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Aurochs
Aurochs
Bos primigenius
C’est un animal préhistorique peu connu (et médiatisé) car ressemblant beaucoup trop à nos bovins actuels. Hormis la taille et le poids on pourrait confondre sa silhouette avec celle d’un taureau actuel. Preuve d’une répartition géographique importante, on a retrouvé des ossements de cet animal un peu partout en Europe dans les sites paléolithiques. Il a été également été l’un des sujets préférés des hommes du Paléolithique dans l’art préhistorique : il est souvent représenté dans les grottes ornées, notamment dans la célèbre grotte de Lascaux. Très bien adapté sous nos climats, l’aurochs n’a véritablement disparu qu’il y a un peu plus de 600 ans, principalement à cause d’ une chasse intensive.
Ce bovidé herbivore sauvage avait été domestiqué il y a 10 000 ans au Moyen-Orient et en Inde.
Plusieurs espèces d’aurochs ?
Dans les années 1800, les découvertes d’aurochs fossilisés de différentes tailles laissent supposer l’existence de deux espèces d’aurochs. Il faudra attendre des expertises plus approfondies pour comprendre que ce sont en fait les restes de mâles (plus imposants) et de femelles (plus petites) d’une seule et même espèce : Bos primigenius.
Pour certains paléontologues on peut toutefois distinguer une espèce d’origine, en Inde, Bos planifrons, qui évolue vers deux sous-espèces: Bos primigenius (le migrant vers l’Europe) et Bos namadicus (qui reste en Inde).
En 1758, Linnaeus avait nommé cette espèce éteinte Bos urus. Elle a été définitivement renommée Bos primigenius par Bojanus en 1827.
Origine et expansion des aurochs
Pour la plupart des paléontologues, Bos primigenius est originaire d’Afrique et migre en Europe aux alentours de 600 000 ans, à la faveur d’un climat tempéré. Sa migration, comme celle de l’éléphant antique, coïnciderait avec l’arrivée des Acheuléens sur notre continent, pratiquant un comportement de chasse (Martinez-Navarro, 2007, 2010). A partir de 400 000 ans, l’aurochs est largement représenté en Europe, lors de périodes tempérées. Citons le gisement de Terra Amata qui a livré parmi les plus anciens restes de cet animal en France (Valensi et al., 2011). On retrouve partout en Europe des traces de sa présence, à l’exception de l’Irlande et de la Scandinavie moyenne et septentrionale.
Caractéristiques de l’aurochs
Les dimensions de ce bovin sont imposantes : entre 1,6 et 1,8 mètre de hauteur à l’épaule (1,50 m pour la femelle) pour un poids de 800 à 1000 kg. A noter, ces proportions semblent avoir diminué entre le Pléistocène et l’Holocène.
Les cornes de l’aurochs sont de dimensions conséquentes. Si chez le mâle elles peuvent atteindre 107 cm d’envergure, contre 70 cm pour la femelle, il apparaît que la moyenne se situait plus simplement vers les 80 cm.
En se basant sur les peintures pariétales il est possible de se faire une idée de la couleur de la robe de l’animal. A la naissance les petits sont d’une couleur brun-rougeâtre. Le mâle (taureau) va prend ensuite une teinte brune, presque noire, alors que la femelle (vache) va garder sa robe de naissance. Le mâle développe également une bande de couleur claire le long de la colonne vertébrale. Il faut toutefois noter que la palette des artistes paléolithiques étant limitée, les couleurs utilisées étaient peut-être tout simplement les seules disponibles…
De manière globale, le dimorphisme sexuel était très accentué.
Mode de vie
Les aurochs vivaient en troupeaux regroupant les vaches, les taureaux et les veaux. Ils se déplaçaient en permanence dès qu’ils avaient épuisé les ressources d’une vallée.
Ils se nourrissaient principalement de graminées en été et au printemps, régime qu’ils complétaient avec des herbes et des feuilles d’arbres ou de buissons. En automne et en hiver ils se rabattaient sur les jeunes pousses de branches, les glands ou les écorces d’arbres.
En se basant sur les dernières populations répertoriées en Pologne, la période de reproduction était à la fin de l’été. Les veaux venaient au monde au printemps.
A gauche : aurochs gravé sur bloc, trouvé dans l’abri de Laugerie-Basse. Exposé au Musée de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac.
