Accueil / Accueil – articles / Des fossiles humains découverts au Laos et datés de 86 000 ans
Des fossiles humains découverts au Laos et datés de 86 000 ans
Des fossiles humains découverts au Laos et datés de 86 000 ans
Les premiers Homo sapiens à avoir quitté l’Afrique ont atteint l’Asie plus tôt que prévu, révèle la découverte de fossiles
Les plus anciens Homo sapiens ont été découverts en Afrique au Maroc au Djebel Irhoud. Ils sont datés de 300 000 ans. Ces premiers humains ont quitté le continent africain pour « conquérir » le reste du la planète. Si tous les scientifiques sont d’accord sur le principe d’une sortie d’Afrique il reste des incertitudes sur la chronologie des évènements. Pour la communauté scientifique il paraissait probable que les Homo sapiens soient partis en une seule vague à la conquête du monde il y a environ 50 à 60 000 ans. Mais de nouvelles études remettent en cause ces paradigmes, à la fois sur la date mais également sur le nombre de vagues !
Des fossiles d’Homo sapiens au Laos depuis plus de 68 000 ans
Selon une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Communication , deux fossiles d’hominidés découverts dans la grotte de Tam Pà Ling ( province de Houaphan au Laos) montrent que l’Homo sapiens, était présent dans la région il y a plus longtemps que l’on ne le pensait. D’une part un fragment d’os frontal a été daté d’au moins 68 000 ans et de l’autre un morceau de tibia atteint l’âge de 77 000 ans. Par ailleurs des dents de bovins trouvés dans la les mêmes couches stratigraphiques sont, elles, datées de 86 000 ans.
Comme la législation au Laos interdit la destruction même partielle de restes humains les chercheurs ont effectué une datation par thermoluminescence. Cette méthode consiste à mesurer l’accumulation, en fonction du temps, des électrons piégés dans les minéraux de quartz et de feldspath. Non intrusive, la méthode a permis de dater les sédiments autour des fossiles humains, sans les détruire.
Des Homo sapiens aventureux mais pas forcément chanceux
Il apparait donc que les Homo sapiens étaient sortis d’Afrique il y a bien longtemps et probablement en plusieurs petites vagues. Ces « excursions » n’ont pas laissés de trace dans les gènes des populations. Il semble que l’aventure se soit arrêtée là pour ces baroudeurs paléolithiques, sans descendance. Le paléoanthropologue Fabrice Demeter, responsable de l’équipe de chercheurs précise au Monde « L’ensemble de ces découvertes suggère un schéma de dispersion plus complexe, difficile à réconcilier avec les données génétiques, à moins que ces sorties précoces ne représentent des colonisations infructueuses »
Pour ces premiers migrants il semble donc que l’aventure s’est arrêtée rapidement. « Il y a de fortes chances que cette migration précoce ait échoué, mais cela ne détourne pas l’attention du fait que H. sapiens était arrivé dans cette région à cette époque, ce qui est une réalisation remarquable« , a déclaré l’auteur de l’étude Kira Westaway, professeur agrégé à l’Université Macquarie en Australie.
Une remise en question de la chronologie des migrations d’Homo sapiens en Asie
Les études génétiques des populations humaines actuelles démontre que les premiers humains modernes ont quitté l’Afrique il y a environ 50 000 à 60 000 ans. Pour les archéologues ces premiers Homo sapiens avaient dû suivre les côtes et les îles à travers l’Asie du Sud-Est jusqu’en Australie.
Par ailleurs le nombre de restes humains plus anciens découverts en Chine augmentait. Au minimum cela montre que la chronologie devait être plus compliqué que le scénario simple d’une vague unique il y a 50 à 60 000 ans…
Pour Kira E. Westaway (professeur à l’Université de Macquarie Sydney, Autralie) qui est l’une des auteures de l’étude il devient évident que «la migration d’il y a 50 000 à 60 000 ans qui contribue à notre pool génétique actuel n’a peut-être pas été la première« . Et elle indique « Il est probable qu’il y ait eu des migrations antérieures qui n’ont pas réussi et elles n’ont donc pas contribué au patrimoine génétique des populations modernes. »
Une région avec des découvertes préhistoriques nombreuses
Sur un gisement voisin, dans la grotte de Cobra, des chercheurs ont trouvé une dent qui attribuée à un Dénisovien, un humain qui garde encore sa part d’inconnu. Plus étonnant, cette dent a 70 000 ans de plus que les premiers restes de Tam Pa Ling. Mais la proximité géographique ne prouve pas que les deux espèces (Homme modernes et Dénisoviens) se soient rencontrées ou mélangées.
D’autres découvertes anthropologiques en Indonésie et aux Philippines ont elles aussi complexifiées l’arbre généalogique des hominidés avec de nouvelles espèces humaines comme Homo floresiensis et Homo luzonensis…
« Cette région est un endroit privilégié pour poser certaines de ces questions sur les migrations puisque l’Asie du Sud-Est continentale se trouve vraiment au carrefour de l’Asie de l’Est et de l’Asie du Sud-Est insulaire/Australie« , a déclaré l’auteur principal de l’étude, Fabrice Demeter.
C.R.
Sources
Freidline, S.E., Westaway, K.E., Joannes-Boyau, R. et al. Early presence of Homo sapiens in Southeast Asia by 86–68 kyr at Tam Pà Ling, Northern Laos. Nat Commun 14, 3193 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-38715-y
Le Monde
A lire également
2022 Une dent de fillette au Laos datée de 130 000 ans appartient-elle aux dénisoviens ?
2022 Une amputation au Paléolithique il y a 31 000 ans à Bornéo
2021 En indonésie, une peinture de sanglier a été datée de 45 500 ans
2019 Une scène de chasse vieille de plus de 40 000 ans en Indonésie
2018 A Bornéo, un art préhistorique très ancien
2017 Un pendentif indonésien vieux de 26 000 ans
2015 Des fossiles humains trouvés au Laos attestent d’une diversité humaine ancienne