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Empreintes de mains de la préhistoire : on peut déterminer le sexe de l’artiste ?
Mains de la Préhistoire : on peut déterminer le sexe de l’artiste sur les parois des grottes ornées !
Kalimain – Un logiciel pour connaître le sexe d’un individu avec l’empreinte de sa main – CNRS
Les mains négatives et positives dans les grottes
Nos ancêtres ont laissé une trace de leur passage sur les parois, dans des centaines de cavernes dans le monde. On retrouve, par exemple, ce type de traces dans les grottes de Gargas, Pech Merle et Cosquer en France, de Cueva de las Manos Pintadas en Argentine mais elles sont aussi présentes sur presque tous les continents : Amériques, Australie et Nouvelle-Guinée, Europe et Afrique du Nord
Deux méthodes principales on été utilisées par les hommes préhistoriques pour tracer ces mains :
– application de la main sur la paroi et projection d’un colorant (en soufflant) : la main apparaît alors en négatif
– après avoir enduit sa main de colorant, celle-ci est plaquée sur le mur comme un tampon : la main est ici en positif.
Les mains de l’art pariétal sont encore une énigme pour les scientifiques. Plusieurs hypothèses sont étudiées quant à leur signification : simples figurations, signatures, ornements…
Comment déterminer le genre de l’artiste qui a réalisé les mains ?
L’indice de Manning
Si l’on ne peut pas savoir le pourquoi de ces empreintes on peut maintenant savoir si la main représentée appartenait à un homme ou à une femme.
Jean-Michel Chazine (CNRS) et Arnaud Noury (informaticien et préhistorien) ont mis au point un logiciel qui permet de déterminer le sexe de l’artiste…
Il ont utilisé, pour cela, les études de John T. Manning (University of Liverpool, U.K) qui démontrent que le rapport de longueur entre l’index et l’annulaire est fixe et distinct entre hommes et femmes. Ces deux doigts sont de même longueur chez la femme, alors qu’il y a un écart mesurable chez l’homme : c’est l’indice de Manning.
Une première étude à Gua Masri II
Les chercheurs ont appliqué leur logiciel au panneau formé de mains négatives de la grotte de Gua Masri II (Indonésie). Les premiers résultats indiquent que le panneau a été réalisé par des hommes et des femmes. De plus, la disposition spatiale des mains sur la paroi indique que les deux sexes étaient séparés dans des zones définies.
La grotte Cosquer à l’étude
Le logiciel a également été utilisé pour l’étude d’autres grottes, dont celle de Cosquer. Les mains présentes à Cosquer ont la particularité d’être incomplètes : la majorité des empreintes ne sont formées que de 2 ou 3 doigts. L’indice de Manning et le logiciel Kalimain ne sont donc pas utilisables dans ce cas de figure.
Sur les mains complètes, le logiciel a permis de déterminer que les mains féminines étaient plus nombreuses que les mains masculines.
Le texte du communiqué du CNRS
Jean-Michel Chazine regarde d’un air ému sa feuille de papier A4 couverte de mains, reproduction des empreintes en négatif retrouvées sur la paroi de la grotte préhistorique de Gua Masri II, à l’Est de Bornéo (Indonésie). Il planche encore et toujours sur cet incroyable jeu de piste, sur la signification inconnue de ces mains dessinées selon le principe du pochoir. Mais depuis un mois à peine, un grand pas a été franchi, qui va sans doute bouleverser le monde de l’archéologie préhistorique… « Nous pouvons maintenant dire avec certitude que ces mains-ci appartenaient à une femme et que celles-là étaient des mains d’homme, et cela donne un tout autre relief à la scène ! », s’exclame l’ethno-archéologue CNRS du Centre de recherche et de documentation sur l’Océanie (Credo) (1). Et pour cause… La disposition des mains sur le principal panneau étudié indique en plus une différenciation sexuelle voulue entre les hommes et les femmes. Une découverte qui offre aux chercheurs du monde entier un champ d’interprétations encore insoupçonnées !
