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Du lapin au menu des premiers européens ?
Une étude franco-canadienne de différents gisements datant de -400 000 à -40 000 ans montre la présence d’un grand nombre d’os de lapins.
Rapides et légers, les lapins sont difficiles à chasser et ils offrent peu de viande. Une étude publiée par l’anthropologue Eugene Morin (Université Trent de Peterborough, Ontario) dans la revue Science Advances, montre que les lapins faisaient partie du régime alimentaire des premiers humains et des Néandertaliens du sud-ouest de l’Europe, il y a 400 000 ans.
Le professeur Morin et la zooarchéologue Jacqueline Meier (Université de Floride du Nord) ont examiné les restes fossiles de faune provenant de huit sites paléolithiques français, dont notamment le site de Terra Amata et la grotte du Lazaret, dans la région de Nice. Terra Amata est l’un des plus anciens sites connus en Eurasie où des Homo ont laissé des traces de chasse préhistorique.
Pour le professeur Morin : « Le gros gibier, comme le cheval, le bison et le cerf, constituait la majeure partie du régime à base de viande », « mais il est probable que, dans la région nord-ouest de la Méditerranée, des animaux plus difficiles à attraper, comme les lapins, aient contribué à combler les manques en matière d’approvisionnement en nourriture (lors des migrations par exemple) ». La chasse au petit gibier pouvait être une stratégie efficace pour apporter au clan des ressources alimentaires nécessaires à la survie du groupe.
Des os de lapin à profusion
Sur de nombreux site français, les chercheurs ont trouvé des os de lapins brisés. Mais ils ont également « fouillé » dans les réserves de musées. En effet, les éléments et ossements retrouvés sur des gisements vidés sont conservés dans les musées pour d’éventuelles études ultérieures. Ils sont arrivés à la conclusion que les petits os de lapins avaient très souvent été enterrés sur des gisements préhistoriques.
« Beaucoup de ces anciens sites de Néandertal comptaient parfois 80 à 90% de lapins », a déclaré Eugene Morin. « Ce n’était pas quelque chose de rare. »
L’examen approfondi a permis de trouver des preuves évidentes que les ossements avaient été coupés avec des outils et dans certains cas brûlés. Il fallu séparer les ossements ayant servi de repas à un carnassier, de ceux qui avaient été utilisés par l’homme. « On dirait que les premiers humains cassaient les extrémités avec leurs dents pour créer une sorte de tube en os afin d’aspirer facilement la moelle riche en calories.«
C’est quelque chose que les autres prédateurs, tels que les loups et les hyènes, ne pratiquent pas. Les traces de brûlures, quant à elles, indiquent la présence d’un foyer entretenu par un hominidé.
Un autre type de chasse
La chasse au lapin, ou au petit gibier, ne nécessite pas les mêmes compétences et ne présente pas les mêmes risques que la chasse au mammouth ou au bison par exemple. Un petit gibier peut être attrapé par un seul individu, alors qu’un gros mammifère nécessite la mobilisation de plusieurs chasseurs. Pour tuer un gros animal il faut se munir de pieux, de lances et d’autres armes pouvant être projetés pour blesser l’animal. Pour du petit gibier, les premiers européens devaient probablement fabriquer des pièges primitifs, des collets, des trappes…
Les travaux du professeur Morin remettent en question le consensus général selon lequel la chasse au petit gibier a commencé au cours du Paléolithique supérieur, il y a environ 40 000 ans avec Homo sapiens. Leurs travaux montrent que, même au début du Paléolithique, les hominidés consommaient d’autres viandes que les gros mammifères, qui constituaient l’essentiel de leur apport calorique. Cette découverte est également importante car elle signifie que les premiers européens ont été en mesure d’élargir leur régime alimentaire dans les cas pénurie alimentaire, un type de comportement que l’on croyait jusque-là réservé aux hommes modernes.
Néandertal ou… ?
Les sites étudiés n’ont pas tous livré de restes d’hominidés. La période d’étude entre 400 000 et 40 000 ans laisse envisager un seul hominidé présent dans la région à ce moment-là : un Néandertalien ou un pré-Néandertalien. D’ailleurs, les outils de pierre retrouvés sur les sites font partie des cultures lithiques néandertaliennes.
Les premiers européens sont souvent représentés comme des chasseurs de gros gibier, traquant le mammouth, le cerf ou le rhinocéros laineux… Il faut désormais rajouter le lapin à la liste des courses !
Cette étude confirme également que ces hommes pouvaient modifier leurs habitudes de chasse en fonction de la région, du climat, des migrations…
L’anthropologue Julien Riel-Salvatore (Universite de Montréal) déclare que les « Néandertaliens étaient finalement capables de chasser de petits animaux rapides, ce qui était considéré jusqu’à présent comme la « pierre angulaire de la croissance et de la résilience » des hommes modernes à leur arrivée en Europe, il y a 45 000 ». Il rajoute que « cela nécessite un savoir-faire et des compétences distinctes de celles pour fabriquer des armes de chasse… »
C.R.
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Sources
New evidence of broader diets for archaic Homo populations in the northwestern Mediterranean
E. Morin, J. Meier, K. El Guennouni, A.-M. Moigne, L. Lebreton, L. Rusch, P. Valensi, J. Conolly and D. Cochard
Phys.org