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La Dame Rouge (Red Lady) et le mode de vie Magdalénien
La Dame Rouge (Red Lady) livre des secrets magdaléniens
Deux études sur la sépulture de la grotte d’El Mirón (Espagne) nous en apprennent un peu plus sur la vie et la mort des Magdaléniens.
Il y a 19000 ans, une femme a été recouverte d’ocre rouge avant d’être enterrée dans une grotte du nord de l’Espagne. Que peuvent nous apprendre ces ossements et la sépulture sur la vie au Paléolithique dans l’ouest de l’Europe ?
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Une tombe magdalénienne
« La tombe était positionnée dans une partie de la grotte dans laquelle les paléolithiques vivaient », raconte Lawrence Guy Straus (Université New Mexico, à Albuquerque) co-responsable des fouilles d‘El Mirón depuis 19 ans avec Manuel González Morales (Université de Cantabria ). Il semble que la sépulture, visible de tous, était intégrée à la vie du clan… par-delà la mort, la Dame Rouge était présente parmi les siens.
Depuis 1996, des dizaines de chercheurs se sont succédé sur le site d’EL Mirón. Lors de la découverte de la sépulture, les premiers éléments trouvés furent un tibia et une mâchoire colorés en rouge vif. Avec le temps, la coloration à l’ocre rouge s’est estompée. Ce pigment à base d’oxyde de fer a souvent été utilisé et appliqué dans des sépultures. Pour les chercheurs comme Strauss « cette couleur devait être extraordinaire, probablement car la teinte rappelle celle du sang qui peut aussi bien symboliser la vie que la mort ».
El Mirón, une grotte ornée et un bloc gravé
« La période magdalénienne est une véritable explosion de l’art préhistorique, à la fois en nombre mais aussi en qualité (réalisme) des animaux représentés », indique Straus, « ceci est particulièrement vrai dans les sites du nord de l’Espagne et en France. La grotte El Mirón présente une gravure de cheval et peut-être une autre de bison. Mais le plus intriguant, ce sont les lignes gravées sur le bloc de calcaire de 2 mètres qui se trouvait devant la sépulture du squelette enterré » rajoute-il.
A première vue, les lignes semblent gravées un peu au hasard mais un regard attentif permet de remarquer un motif triangulaire. Ce motif en V pourrait représenter un sexe féminin. Pour les chercheurs le V gravé dans la pierre pourrait indiquer qu’une femme est enterrée ici. Une indication semblable à ce que nous utilisons sur nos pierres tombales actuelles où le nom et le prénom du défunt sont gravés.
Une femme d’importance ?
La Dame Rouge a été découverte en 2010 lorsque les archéologues ont dégagé l’arrière de la dalle de calcaire. La datation au radiocarbone indique que le bloc était tombé du plafond avant l’ensevelissement du squelette (au plus quelques centaines d’années avant). D’après les chercheurs, le bloc a été gravé plus ou moins simultanément à l’enterrement.
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L’étude des ossement et des dents indique que la femme était âgée entre 30 et 40 ans à sa mort. Elle a été inhumée entre la paroi de la grotte et une large dalle gravée placée devant. Son corps a été recouvert de pigment rouge vif. Par ailleurs, il semble que de petites fleurs jaunes ont été éparpillées sur le corps il y a 18 700 ans. A cette époque, les sépultures individuelles et aussi élaborées sont d’une extrême rareté. La Dame Rouge a donc bénéficié d’un traitement funéraire spécifique et rarissime.
De l’ocre d’ailleurs…
A noter, à El Mirón les Paléolithiques ont utilisé de l’ocre qui ne provient pas des environs. Les hommes de la préhistoire utilisaient l’ocre sur le corps ou sur les vêtements, comme conservateur, ornement ou par rituel…
Un squelette mâchouillé par des canines de mammifère…
Le squelette est incomplet, ce qui pourrait être expliqué par les marques de mâchage sur l’arrière du tibia. Les traces montrent que c’est probablement un loup ou un chien qui a rongé les ossements. La plupart des restes a du être emportée dans un autre lieu. Pour les chercheurs, il semble que c’est à ce moment là que le tibia et la mâchoire ont été traîtés à nouveau avec de l’ocre… Une deuxième inhumation a peut-être été pratiquée.
Des gerbes de fleurs jaunes ?
María-José Iriarte-Chiapusso et Alvaro Arrizabalaga (Université du Pays Basque, Espagne) se sont concentrés sur le pollen découvert dans la sépulture. Cette forte concentration de pollen de Chenopodiaceae (famille des épinards) laisse penser aux chercheurs que cette plante aurait pu être utilisée comme médecine… ou plus logiquement comme des offrandes de fleurs jaunâtres lors de « l’enterrement ».
Un régime alimentaire très carnivore…
L’étude des isotopes de l’émail dentaire et les traces d’usure microscopiques sur ses dents révèlent que la Dame Rouge consommait principalement de la viande animale (environ 80 pour cent de son régime alimentaire). Dans une plus petite mesure, les chercheurs ont également identifié du saumon, ainsi que des matières végétales…
La Red Lady (ou Dame Rouge) a vécu au Magdalénien, à la fin du Paléolithique supérieur. Représentante de l’espèce Homo sapiens, comme les hommes actuels, la Dame Rouge devait porter des vêtements, parler, vivre en communauté comme la plupart des groupes à travers l’Europe. Même si les Magdaléniens étaient dispersés également au Portugal et en Espagne, c’est le premier rituel funéraire de cette période identifié dans la péninsule ibérique.
C.R.
Sources
The vegetational and climatic contexts of the Lower Magdalenian human burial in El Mirón Cave (Cantabria, Spain): implications related to human behavior.
Magdalenian-age graphic activity associated with the El Mirón Cave human burial.
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