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Des signes gravés il y a 500 000 ans…
Des signes gravés il y a 500 000 ans…
Quelques lignes sur un coquillage forment une gravure en zig-zag et c’est un vrai cataclysme dans l’évolution de l’humanité… Homo erectus était peut-être plus développée cognitivement que nous le pensions…
En 2007, Stephen Munro était un étudiant diplômé en archéologie. Alors qu’il étudiait quelques coquilles de Java, en Indonésie, il a eu le choc de sa vie: il a constaté que l’une des coquilles avait un motif de lignes en zig-zag gravé à la surface. En utilisant la microscopie, l’archéologue Francesco d’Errico (Université de Bordeaux) a montré que les marques avaient été réalisées en une seule session à l’aide d’un outil tranchant.
« Je suis presque tombé de ma chaise», dit Munro. Jusqu’à présent les plus anciennes gravures réalisées par l’homme dataient de 100 000 ans en arrière (grotte de Blombos, Afrique du Sud) et avaient été attribuées à Homo sapiens, seule espèce que l’on croyait capable de faire des dessins abstraits.
L’étude a été publiée dans Nature.
L’étude
Les coquillages fossilisés se trouvaient dans une collection du musée depuis un certain temps. Ils provenaient du site de Trinil à Java en Indonésie et avaient été découvert par Eugène Dubois en 1891
(Photo du site en 1900 à droite) .
L’équipe, composée de 21 chercheurs (Université libre d’Amsterdam), a analysé les coquilles et les sédiments associés. Le motif géométrique gravé sur l’une des coquilles était totalement inattendu. Il faut noter que pour faire ressortir les lignes gravées il faut que la lumière se présente sous un angle particulier.
Les chercheurs ont datés les sédiments d’ou ont été extrait les coquilles et ont estimé que leur âge se situe entre -430 000 et -540 000 années à l’aide de deux méthode de datation différentes (Argon et thermoluminescence).
« Il est fantastique que cette coquille gravée ait été découverte dans une collection de musée où elle a été entreposée pendant plus de cent ans. Je peux imaginer les gens doivent se demander si l’on peut considérer cela comme une forme d’art…», explique Wil Roebroeks, professeur d’archéologie paléolithique à l’Université de Leiden.
Qui a réalisé ces gravures ?
l y a 500 000 ans (datation du coquillage), Homo sapiens n’existait pas encore. En Indonésie, une espèce était présente, Homo Erectus. Cette espèce d’hominidé vivait depuis 1,9 millions d’années. Originaires d’Afrique, les Homo erectus se sont répandus vers la Géorgie, l’Inde, le Sri Lanka, la Chine et Java. On peut donc penser que c’est Homo erectus à Java utilisait ces coquilles de moules d’eau douce comme outils il y a un demi-million d’années, et qu’il gravait parfois ces « outils » de motifs géométriques.
«Jusqu’à cette découverte, on supposait que des gravures comparables n’avaient été faites que par des hommes modernes (Homo sapiens) en Afrique, il y a environ 100.000 ans« , explique l’auteur principal de l’étude José Joordens ( Faculté d’Archéologie à l’Université de Leiden).
Une évolution cognitive plus précoce que prévue ?
Cette découverte est très importante car de nombreux psychologues pensent que les gravures géométriques sont une preuve des capacités cognitives évoluées, et que seuls les humains modernes sont sensés avoir de telles capacités cognitives. Cela signifie également qu’Homo Erectus n’a pas seulement taillé des outils de pierre, mais qu’il a aussi su utiliser des coquillages comme outils. L’une des coquilles montrait un bord lisse et poli indiquant qu’il a été utilisé comme un outil pour couper ou gratter.
Un Homo erectus qui appréciait les fruits de mer ?
Homo Erectus était assez créatif avec les coquilles – tout d’abord, ils les ouvraient en creusant un trou à travers la coquille. Il forait la coquille avec un objet dur et pointu exactement à l’endroit où se trouve le muscle qui tient la coquille fermée et hermétique. Le fait de couper ce pied musculaire permet à la coquille de rester ouverte. Les archéologues ont trouvé de nombreuses coquilles trouées de la même manière. Si ces premières études sont confirmées, cela signifie que avant d’utiliser les coquillages comme outils il étaient ouverts pour être simplement consommées.
« La précision avec laquelle ces premiers humains ont travaillé indique une grande dextérité et une connaissance approfondie de l’anatomie de ces mollusques» indique Frank Wesselingh, chercheur et expert en coquilles fossiles au Naturalis.
Un faux est-il possible ?
Serait-il possible que les gravures aient été réalisées récemment ? L’étude des gravures montre que le fond de la rainure est arrondi et lisse. Ce qui ne serait pas le cas si les gravure étaient récentes : elles seraient alors « en dents de scie et tranchantes ». Cette confirmation au microscope a été réalisée par l’archéologue Robin Dennell (Université d’Exeter en Angleterre).
En tout cas, comme à Blombos, il est difficile d’associer ces quelques lignes gravées à une démarche artistique.
C.R.
Sources
Joordens J.C.A., d’Errico F., Wesselingh F.P., Munro S. de Vos, J., Wallinga, J. Ankjærgaard, C., Reimann, T., Wijbrans, J.R., Kuiper K.F., Mücher H.J., Coqueugniot, H., Prié, H.V., Joosten, I., van Os, B., Schulp, A.S., Panuel, M., van der Haas V., Lustenhouwer W., Reijmer J.J.G., Roebroeks, W. Homo erectus at Trinil on Java used shells for tool production and engraving.
http://www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/full/nature13962.html
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