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L’être humain : une piètre valeur nutritive
Une étude sur la valeur nutritive de la chair humaine montre que pour l’homme préhistorique les autres espèces étaient plus « nourrissantes »…
Les archéologues ont trouvé des signes de cannibalisme chez les ancêtres de l’homme humain depuis 800 000 ans. James Cole (Université de Brighton) a répertorié les différentes preuves de cannibalisme préhistorique dans le monde. Si les ossements humains présentent des marques attestant l’anthropophagie, ils ne donnent pas les motivations des hommes pour se consommer entre eux. Le chercheur s’est donc attaché à chercher les raisons du cannibalisme aux débuts de l’humanité.
Un exemple de site paléolithique avec du cannibalisme : les grottes de Gran Dolina, en Espagne. Les restes de bisons, de moutons et de cerfs ont été retrouvés, mélangés avec les ossements d’au moins 11 êtres humains (dont des enfants et des adolescents). Ces derniers présentaient des marques de cannibalisme. En plus des traces de découpe montrant que la chair avait été retirée de l’os, les chercheurs ont pu démontrer que les Homo antecessors de Gran Dolina avaient extrait et mangé le cerveau de leurs victimes.
Ce site, très riche, a également montré que ce cannibalisme a été régulièrement pratiqué sur une durée de 100 000 ans.
Les ossements humains, mélangés avec ceux d’autres animaux, ont été préparés de la même manière, conduisant certains anthropologues à suggérer que le cannibalisme sur le site n’a peut-être pas été pratiqué dans une situation d’urgence alimentaire mais plutôt comme un comportement rituel.
Les sites de cannibalisme paléolithique documentés
Pour cette étude, le chercheur a identifié et répertorié plusieurs gisements préhistoriques présentant des preuves avérées de cannibalisme.
Le responsable de cette nouvelle étude estime que, lorsque les archéologues étudient un site où le cannibalisme humain est avéré, ils cherchent à comprendre le pourquoi de cette pratique. Ils veulent classer le site selon les motivations cannibales : soit dans un but rituel (comme pratique funéraire ou guerrière), soit dans un but nutritionnel (voire uniquement en cas de famine).
Photo : crâne humain utilisé comme coupe – Grotte de Gough – Natural History Museum (Londres). Neekoo pour Hominides.com
Pour le docteur Cole, la définition brute du cannibalisme nutritionnel est la forme courante du cannibalisme et il n’y a pas de preuve qu’il était pratiqué dans un but spirituel, culturel ou rituel. Il faut donc avoir une approche différente du cannibalisme à la préhistoire.
Sites-cannibalisme
Site | Date (BP) | Hominin Type | Cannibalism interpretation | Hominin MNI | Age Range of Individuals | Associated faunal remains (excluding indeterminate remains) |
Gran Dolina (TD6 - Aurora Stratum)5,6,13,77,78 | c. 936,000 BP | H. antecessor | Nutritional cannibalism | 11 | 2 adults, 3 adolescents, 6 children | Cervus, Sus, Equus, Bison, Megaloceros, Dama, Capreolus, Eucladoceros, Stephanorhinus, Mammuthus, Canis, Vulpes, Ursus, Crocuta, Lynx |
Caune de l’Arago5,20 | c. 680,000 BP | H. erectus(?) | Ritual cannibalism (?) | 30 | 18 adults, 12 infants | Equus, Rangifer, Ovis, Bison, Ovibos, Cervus, Coelodonta |
Moula-Guercy5,14 | 100,000 - 120,000 BP | H. neanderthalensis | Nutritional or starvation cannibalism | 6 | 2 adults, 2 adolescents, 2 infants | Cervus, Capra, Artiodactyla (undefined), Perissodactyla (undefined), Carnivora (undefined) |
El Sidrón5,15,79,80,81,82 | 48,400 ± 3200 BP | H. neanderthalensis | Nutritional or starvation cannibalism | 13 | 7 adults, 3 adolescents, 2 juveniles, 1 infant | Faunal evidence scarce - comparison not possible |
Padrelles5,17,18,83 | c. 45,000 BP | H. neanderthalensis | Nutritional cannibalism | 5 | 3 adults, 1 adolescent, 1 infant | Panthera, Canis, Vulpes/Alopex, Crocuta, Sus, Bovinae, Rangifer, Cervus, Equus, Lepus |
