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Rhinocéros laineux
Rhinocéros laineux
Coelodonta antiquitatis
Le rhinocéros laineux fait partie de ces animaux préhistoriques dont la présence nous étonne toujours sous notre climat tempéré. De nos jours, les différentes espèces de rhinocéros peuvent être observées à l’état naturel en Afrique ou en Inde, mais jamais en Europe. L’animal était pourtant bien présent en Eurasie il y a quelques milliers d’années seulement. Il a laissé de nombreux témoignages de son passage, soit sous forme de représentations pariétales, comme en France à Chauvet, soit, et c’est une extraordinaire chance, sous forme de fossile congelé dans le permafrost sibérien.
Le rhinocéros laineux était, juste derrière le mammouth laineux, le deuxième mammifère le plus imposant par la taille. Il faisait probablement partie intégrante du paysage dans lequel les hommes préhistoriques du Paléolithique évoluaient. L’animal a vécu en Eurasie entre – 400 000 et – 10 000 ans BP.
Origine et répartition géographique du rhinocéros laineux
Les premiers rhinocérotoïdes sont apparus il y a plus de 55 millions d’années : ils comprennent de nombreuses lignées, comme les hyrachyidés, les amynodontidés, les hyracodontidés (des plus grands) et enfin les rhinocérotidés… Contrairement à ce qu’on pense, ces derniers sont le plus souvent dépourvus de cornes !
Le rhinocéros laineux s’est répandu à travers une grande partie de l’Eurasie : on a retrouvé des fossiles aussi bien en Espagne, en France, ou en Angleterre pour la partie ouest. Et à l’est, les plus anciens fossiles ont été découverts en Pologne, en Mongolie, en Ukraine ou en Sibérie. Contrairement au mammouth, le rhinocéros laineux n’a pas fait d’incursion sur le continent américain.
Caractéristiques du rhinocéros laineux
Le rhinocéros laineux était un animal puissant et de taille imposante. Il mesurait au maximum entre 3,5 et 4 mètres de long, pour une hauteur de 1,6 à 2 mètres au garrot. La massivité du corps devait être visuellement renforcée par la petitesse des pattes. Avec ces dimensions, on estime que le poids total de l’animal pouvait atteindre jusqu’à 3 tonnes.
La fourrure, qui couvrait son corps, sur 15 cm d’épaisseur, était de couleur claire, presque blonde chez les petits de l’espèce. A noter, sur certaines représentations pariétales, la robe du rhinocéros laineux adulte semble bicolore, avec une partie plus foncée sur le haut du dos. Ces détails sont maintenant confirmés par la découverte de fossiles congelés dont les poils et la peau, très épaisse, ont été conservés (voir ci-dessous, Sasha, le petit rhinocéros laineux).
A l’avant du dos de l’animal se trouve une bosse formée de graisse accumulée lors des périodes estivales afin d’être utilisée pendant les hivers. Une petite queue et son plumet de poils complètent le tableau avec, comme pour le mammouth laineux, un clapet anal protégeant les entrailles du froid intense.
Sur la tête, deux éléments caractéristiques du rhinocéros laineux : des petites oreilles et deux « cornes ». Les deux appendices sur l’avant de sa tête ne sont en fait pas des cornes (comme celles des bovidés) mais des protubérances formées de poils serrés et durcis les uns contre les autres. Les deux minuscules oreilles semblent dressées et sont probablement une adaptation aux températures glaciales de cette période…
Les cornes de rhinocéros laineux semblent parfois disproportionnées car on en a retrouvé mesurant jusqu’à un mètre de longueur… Pour expliquer ces dimensions hors normes, les paléontologues ont proposé deux types d’explication. La première s’appuie sur la différence sexuelle entre les mâles et les femelles. Les cornes seraient une sorte d’indicateur de « bonne santé » des mâles ! La deuxième théorie est plus pratique : cet énorme appendice aurait pu servir à déblayer la couche de neige afin de déguster les graminées et les herbes enfouies.