Les derniers aurochs
La domestication de l’aurochs se situe au Proche-Orient aux alentours de 11 000 ans BP (Vigne, 2011). Au Néolithique et au Mésolithique on retrouve assez souvent des restes d’aurochs montrant que l’espèce sauvage était encore présente en Europe et en France. Il faut noter que les ossements des aurochs et des premiers bovins domestiques étant assez semblables il est très difficile de les attribuer précisément à une espèce. Les os de l’espèce domestique sont plus petits mais le fort dimorphisme sexuel chez l’espèce sauvage, rend difficile la distinction entre un mâle domestique et une femelle sauvage. Les paléontologues ont alors recours aux analyses ADN.
En France, des écrits mentionnant des aurochs datant des 12ème et 13ème siècles, sont les dernières preuves de sa présence sur notre territoire.
La disparition des aurochs est attribuée à une chasse intensive (surtout en période de famine) mais également à des épizooties contractées par la proximité des bovins domestiques, ces derniers grignotant les espaces vitaux des aurochs, tout comme l’extension des terres cultivées.
Les derniers aurochs se sont « réfugiés » en Pologne au 15ème siècle. Du fait de leur rareté, c’était une proie de choix car l’espèce ne pouvait plus être chassée que dans la réserve royale de Varsovie ! Le dernier spécimen identifié, une femelle est morte en 1627, au zoo de Varsovie.
L’aurochs dans l’art préhistorique
L’aurochs, qui n’était pas le sujet majeur des représentations dans l’art pariétal, représente quand même entre 7 et 8 % du total des figures (selon les études de Leroi-Gourhan et Sauvet). Le plus grand nombre de représentations d’aurochs se trouve dans la grotte de Lascaux. C’est dans ce même lieu que figurent les aurochs les plus spectaculaires…
L’aurochs représenté dans l’art mobilier
Les représentations d’aurochs dans l’art mobilier sont relativement rares et difficiles à identifier : si l’animal est incomplet il peut y avoir confusion avec le bison. On peut toutefois citer la grotte de la Vache qui a donné plusieurs os gravés avec une figure d’aurochs. En tant que support de l’art mobilier, l’aurochs n’était pas utilisé par les hommes du Paléolithique.
Où voir des restes ou reconstitutions d’Aurochs ?
Voir des aurochs vivants ?
Plusieurs élevages présentent aujourd’hui des enclos où pâturent des « aurochs reconstitués ». Le dernier aurochs identifié a pourtant disparu il y a plusieurs siècles. C’est donc un abus de langage.
Dans les années 1920 des biologistes allemands ont voulu recréer l’espèce disparue. Ils sont partis du principe que nos bovins actuels (comme les vaches) sont des descendants des aurochs. Ils ont donc croisé différentes races domestiques de bovins qui présentaient des caractères rustiques. Ils ont obtenu un animal qui ressemble physiquement à un aurochs, mais avec de légères différences : le nouvel animal est plus petit, avec des cornes moins imposantes.
Depuis, de nouveaux croisements ont permis d’augmenter la taille de l’animal et de ses cornes. Même si l’animal ressemble de plus en plus à son modèle, il est impossible de remonter génétiquement le temps et les aurochs sont bel et bien morts. L’animal que vous pourrez observer est donc une nouvelle espèce qui a seulement l’apparence de l’aurochs…
Nous remercions Patricia Valensi (Laboratoire Départemental de Préhistoire du Lazaret) et Eric Le Brun pour les corrections apportées à ce dossier.
Sources
– Aurochs le retour. Aurochs, vaches et autres bovins de la préhistoire à nos jours. Collectif
– Terra Amata Nice, Alpes-Maritimes, France. Tome II, Patricia Valensi, Henry de Lumley, Michel Beden, Lucien Jourdan, Frederic Serre.
– L’art des cavernes en action, Tome 1, les animaux modèles, Marc Azéma.
– The origin of animal domestication and husbandry : A major change in the history of humanity and the biosphere, Jean-Denis Vigne.
– The Olduvai buffalo Pelorovis and the origin of Bos, Bienvenido Martínez-Navarro, Juan Antonio Pérez-Claros, Maria Rita Palombo, Lorenzo Rook, Paul Palmqvist.
– A new species of bull from the Early Pleistocene paleoanthropological site of Buia (Eritrea): Parallelism on the dispersal of the genus Bos and the Acheulian culture, Bienvenido Martinez-Navarro, Lorenzo Rook, Mauro Papini, Yosief Libsekal.
Eric Buffetaut