Cueva del Boquete de Zafarraya5,16,84 | c. 42,000 BP | H. neanderthalensis | Nutritional cannibalism | 9 | 7 adults, 2 infants | Capra, Bos, Cervus, Sus, Equus, Rupicapra, Panthera, Lynx, Felis, Crocuta, Cuon, Vulpes, Ursus |
Troisième caverne of Goyet11,85 | 40,500 - 45,500 cal BP | H. neanderthalensis | Nutritional cannibalism | 5 | 4 adults/adolescents, 1 infant | Equus, Rangifer, Cervus, Capreolus, Megaloceros, Bos, Capra, Sus, Lepus, Mammuthus, Ursus, Vulpes, Crocuta, Meles |
Maszycka Cave53 | 14,280 - 15,800 BP | H. sapiens | Warfare cannibalism | 16 | 5 adults, 3 juveniles, 8 infants | Equus, Cervus, Saiga, Bos, Ursa, Lepus, Sus, Rhinoceros (Ceratotherium?) |
Gough’s Cave5,9,10,19 | 14,700 cal BP | H. sapiens | Nutritional cannibalism with ritual treatment of the skulls | 5 | 2 adults, 2 adolescents, 1 infant | Equus, Cervus, Bos, Sus, Lepus |
La viande humaine pas très « rentable »
Le chercheur a étudié la viande humaine en la comparant à celle d’autres animaux disponibles et consommés à la même époque. Il apparaît que d’un point de vue nutritionnel, la viande humaine n’est pas du meilleur rapport. Elle a un pourcentage de muscles inférieur à celle des autres animaux (38%, contre 60% en général). Et d’un point de vue calorique, là-aussi le bifteck d’hominidé est moins bien riche que celui des autres animaux. Pour une livre de viande, l’humain ne délivre que 146 calories, contre 298 pour un sanglier…
Photo : mâchoire présentant des marques de découpes cannibales – Grotte de Gough – Natural History Museum (Londres). Neekoo pour Hominides.com.
« La consommation d’un corps humain n’aurait pu assurer les besoins énergétique d’un groupe de 25 personnes que pendant une journée et demi seulement», affirme James Cole.
Pour le chercheur, cela signifie que la viande humaine était peut-être plus simple à se procurer mais peu nourrissante. Il lui apparaît dans ce cas que les hommes paléolithiques devaient pratiquer l’anthropophagie pour d’autres raisons que nutritionnelles.
« Les preuves archéologiques, paléontologiques et géologiques indiquent que ces individus
James Cole déclare que tout le cannibalisme paléolithique répertorié ne pouvait pas avoir pour seul objectif de répondre à des besoins alimentaires : il a peut-être également servi diverses fonctions sociales. Le chercheur imagine qu’on pourrait l’expliquer par des rites funéraires, des habitudes culturelles, une manière de défendre son territoire ou d’intégrer la force d’un ennemi.
Humain | Renne | Rhinocéros laineux | Cheval | Mammouth | Sanglier | |
% de muscle | 38% | 60% | 60% | 60% | 60% | 60% |
Calories pour une livre (450 g) | 146 | 353 | 2546 | 639 | 6614 | 298 |
Silvia Bello (National History Museum de Londres) : « Je suis d’accord avec Cole que le cannibalisme paléolithique était probablement plus souvent utilisé comme un « choix » plutôt que comme une « nécessité ». L’anthropologue rajoute « Je pense cependant que trouver la réelle motivation du choix est une question particulièrement difficile ». Selon l’anthropologue Erik Trinkaus « C’est une question de survie quand il n’y a pas d’autres sources de nourriture, les membres du groupe social sont décédés et les membres survivants consomment les corps de personnes déjà mortes« .
«Le cannibalisme est extrêmement répandu dans le règne animal», indique le biologiste Bill Schutt (Université de Long Island), et les humains ne font pas exception. « Ce qui nous rend différents des autres animaux ce sont les rituels, la culture et les tabous ». « Nous avons été formatés pour penser que le cannibalisme est la pire chose que nous pourrions faire« .
C.R.
Sources
Nature Assessing the calorific significance of episodes of human cannibalism in the Palaeolithic
NationalGeographic
Researchgate
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