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Les figurines préhistoriques de Sibérie ne sont pas des vénus…
L’étude des plus anciennes statuettes trouvées en Sibérie, dans les années 20 et 50, montrent qu’elles sont habillées et qu’elles ne sont pas des représentations d’un corps féminin idéalisé (comme les vénus paléolithiques).
Les figurines de Sibérie
Les statuettes trouvées à Malta et Buret en Sibérie sont datées de 20 000 ans BP. Elles ont donc été sculptées au paléolithique, dans de l’ivoire de mammouth, par des hommes vivants sous un climat rude et froid à proximité du lac Baikal. Contrairement à la majorité des statuettes retrouvées dans le reste de l’Europe, les figurines de Sibérie ne présentent pas de caractères sexuels très marqués : pas de hanches surdimensionnées, pas de poitrine opulente tombant sur un ventre proéminent. Les figurines de Sibérie sont plutôt longilignes : sans seins ni hanches proéminents.
Par ailleurs, les « vénus » de Sibérie ont souvent une tête assez développée qui contraste avec beaucoup de vénus ayant soit une petite tête, soit pas de tête du tout. De la même façon les sibériennes ont l’ébauche d’un visage dans les 2/3 des cas alors que les vénus européennes n’ont pas de visage (à l’exception notable de la Dame de Brassempouy).
Toutefois, malgré l’ensemble de ces éléments différenciant, l’estimation de la date de leur création au paléolithique et le sujet humanoïde les plaçait naturellement parmi les autres vénus préhistoriques. Les scientifiques de l’époque leur attribuaient même parfois des vertus spécifiques, comme la représentation idéalisée de la féminité au paléolithique (l’historien Alexeï Okladnikov en 1957).
Une nouvelle étude des « vénus sibériennes »
L’étude a été menée par le Dr Lyudmila Lbova et le Dr Pavel Volkov du Laboratoire d’étude interdisciplinaire de l’art primitif de l’Eurasie (Institut d’archéologie et d’ethnographie,
Académie des sciences de Russie). Les chercheurs ont repris l’étude de 29 des 40 figurines trouvées à Mal’ta et Buret, en les examinant, avec du matériel moderne. Ces statuettes de l’art mobilier sont habituellement conservées au Musée de l’Hermitage à St Pétersbourg en Russie.
Dès les premiers examens au microscope il est apparu que certaines de statuettes n’étaient pas finalisées, elles avaient été abandonnées au stade de simples ébauches. Pour Lyudmila Lbova on peut même parler de prototypes : « Certaines des figurines sont simplement des éléments de travail, des ouvrages non terminés ».
Photographie Lyudmila Lbova
Des statuettes habillées des pieds à la tête
En étudiant la surface des statuettes au microscope les deux chercheurs ont vu apparaitre des traces invisibles à l’œil nu. Le temps a comblé les sillons de certains détails qui sont uniquement visibles avec un fort grossissement. Il apparait que les « vénus » sont habillées, avec un couvre-chef, des bracelets , des chaussures et même des sacs…
Le chercheur indique «Notre recherche a montré que tous sont plus ou moins« habillés ». Nous avons vu différents types de chapeaux, de coiffures, de chaussures et d’ accessoires. Ils ont été représentés avec des lignes fines. Les anciens artistes ont utilisé différentes techniques pour mettre en évidence les différences de matériaux, fourrure, cuir et décorations ».
L’étude a permis de mettre en avant les analogies entre les vêtements portés par les peuples nordiques comme les combinaisons de fourrure avec capuche et les vêtements représentés sur les statuettes.
Dans la série des statuettes de Mal’ta les combinaisons sont très typiques pour les petites sculptures (d’une hauteur de 2 à 4 cm) qui représentent des enfants. Cette jeunesse est confirmée par la taille de la tête, disproportionnée par rapport au corps.
La spécialiste confirme « De telles proportions sont celles que nous voyons chez les enfants de moins de 5 ans, habillés de combinaisons avec capuche. En d’autres termes, ces sculptures représentent de jeunes enfants dans des vêtements typiques. Je pense que Mikhail Gerasimov (l’archéologue qui a trouvé les premières figurines) avait raison de décrire ces figurines comme un -jardin d’enfants-« .
Comme les peuples Koryaks et les Itilmens qui vivent au Nord-est de la Russie, il semble que les paléolithiques se portaient sur la tête d’une sorte de capuche ou casque de fourrure qui recouvrait également le cou, les oreilles, les joues et le menton. Sur certaines statuettes la capuche descendait même sur les épaules.
Quelques figurines semblent transporter un sac et même, dans un seul cas, les lanières qui apparaissent semblent être celles d’un sac à dos !
Des statuettes ou des décorations
Cette étude de l’ensemble des statuettes sibériennes permet de mieux connaitre le mode de vie et les habitudes des paléolithiques de la région. Comme le souligne la chercheur l’objet, le but même de ces figurines est très difficile à déterminer. Il y a énormément d’hypothèses mais aucune ne peut être prouvée pour l’instant.
Cette statuettes faisaient partie de la vie quotidienne car elles ont été retrouvées sur les lieux de vie des anciennes colonies, parfois sous des omoplates de mammouth ou sous une couche d’ocre.
«Ce que nous pouvons dire avec certitude c’est que les détails réalistes de ces vêtements, ces accessoires, ces coiffures montrent clairement que les créateurs ont réalisé des figurines représentant des personnes réelles de l’entourage. Je doute fortement que ce soient les images de déesses abstraites ou d’esprits souvent utilisés pour expliquer les représentations de vénus. » indique Lyudmila Lbova.
Son analyse montre également que les petits trous sur la figurine – précédemment considérée comme la trace que la figurine a été portée comme pendentifs – avaient probablement un autre but. «Je ne peux que suggérer qu’ils pourraient être solidement fixés aux vêtements, de sorte qu’ils ne bougeait pas. L’autre idée est qu’ils puissent être attachés à un berceau avec des lacets de cuir, conformément à une tradition connue parmi les groupes autochtones de Sibérie« .
C.R.
Sources
Sur le même sujet
2008 La vénus de Zaraysk
2009 La vénus de Hohle Fels
2017 La Dame de Brassempouy
2014 Une Vénus à Renancourt
2019 Une nouvelle Venus gravetienne à Renancourt
2022 Les origines de la Vénus de Willendorf