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Deux lignées de néandertaliens séparées il y a 100 000 ans…
Au moins deux lignées de néandertaliens séparées il y a 100 000 ans…
Il y a 42 000 ans il y avait, au moins, deux lignées de néandertaliens. La dernière a été génétiquement identifiée près de la grotte Mandrin à Malataverne. Ce sont dents et une mâchoire qui ont permis de découvrir cette autre population néandertalienne.
La grotte Mandrin : Néandertal et Sapiens… il y a 54 000 ans
Le site de la grotte Mandrin est situé sur la commune de Malataverne dans la vallée du Rhône. Aux temps paléolithiques elle bénéficiait d’une situation idéale pour ses occupants : un abri protégeant des intempéries, l’eau courante avec un accès, plus bas, à la rivière et une vision panoramique sur la vallée pour repérer les troupeaux de bisons et de chevaux…
La cavité est fouillée depuis 1990 de manière scientifique. C’est l’archéologue Ludovic Slimak qui supervise les fouilles archéologiques qui ont permis de mettre au jour une stratigraphie de plus de 3 mètres d’épaisseur.
D’un point de vue anthropologique les chercheurs ont découvert des dents humaines dont une attribuée à un jeune Homo sapiens, alors que les autres appartiennent à des néandertaliens.
L’industrie lithique est également présente avec un grand nombre de pointes de flèches qui présentent des similitudes avec celles retrouvés sur le gisement de Ksar Akil au Liban. Les études de Ludovic Slimak tendent à prouver que des Homo sapiens étaient déjà présents Dans la vallée du Rhône il y a 54 000 ans. Cette hypothèse n’est pas acceptée par tous les chercheurs.
Une découverte tenue secrète
En 2018 les équipes de la grotte Mandrin commencent à découvrir des restes humains emprisonnés dans les sédiments. Les dents et la mâchoire vont être dégagées minutieusement car fragilisés dans les couches plus dures de sédiments. Puis, plus tard, des fragments de phalange et d’autres dents isolées vont être mises au jour… C’est un événement car cela fait plus de 40 ans qu’un fossile de néandertalien n’avait pas été trouvé en France. Le dernier à la Roche à Pierrot (Saint Césaire) s’appele Pierrette. Pour la grotte Mandrin cela sera Thorin (le personnage du roman Bilbo le Hobbit de Tolkien)… Mais la découverte de Thorin n’est pas diffusée car Ludovic Slimak veut faire réaliser des études complémentaires pour confirmer cet événement en évitant les controverses.
La datation : pas évidente
Selon la position des restes dans la stratigraphie le fossile est peut-être daté entre 42 et 50 000 ans. Une datation au carbone 14 complique un peu les choses et donne un chiffre de 37 000 ans… Mais surtout l’étude génétique indique que ce génome appartient à un néandertalien de 100-105 000 ans !
Publication dans la revue Cell, 6 ans après les premières découvertes !
Pour expliquer de telles différences de datation, l’étude montre que Thorin est le descendant d’une population néandertalienne qui s’est détachée de la lignée principale des néandertaliens d’Europe depuis plus de 100 000 ans et s’est retrouvée totalement isolée génétiquement. Ludovic Slimak indique que Thorin est le vestige d’une branche ancienne. Une population de néandertaliens s’est donc développée un peu à part, sans contact avec les autres clans, même si d’autres clans de néandertaliens étaient installés à une certaine proximité.
Les néandertaliens de Mandrin étaient donc plutôt du genre pas communicants et sédentaires. Pour Ludovic Slimak « La population de Thorin a passé cinquante millénaires à ne pas échanger de gènes avec des populations qui sont à moins de deux semaines de marche. »
Cet isolement et ce manque d’échange généraient également des problèmes génétiques comme la consanguinité. La mâchoire de Thorin présentait des anomalies comme des molaires surnuméraires implantées derrière les dents de sagesse.
Cet isolement et ses conséquences génétiques ont pu avoir une incidence sur les populations néandertaliennes. C’est du moins ce que pense Ludovic Slimak « Il est probable que le comportement de ces populations a induit leur propre extinction. Ils se sont éteints d’eux-mêmes, balayés par ce qu’ils étaient. »
Quelques réactions de scientifiques…
Pour la généticienne Tharsika Vimala (University of Copenhagen)
« C’est toujours une bonne chose pour une population d’être en contact avec d’autres populations. Lorsque vous êtes isolé pendant une longue période, vous limitez la variation génétique dont vous disposez, ce qui signifie que vous avez moins de capacité à vous adapter aux changements climatiques et aux agents pathogènes, et cela vous limite également socialement car vous ne partagez pas vos connaissances ou n’évoluez pas en tant que population.«
Pour le Paléoanthropologie Antoine Balzeau (Musée de l’Homme, Paris)
« L’article livre des conclusions qu’il n’étaie pas forcément. Il aborde les questions sociales de manière un peu trop poussée par rapport à la réalité des données. Il est délicat de tirer beaucoup d’enseignements des comparaisons de trop rares génomes : chaque nouveau spécimen découvert peut en effet bouleverser l’arbre génétique de Neandertal.«
Pour la généticienne Evelyne Heyer (MNHN, Paris)
« Dans les données génétiques que l’on a depuis une quinzaine d’années, on voit une décroissance des populations néandertaliennes même avant l’arrivée de Sapiens ». Elle trouve que l’analyse des données génétiques est convaincante mais reste plus réservée sur les conclusions qui en sont tirées sur l’isolement génétique du groupe de Thorin. «
Sources
Cell Genomics
Long genetic and social isolation in Neanderthals before their extinction
https://www.cell.com/cell-genomics/fulltext/S2666-979X(24)00177-0?_returnURL=https%3A%2F%2Flinkinghub.elsevier.com%2Fretrieve%2Fpii%2FS2666979X24001770%3Fshowall%3Dtrue
Le Monde
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/09/11/les-causes-de-l-extinction-de-neandertal-revisitees-par-la-decouverte-d-un-nouveau-specimen-en-france_6313516_1650684.html
Theconversation
https://theconversation.com/neandertal-un-corps-retrouve-en-france-revele-quil-ny-avait-pas-une-mais-au-moins-deux-lignees-au-moment-de-leur-extinction-238595
Géo
Une ancienne lignée néandertalienne restée isolée pendant plus de 50 000 ans découverte en France
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Laurent Carozza, Cyril Marcigny