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Ours des cavernes
Ursus spelaeus
L’ours des cavernes est un animal préhistorique emblématique. Il apparaît dans l’imagerie populaire dressé et menaçant devant un homme du Paléolithique, et généralement devant une grotte. Dans la réalité, les ours des cavernes ne devaient pas souvent disputer l’accès à une cavité à un homme… Premièrement car l’homme n’avait pas lui-même d’intérêt à rentrer au fond des grottes, et deuxièmement car l’ours des cavernes était très majoritairement herbivore : l’homme n’était donc pas une proie !
Au Moyen-Age, en Allemagne, les ossements retrouvés dans les grottes avaient été identifiés comme des squelettes de dragon. De nombreuses cavités ont été appelées Grotte du dragon ou Trou du dragon (Drachenhöhle et Drachenloch)…
En 1794, c’est l’anatomiste allemand Johann Christian Rosenmüller qui, le premier, a identifié et nommé les restes fossiles appartenant à une nouvelle espèce éteinte trouvée à Muggendorf, Ursus spelaeus (en Allemagne).
Origine et répartition géographique des ours des cavernes
L’ours brun actuel (Ursus arctos) et Ursus spelaeus sont, d’après les analyses ADN, les descendants d’Ursus deningeri. Les premiers fossiles d’Ours des Cavernes (Ursus spelaeus) sont datés de – 250 000 ans. Il vécut en Eurasie, sur un territoire transversal d’ouest en est, jusqu’aux formations rocheuses de l’Oural. L’ours des cavernes recherchait particulièrement les régions montagneuses et boisées. C’est l’un des mammifères du Paléolithique qui nous a laissé le plus grand nombre de fossiles. Il a disparu il y 10 000 ans, laissant le champs libre à l’ours brun, encore vivant de nos jours.
Caractéristiques des ours de cavernes
Un ours des cavernes mâle atteignait, à l’âge adulte, des dimensions impressionnantes : son poids variait de 450 à 550 kilos et sa taille au garrot était de 1m30. Mais c’est lorsqu’il se redressait que l’homme préhistorique devait prendre peur : on estime que l’ours atteignait alors une taille de 3,50 mètres… Inutile de préciser que l’ours des cavernes devait éliminer un grand nombre de prédateurs, juste en se levant… A noter, un dimorphisme assez important, la femelle ne devait peser que 200 à 250 kilos.
Si son squelette est relativement semblable à celui de l’ours brun (hormis la taille !), son crâne est nettement différent. Ursus speleaus avait le front bas, un museau moins proéminent, une bosse sur le front. Comparativement à d’autres ursidés, l’ours des cavernes avait des molaires très développées et de petites canines indiquant un régime alimentaire majoritairement
L’ours des cavernes et l’homme préhistorique
Ursus speleaeus a été contemporain d’Homo neanderthalensis et des premiers Homo sapiens en Europe. De part sa taille et son aspect, l’ours des cavernes ne devait toutefois pas être souvent au menu des hommes préhistoriques. Ces derniers devaient plus être dans une logique de charognage pour dépecer un animal mort et en extraire la viande et la fourrure. Combattre un ours des cavernes adulte était bien trop risqué pour le bénéfice attendu. On peut en revanche supposer qu’un animal jeune ou malade pouvait être une proie plus facile pour « l’homme des cavernes »… On a d’ailleurs retrouvé sur des ossements d’ours des traces de « découpe » indiquant que l’animal a été au menu de quelques préhistoriques.
Au XX e, siècle des préhistoriens se sont enflammés sur une théorie : le culte de l’ours. Cette théorie était basée sur la présence de restes d’ursidés en relation avec une activité humaine. Crânes déplacés, ossuaires, « sépultures » ont ainsi participé à la construction intellectuelle de rites et de cultes voués à l’ours, d’après les travaux de l’archéologue Emile Bächler . On retrouve cette association sur des sites paléolithiques comme le Pech-Merle, Le Mas d’Azil, le Regourdou… Cette théorie est aujourd’hui abandonnée faute d’éléments probants :
– l’ours des cavernes n’est pas le seul animal dont les ossements ont été déplacés ou associés à des activités ou restes humains,
– les accumulations d’ossements dans certaines grottes sont en grande majorité naturelles,
– l’ours est rarement représenté dans l’art préhistorique matériel ou pariétal,
– l’association volontaire d’ossements d’ours avec ceux d’un être humain n’est pas avérée (comme les ours brun au Regourdou).
Mode de vie
Sur son territoire, vivant seul, l’ours des cavernes se nourrissait principalement de végétaux, de fruits et de baies. Plusieurs recherches indiquent toutefois qu’il ne négligeait pas ponctuellement de la viande animale, qu’il devait charogner, ou bien quelques invertébrés (insectes).
