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Histoires de mammouths
Conférence de Madame Claudine COHEN, directeur d’études à l’EHESS
Vendredi 1er octobre 2021, à 18h à la salle communale de Cabrerets
Le mammouth laineux est un des animaux préhistoriques les mieux connus. Ses vestiges énormes – dents, ossements, chairs congelées –, trouvés dans les couches de la Terre à peu de profondeur, ont permis aux paléontologues de figurer sa carrure imposante et la forme bombée de son crâne aux énormes défenses recourbées en volutes, de reconstituer non seulement son ossature, mais sa musculature, ses parties molles, son mode de locomotion. Ils ont pu également s’intéresser à son environnement, à son mode de vie, à ses migrations, à son évolution et à son extinction. Les progrès de la génétique et de la biologie moléculaire suscitent aujourd’hui le rêve de faire revivre le mammouth grâce au clonage de son ADN ou à l’insémination d’une éléphante avec son sperme congelé…
D’autres images du mammouth nous sont parvenues à travers les figurations que nous ont laissées les hommes du Paléolithique, gravées dans l’ivoire à la Madeleine, dessinées ou peintes sur les parois des grottes à Font-de-Gaume, aux Combarelles, à Pech Merle, ou Rouffignac. Mais comme toutes les oeuvres d’art, ces images paléolithiques transfigurent et stylisent la réalité. L’artiste préhistorique accentue certains traits caractéristiques : sur la figure dessinée, gravée ou peinte de profil, l’artiste marque le sommet du crâne en ogive, – le prolongement à la verticale de l’os frontal par les os naseaux, la forme ramassée, presque globuleuse, du corps, les pattes courtes et massives, les longs poils tombant en « jupe » au bas du corps, la ligne de la trompe et des défenses courbes.
A travers ces reconstitutions et ces figurations, ce gros animal poilu et débonnaire dont l’espèce a disparu il y a entre 14 000 et 12 000 ans de nos régions (4 000 ans au Nord de la Sibérie), fait aujourd’hui partie intégrante de notre monde et de notre imaginaire. Ainsi, les êtres éteints que reconstitue la science sont intégrés à nos représentations. Le savoir scientifique devient un réservoir d’images tour à tour familières, inquiétantes ou étranges, de figures terrifiantes ou touchantes qui alimentent les récits et les rêves de notre quotidien.
Claudine COHEN est Directrice d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (Paris). Paléontologue, spécialiste de l’histoire des sciences et philosophe, elle a travaillé entre autre sur l’image de la femme à la Préhistoire, l’histoire de la Paléontologie et sur les mammouths. Son dernier ouvrage « Nos ancêtres dans les arbres » (mars 2021) fait le point sur nos connaissance de l’évolution humaine.