Accueil / Les hommes préhistoriques / Homo luzonensis
Homo luzonensis
La grotte de Callao est située sur l’île de Luçon (la plus grande des Philippines). Elle n’a jamais été accessible à pied sec depuis plus de 2,5 millions d’années. Elle avait été fouillée dans les années 70 mais sans succès notable.
A droite : la position de l’île de Luçon ( Wikipedia).
Entre 2007 et 2015, plusieurs campagnes de fouilles ont été réalisées. En 2007, un os du pied (métatarse) de forme inhabituelle a été mis au jour par Armand Salvador Mijares (Muséum National des Philippines) dans une strate plus profonde. L’ossement a été daté de 67 000 ans et est donc contemporain de notre espèce, Homo sapiens. Il a été publié en 2010. Le chercheur partagea alors sa trouvaille avec Florent Detroit (Musée de l’Homme, Paris).
En 2011, une équipe pluridisciplinaire permis de trouver de nouveaux restes d’hominidés : sept dents, un morceau de fémur, deux phalanges de main, et trois os de pied. Il apparaît alors que les 13 ossements appartenaient à 3 individus.
Le 11 avril 2019, l’étude, réalisée par l’équipe de Florent Détroit, est publiée dans la revue Nature. Les caractéristiques particulières des restes permirent à l’équipe de les attribuer à une nouvelle espèce, Homo luzonensis. Cette nouvelle branche sur le buisson de l’évolution humaine provoqua, comme c’est souvent le cas, quelques vagues dans la communauté scientifique.
L’anthropologue anglais Chris Stringer, (National History Museum de Londres) déclara même que …«compte tenu du petit échantillon de fossiles, certains scientifiques remettront en question l’opportunité de créer une nouvelle espèce basée sur un matériel aussi limité ».
Crâne
Pas de chance pour les reconstitutions de la face et du crâne, aucun reste crânien n’a encore été découvert.
Fossiles découverts dans la grotte de Callao et attribués à la nouvelle espèce Homo luzonensis.
Dents
a, holotype CCH6: dents maxillaires post-canines en perspective occlusale (gauche) et buccale (droite), avec représentation tridimensionnelle de l’émail (bleu foncé), de la dentine et du cément (brun clair) et de la cavité pulpaire (gris foncé) pour CCH6-b – CCH6-e.
b, phalange intermédiaire main CCH2 (perspectives dorsale, latérale et palmaire)
c, phalange distale main CCH5 (perspectives dorsale, latérale / médiale et palmaire)
d, phalange proximale du pied CCH4 (perspectives dorsale, latérale et plantaire).
e, phalange intermédiaire CCH3 du pied (perspectives dorsale, médiale et plantaire).
f, P3 ou P4 gauche CCH8: perspectives occlusale (supérieure) et buccale (inférieure), avec représentation tridimensionnelle de l’émail, de la dentine et du cément et de la cavité pulpaire.
g, M3 droite CCH9: perspective occlusale (supérieure) et buccale (inférieure).
h, axe fémoral juvénile CCH7 (perspective antérieure, latérale et postérieure).
Barres d’échelle, 10 mm (a – g) et 20 mm (h).
Communiqué de presse CNRS Homo luzonensis, une nouvelle espèce humaine, contemporaine d’Homo sapiens, découverte aux Philipines.
Dents
Les dents d’Homo luzonensis donnent à elles seules des informations presque contradictoires.
Les prémolaires sont munies de trois racines, contre une ou deux chez Homo sapiens (l’homme moderne). Et il faut noter que les racines multiples peuvent parfois se retrouver chez des Homo erectus.
Les dents sont de petites tailles comme sapiens mais ressemblent plutôt à celle des australopithèques ou même à celles de Homo habilis.
Toutes ces caractéristiques dentaires d’Homo luzonensis sont particulièrement différentes pour ne pas pouvoir le regrouper avec d’autres espèces du genre Homo.
Squelette
A ce jour, les rares restes du squelette ne permettent pas d’estimer la stature de l’espèce. La seule indication est que les dents sont petites et que cela est généralement en rapport avec la taille.
Pour Florent Détroit, les dents sont plus petites que celles d’Homo sapiens ou même d’Homo floresiensis, il est donc raisonnable de penser qu’il est encore plus petit.
Les pieds d’Homo luzonensis présentent également des particularités que l’on ne s’attend pas à trouver chez un homininé contemporain des bipèdes Homo sapiens et Homo neandertahlensis il y a 50 000 ans seulement.
La phalange trouvée, recourbée, montre qu’Homo luzonenesis ne dédaignait pas monter aux arbres et progresser de branches en branches. Ce type de locomotion ressemble à celui des australopithèques qui pratiquaient une locomotion arboricole et bipède.
Pour le paléontologue Guillaume Daver, la phalange proximale présente une courbure très marquée et des insertions très développées pour les muscles assurant la flexion du pied« .
Les origines d’Homo luzonensis
Installé sur une île qui n’a jamais été reliée au continent depuis plus de 2 millions d’années, Homo luzonensis n’a pas véritablement dévoilé ses origines. Ses ancêtres n’ont pu arriver sur l’île que sur une « embarcation » ou avec un événement de type tsunami… Aucun élément ne permet actuellement de préciser l’arrivée des hominidés sur l’île.
Pour Florent Détroit, concernant les origines d’Homo luzonenes il y a deux grandes hypothèses. La première c’est de dire que ces fossiles ont tellement de caractères d’australopithèques qu’ils doivent en descendre… mais cela paraît très peu probable car on ne connait aucun australopithèque en Asie. La deuxième hypothèse est que dans les périodes anciennes, il y a depuis 2 millions d’années, des Homo erectus évoluaient partout en Asie, en Chine, en Indonésie ((Mojokerto, Sangiran)… et Homo luzonenesis pourrait descendre de l’un d’entre eux.
Chris Stringer affirme : «certains diront que les caractéristiques primitives de H. luzonensis sont la preuve d’une dispersion pré-Homo erectus hors d’Afrique, il y a peut-être plus de deux millions d’années», «H. floresiensis et H.luzonensis représenteraient certains des derniers survivants de cette première vague primitive, s’attardant aux marges du monde habité.
Selon Marc Azéma « …les restes d’Homo luzonensis pourraient être ceux d’une espèce ayant évolué durant 600 000 ans sous l’effet de l’endémisme insulaire…
Outils et foyers
Il n’y a pas eu d’outil trouvé en association avec les restes d’hominidés à Callao. Mais des restes de faune (rhinocéros) présentant des traces et marques de boucherie ont été retrouvés à quelques kilomètres de là. Les os ont été datés de -700 000 ans ! Les humains qui ont « charcuté » l’animal sont-ils des ancêtres d’Homo luzonensis ?
Il n’y a pas de foyer retrouvé.
Datation
Deux des fossiles ont été datés directement à 50 000 et 67 000 ans par la méthode Uranium-Thorium. Les restes d’Homo luzonensis sont donc les plus anciens restes humains connus aux Philippines. Ils devancent nettement les premiers Homo sapiens de l’île de Palawan, datés au maximum de 40 000 ans.
Age | Taille | Poids | Volume endocranien | ||
De – 67 à – 50 000 ans | ? | ? | ? | ||
Localisation | Habitat | Feux | Outils | ||
Asie du Sud-est | Tropical | Pas de trace de combustion | Pas d’outils associés |