Il était actif au printemps et en été, saison des amours. En automne, il emmagasinait de la nourriture en prévision de l’hiver. Durant la période froide, Ursus speleaus s’installait au fond d’une bauge (son nid) dans une grotte afin de passer l’hiver en dépensant le moins possible d’énergie (vie au ralenti et baisse de la température corporelle).
Cette hivernation pouvait être fatale pour les individus très jeunes ou mal « préparés » qui pouvaient tout simplement mourir de faim. C’est pour cette raison que l’on a découvert un grand nombre de squelettes dans les grottes.
Disparition de l’ours des cavernes
Les fossiles les plus récents d’ours des cavernes sont situés vers – 10 000 ans. Pour expliquer cette récente disparition (comme pour d’autres animaux comme le mammouth ou le rhinocéros laineux…) la chasse humaine a été longtemps mise en avant. A ce jour aucun élément ne permet d’étayer cette théorie du génocide.
Une période de glaciation intense il y a 10 000 ans pourrait-elle avoir eu raison de l’ours des cavernes ? Oui, si l’on considère que le mode de vie de l’animal est fortement lié aux saisons et au climat. Si une période de froid sec s’installe en Eurasie il est inévitable que la faune et la flore sont impactées durablement. Avec des ressources en diminution l’ours des cavernes ne peut réaliser ses réserves avant la période d’hivernation… et d’autant moins supporter la période de froid…
L’ours dans l’art préhistorique
Dans l’art préhistorique l’ours n’est pas un sujet fréquemment représenté, que ce soit en art pariétal ou en art mobilier. Si le préhistorien Florian Berrouet ne comptabilise que 40 figures où l’animal identifié est un ours, Marc Azéma comptabilise quant à lui 52 ours dans l’art pariétal. De plus, ces représentations ne sont pas « équitablement » réparties : on en a 15 pour la seule grotte Chauvet et 8 pour la grotte des Combarelles…
Ours des cavernes
Peinture pariétale – Grotte Chauvet
Ours modelé – Grotte de Montespan (Haute Garonne)
Ours dans l’argile identifié en 1923 par Norbert Casteret.
Ce haut-relief mesure 1,20 mètres de longueur. Si la tête n’a jamais été trouvée, un crâne d’ours était posée entre ses pattes avant lors de la découverte. Le corps d’argile était transpercé de nombreux trous comme s’il avait servis de cible.
Le modelage, relativement abîmé, était comme effacé à certains endroits, indiquant que la « statue » pouvait avoir été recouverte de peaux…
L’ours caché de Lascaux >
Salle des taureaux
Dissimulé dans le poitrail d’un auroch, un ours brun émerge sous la première représentation en pointant son museau à droite et une patte à gauche.
En fait, la figure d’ours est postérieure au taureau ; elle a été réalisée par pulvérisation, le bout du nez, le contour des oreilles et les trois griffes ayant été effectuées au pinceau.
Art mobilier
Encore plus rares, les représentations d’ours des cavernes dans l’art mobilier.
Rondelle découpée du Mas d’Azil
(Fouilles Piette 1887 – 1900) .
La pièce est malheureusement fragmentée en deux parties. Sur la partie restante (gauche) une figure anthropomorphe semble debout, bras tendus.
Venant de la partie droite, une grosse patte dont on distingue les poils et les griffes (voir détail ci-contre).
Etant donné le positionnement de cette patte et sa hauteur par rapport à l’anthropomorphe, elle a été assimilée à une patte d’ursidé.
L’ours des cavernes dans les sites
Les traces de l’ours dans les grottes françaises, espagnoles, polonaises sont nombreuses et variées. Les bauges sont les éléments les plus visibles et souvent en grand nombre, comme à Rouffignac, où une partie des galeries est véritablement trouée de ces cavités qui servaient de litières en hiver. Les griffades d’ours sont également fréquentes sur les parois et ont parfois servi de base à l’homme préhistorique pour l’art pariétal (Bara-Bahau). Et bien entendu, des ossements et des dents d’ours des cavernes ont été retrouvés dans un grand nombre de grottes, ornées ou non.
C.R.
Sources
- L’art des cavernes en action
- http://www.museum.toulouse.fr/-/hommes-et-ours-a-l-epoque-prehistorique
- http://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/84-prehistoire-/4328-lhomme-prehistorique-face-a-lours.html
- http://museumdetoulouse.tumblr.com/post/70576512306/interview-de-dominique-armand-archeozoologue-et
- http://ourscavernes.canalblog.com/
- Santimamine Lasalles
- Musée de l’Ours des Cavernes
A lire sur les animaux de ma préhistoire
Eric Buffetaut