Mode de vie
Végétarien exclusif, le rhinocéros laineux vivait dans les steppes glacées où poussaient des herbes et des graminées qui devaient constituer son menu principal. Il possédait des incisives tranchantes à l’avant de la mâchoire pour couper la végétation et des molaires pour l’écraser.
« Avec ses grosses dents hypsodontes (à croissance continue et à couronne haute) et sa tête fortement inclinée vers le sol, c’était un mangeur d’herbe rase… » indique la préhistorienne Marylène Patou-Mathis
Selon une théorie proposée par des scientifiques, le système digestif de l’animal pouvait générer une sorte de fermentation des graminées afin d’en tirer le maximum de nutriments, et aurait été une source de chaleur intérieure supplémentaire.
Par analogie avec les rhinocéros actuels on peut imaginer que les Coelodonta antiquitatis vivaient en petit troupeaux constitués d’un mâle dominant et de plusieurs femelles accompagnées des petits.
La disparition du rhinocéros laineux
Les derniers rhinocéros laineux qui nous ont laissé des traces sont datés entre -8 000 et -10 000 ans. Comme d’autres animaux de la mégafaune en général (mammouth laineux, ours des cavernes, lion des cavernes…), le passage à l’Holocène, et donc à une période interglaciaire, semble avoir été fatal. Pour Marylène Patou Mathis les mammouth et les rhinocéros laineux « ont totalement disparu à cause des changements climatiques, qui ont détruit leur biotope »
Ce changement climatique est la première des hypothèses généralement avancées pour expliquer la disparition de ces animaux. La deuxième est l’extinction provoquée par une chasse intensive de la mégafaune par les hommes préhistoriques. Une autre hypothèse un peu moins crédible attribue au réchauffement du climat une hausse des zones boueuses dans lesquelles les animaux courts sur pattes, comme le rhinocéros laineux, se seraient embourbés.
Le rhinocéros laineux et l’homme
Même si le rhinocéros est herbivore, il peut facilement être un danger pour l’homme. La charge et le choc de cet animal suffisent à renverser et piétiner presque n’importe quel importun ! Le rhinocéros laineux était a son apogée il y a 30 000 ans : il avait conquis l’ensemble de l’Eurasie et devait être suffisamment présent pour faire une proie potentielle.
Devant la dangerosité de l’animal, les chasseurs néandertaliens ou les Homo sapiens devaient s’attaquer uniquement aux membres les plus faibles du troupeau : les plus âgés et les jeunes.
Pour l’homme préhistorique, le rhinocéros laineux n’était pas une source de nourriture récurrente, mais l’analyse isotopique des restes néandertaliens de l’Homme de Spy démontrent que ce dernier avait mis le rhinocéros laineux à son menu.
Le rhinocéros laineux dans l’art préhistorique
Le rhinocéros ne fait pas partie des représentations fréquentes dans l’art préhistorique. Pour Stéphane Petrognani (Docteur en Préhistoire) Il existe 71 représentations de rhinocéros dans l’art préhistorique ante-magdalénien soit 3,5% seulement du total (2160).
Pour le préhistorien Marc Azema, « 87 rhinocéros ont été identifiés dans l’art pariétal de la France : la grotte Chauvet contient à elle seule 65 représentations ». Dans les autres grottes, l’animal n’existe qu’à quelques exemplaires au maximum.
En France, en dehors de Chauvet, le rhinocéros laineux (ou l’un de ses contemporains) est identifié dans les grottes de Rouffignac, Arcy-sur-Cure, Margot, Combarelles, Aldène, La Mouthe, Trois frères… et une autre espèce à Lascaux…
Pour identifier le rhinocéros laineux Stéphane Petrognani précise qu’il se caractérise « par une silhouette basse et massive où s’insère la tête portée basse. Les membres du rhinocéros sont courts et larges« … Ce sont principalement les cornes qui permettent son identification sans doute.
Reconstitutions de rhinocéros dans les musées
C.R.
A lire sur les animaux ayant cotoyé l’Homme préhistorique
Eric Buffetaut