Jean-Michel Chazine, lui, est impatient de leur faire partager le tout nouveau logiciel, Kalimain, mis au point en collaboration avec Arnaud Noury (2) : un outil qui permet de déterminer le sexe des mains négatives dessinées dans les grottes. Explications : tout commence en décembre 2004, quand les chercheurs Kevin Sharpe et Leslie Van Gelder (3), spécialistes des traces de doigts, affirment la possibilité de déterminer le sexe de certaines mains négatives grâce à l’indice de Manning, d’après lequel le rapport de longueur entre l’index et l’annulaire serait représentatif de l’identité sexuelle de tout individu (4). Dans les premiers mois de la vie du fœtus en effet, des hormones différenciées influenceraient directement sur le développement de ces deux doigts. Les œstrogènes pour la croissance de l’index et la testostérone pour celle de l’annulaire ! Un Européen aurait un indice moyen de 0,96 et une Européenne, un indice proche de 1. Cet écart moyen entre les hommes et les femmes se vérifierait toujours.
Jean-Michel Chazine a alors l’idée de transposer cet indice pour décrypter le sexe des empreintes de mains préhistoriques. Il contacte Arnaud Noury, archéologue devenu informaticien. Dix jours plus tard, il reçoit le premier résultat. Ce test est émouvant. Chazine voit apparaître sur son ordinateur le panneau de mains qu’il étudiait depuis des années, mais cette fois-ci, avec des marques rouges pour les femmes, bleues pour les hommes… La paroi parle enfin : il y a une organisation délibérée des mains. Et bien plus, il apparaît clairement sur l’image que mouvements et répartition entre hommes et femmes ne sont pas les mêmes d’un endroit à l’autre. Alors que signifient ces mains ? Le mystère plane toujours. Une seule chose est sûre… « Les pochoirs répondent à un besoin spécifique, explique Chazine. Prenez la grotte de Masri. Elle ne comporte que des empreintes de mains négatives. Et elle n’a jamais été habitée… Donc si à certains moments des hommes sont venus spécialement là pour y apposer leurs mains, c’est certainement dans un but très précis, et selon certaines règles. Hommes et femmes n’ont d’ailleurs pas mélangé leurs mains. » Mais le chercheur a sa petite idée : ces mains seraient des représentations symboliques et correspondraient sans doute à des rituels thérapeutiques, magiques, religieux ou divinatoires, ou bien témoigneraient de séances d’initiation. Reste encore pour le chercheur et l’informaticien à affiner ce logiciel, pour enfin corréler chronologies et localisations, avec la quantité de mains apposées, leurs similitudes et dissemblances, les liens entre motifs et couleurs. Et déterminer, peut-être, grâce aux différences de répartition sexuelle, certaines ères culturelles de la Préhistoire.
En tout cas, grâce à cette nouvelle détermination, c’est un champ immense d’interprétations nouvelles qui s’ouvre, partout où, dans le monde, on a trouvé des empreintes de mains négatives.
Camille Lamotte
Notes :
1. CNRS / Université de Provence / EHESS. Plus d’infos : www.pacific-credo.net/staff et www.kalimanthrope.com
2. Informaticien-analyste / préhistorien-océaniste (noury.arnaud@neuf.fr).
3. Kevin Sharpe et Leslie Van Gelder, « A Method for Studying Finger Flutings », à consulter sur www.ksharpe.com/word/AR47.htm et à paraître in Exploring the Mind of Ancient Man : Festschrift to Robert G. Bednarik.
4. J. T. Manning, Digit Ratio, a Pointer to Fertility, Behaviour and Health, Rutgers University Press, 2002.
Sources
Science Direct
Le Figaro
MAJ 2022 : plusieurs études canadiennes et françaises remettent en cause cet indice qui n’est pas jugé assez pertinent.
Sources des contradicteurs
Symposium « Application des techniques forensiques aux recherches sur l’art pléistocène »
Mirec