Parler de l’évolution humaine au cours de cette période est devenu impossible en raison du manque d’une terminologie commune et appropriée qui reconnaît les variations géographiques humaines ».
Comment « tailler proprement » et nettoyer l’arbre des Homo
Récemment, des preuves ADN ont montré que certains fossiles en Europe appelés H. heidelbergensis étaient en fait des pré-néandertaliens, ce qui rend l’espèce heidelbergensis redondante avec Neanderthalensis. Pour la même raison, le nom doit être abandonné lors de la description des humains fossiles d’Asie de l’Est selon le co-auteur, Xiu-Jie Wu (Institut de paléontologie et de paléoanthropologie des vertébrés, Pékin, Chine). Pour brouiller davantage le récit, les fossiles africains datés de cette période ont parfois été classifiés à la fois H. heidelbergensis et H. rhodesiensis ! Par ailleurs H. rhodesiensis est mal défini et cette dénomination n’a jamais été complétement acceptée. Cela est en partie dû à au fait que son origine vient de son association avec le britannique Cecil Rhodes et son passé colonialiste en Afrique du Sud. Utiliser son nom pour baptiser une espèce d’hominidé est un honneur inacceptable à la lumière du travail important en cours pour décoloniser la science.
Homo bodoensis ?
Le nom « bodoensis » fait référence d’un crâne trouvé à Bodo D’ar (Éthiopie) en 1976, et la nouvelle espèce est maintenant considérée comme un ancêtre humain direct. Le fossile de Bodo présente un curieux mixage de caractéristiques modernes et archaïques.
– sa capacité crânienne est plutôt moderne. Elle est comprise entre 1200 et 1325 cm3 pour un mâle adulte soit largement au-dessus d’Homo erectus (600-1250 cm3) mais assez similaire à celle d’Homo sapiens (1200-1500 cm3),
– son crâne est globalement plus archaïque avec une voute crânienne épaisse et une face prognathe, en projection vers l’avant, un nez très large,
– des arcades sourcilières massives et segmentées.
Une modification vers plus de simplicité de notre arbre généalogique !
Avec cette la nouvelle classification, H. bodoensis décrira la plupart des humains du Pléistocène moyen d’Afrique et certains d’Europe du Sud-Est, tandis que beaucoup de ce dernier continent seront reclassés comme Néandertaliens. L’avantage avec cette nouvelle classification adoptée, c’est que toutes les caractéristiques morphologiques spécifiques à Homo sapiens peuvent être dérivées de celles d’Homo bodoensis.
Le co-premier auteur Predrag Radovic propose : « Les termes doivent être clairs en science, pour faciliter la communication. Ils ne doivent pas être traités comme absolus lorsqu’ils contredisent les archives fossiles. »
Pour le co-auteur Christopher Bae (Department of Anthropology, University of Hawai’i at Manoa), l’introduction de H. bodoensis vise à « couper le nœud gordien et à nous permettre de communiquer clairement sur cette période importante de l’évolution humaine ».
Roksandic conclue : » Nommer une nouvelle espèce est une affaire importante, car la Commission internationale de nomenclature zoologique n’autorise les changements de nom que sous des règles très strictes. Nous sommes convaincus que cette nouvelle nomenclature perdurera et que ce un nouveau nom d’espèce vivra seulement si d’autres chercheurs l’utilisent.«
CR
Sources :
Resolving the “muddle in the middle”: The case for Homo bodoensis sp. nov.