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Des empreintes de pas de 780 000 ans au moins, en Grande-Bretagne
Pour une fois, ce n’est pas en Afrique que des traces de pas ont été découvertes. C’est dans le Norfolk (nors-est de Londres) que les vagues ont laissé apparaître des empreintes d’hominidés…
Une découverte au gré des marées
Sur la plage de Happisburgh (Norfolk en Angleterre) de fortes marées ont mis à jour une partie de la côte sous la plage. C’est à marée basse que des scientifiques ont été prévenus que la houle avait balayé une grande partie du sable, laissant apparaître la roche à nue. Sur une surface de 12m2, la roche était parsemée de petites cavités de la taille d’un pied. Cette découverte, faite en mai 2013, n’a été rendue publique qu’en février 2014.
Les lieux sont connus depuis longtemps des scientifiques qui ont mis à jour des pierres taillées et également des restes osseux de faune (notammant des mammouths, et des chevaux…). A l’époque, la Grande-Bretagne était reliée à l’Europe continentale et le site de Happisburgh correspondait à un large estuaire situé à plusieurs kilomètres de la côte.
La découverte a été dévoilée au British Museum, à Londres, et dans la revue scientifique PLoS ONE. Il est prévu que le Muséum d’Histoire Naturelle de Londres crée une exposition sur le sujet.
Des empreintes de plus de 780 000 ans
Les scientifiques dépêchés ont travaillé en urgence. Il fallait dégager complètement le sable de cette partie de la plage.
Sur le sol de limon compressé, 49 empreintes sont apparues à marée basse. Sur certaines empreintes les chercheurs ont pu identifier les marques de talon, la voûte plantaire et plus rarement les orteils.
Les différences de taille des empreintes ont permis de penser qu’il y avait au moins 5 individus. Les plus grands (les adultes) devaient mesurer 1,70 mètre et les plus petits moins d’un mètre. La distance entre chaque pas permet d’imaginer la scène suivante : deux adultes marchent sur la rive d’un fleuve pendant que les enfants courent autour d’eux. Cela correspondrait donc plus à une cellule familiale qu’à un groupe de chasseurs. Petit détail amusant, les plus grandes empreintes correspondent à la pointure 42 !
Pour le Dr Isabelle De Groote (anthropologue à l’Université de Liverpool) «Nous avons identifié au moins cinq personnes. Il est probable qu’elles étaient liées, et si elles n’étaient pas membres de la famille elles ont dû appartenir au même groupe familial. »
Qui étaient ces « européens » du Nord?
Jusqu’à présent les empreintes de pas les plus anciennes avaient été retrouvées sur le continent africain. A Laetoli, en Tanzanie, des empreintes de pas sont attribuées à des australopithèques marchant sur des cendres volcaniques il y a 3,5 millions d’années. A Koobi Fora, au Kénya, il y a 1,5 millions d’années, des hominidés (probablement Homo erectus) ont également laissé des empreintes de bipédie.
Les empreintes de Happisburgh, dont l’âge est estimé entre – 780 000 et 1 million d’années, ne peuvent pour l’instant être attribuées à une espèce en particulier. Ce qui est certain, c’est qu’Homo sapiens en tant que tel n’existait pas encore à cette époque. Pour les mêmes raisons Néandertal ne peut pas non plus être l’auteur des traces.
La seule espèce connue en Europe il y 800 000 ans c’est Homo antecessor dont les restes ont été retrouvés à Atapuerca, en Espagne. Il est tout à fait imaginable que cette espèce se soit déplacée vers le Nord, sachant qu’à l’époque l’Angleterre était reliée au continent.
L’occupation humaine de la Grande-Bretagne
Auparavant, la plus ancienne preuve de présence humaine en Grande-Bretagne était un ensemble d’outils de pierre retrouvés près de Lowestoft, dans le Suffolk, et datées de – 700 000 années. Le site de Happisburgh a également délivré une industrie lithique datée d’au moins – 780 000 ans.
Isabelle De Groote complète « Le site de Happisburgh peut contribuer à la compréhension des mouvements de populations humaines en Grande-Bretagne mais également en Europe. »
L’anthropologue Chris Stringer (Muséum d’histoire naturelle à Londres) qui a travaillé avec l’équipe, a déclaré : «Les êtres humains qui ont fait les empreintes Happisburgh sont peut-être liés aux populations retrouvées à Atapuerca en Espagne, attribuées à l’espèce Homo antecessor. »
Datation
Pour dater et comprendre le gisement la géologie a été appelée à la rescousse. Le géoarchéologue Simon Lewis (Université Queen Mary à Londres) a déclaré: «Bien que nous savions que les sédiments étaient anciens, nous devions être certains que les traces de pas étaient aussi anciennes et n’avaient pas été créées récemment ou artificiellement ».
Il ajoute : « Il n’existe pas, à ce jour, de processus d’érosion qui créent ce type de traces. En outre, les sédiments sont trop complexes pour que les creux aient été faits récemment. » La datation du site est estimée entre – 780 000 ans et 1 million d’année
L’érosion naturelle du site
Le site étant facilement accessible (et détériorable) à marée basse, l’équipe de scientifiques s’est entourée de toutes les précautions pour garder les données du gisement. Après avoir enlevé le sable restant, l’équipe a retiré l’eau de mer restée prisonnière des empreintes.
Toute la surface a été relevée et enregistrée en 3D grâce à une technique de prise de vues multiples en photogrammétrie.
Sources
Photos Simon Parfitt
PLOS
ScienceDaily
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