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Cussac, étude de la grotte ornée et sépulcrale de 30 000 ans
Fait exceptionnel, la grotte de Cussac est connue pour ses gravures pariétales mais elle a également été un lieu de multiples sépultures
Cussac l’une des dernières grottes ornées découverte en Périgord
Longue de 1.6 kilomètre, la grotte de Cussac a été découverte il y a 20 ans le 30 septembre 2000 par le spéléologue Marc Delluc. Elle est située sur la commune du Buisson de Cadouin. En 2005 le préhistorien Norbert Aujoulat publie un inventaire des 135 représentations pariétales composées en grande majorité de gravures qui font de Cussac une sorte de « Lascaux de la gravure« . L’animal le plus représenté est le bison devant le mammouth et le cheval. Ces gravures gravettiennes ont été réalisées avec un objet dur comme un outil lithique ou osseux, voir un bout de bois ou même les doigts. La paroi de calcaire est ocre et c’est la gravure qui permet de faire ressortir la couleur blanche sous-jacente. Depuis 2009 c’est le préhistorien Jacques Jaubert qui a repris les recherches à Cussac. Au total ce sont maintenant plus de 150 EG (entités graphiques) qui ont été identifiées sur les parois. Particularité de la grotte de Cussac, la présence de sépultures humaines disposées dans les bauges d’ours* abandonnées (cavités dans le sol ou les ours se lovent pour l’hibernation). Ce sont les restes d’au moins 6 individus qui ont été déposés dans les cavités vides.
L’auteur de l’étude, Sébastien Villotte, anthropologue à l’Université de Bordeaux, a indiqué que la présence d’ours et de bauges dans la grotte de Cussac était postérieure à la présence et aux activités humaines.
Voir également Les techniques utilisées dans l’art pariétal
Des recherches moins invasives mais complexes
Les études continuent sur le site mais sont dépendantes des afflux récurrents de gaz carbonique qui complique son accès ainsi que les recherches. De fait la grotte n’est accessible que quelques semaines dans l’année.
La fragilité de la grotte interdit aux chercheurs de déplacer les éléments des sépultures ou de toucher les parois. C’est donc grâce aux nouvelles technologies de prise de vue que les études sont réalisées : imagerie 3 D et photogrammétrie. Toutefois, afin de réaliser une étude paléogénétique et une datation précise des fossiles humains, des échantillons ont été prélevés.
Si l’on a déjà retrouvé des tombes intentionnelles du gravettien c’est la première fois que l’on exhume plusieurs sépultures dans une grotte ornée de cette période. Par ailleurs l’étude des « tombes » montre clairement qu’il existait des pratiques funéraires bien particulières. Cette étude a été publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences
Des restes humains enterrés depuis 25 à 30 000 ans
Les chercheurs ont identifiés deux zones où se trouvaient ces restes humains
La première zone (loci 1 et 2, à 150 mètres de l’entrée) comprend le squelette d’un jeune adulte mâle dans une bauge d’ours, réarrangé suite à une inondation post-décomposition, et les restes fragmentaires d’au moins deux individus répartis sur deux bauges d’ours, triés anatomiquement dont la plupart des éléments ont été mis d’un côté de la bauge. Un ocre rouge a été retrouvé sur certains ossements et sur le fond de la bauge. La deuxième zone (locus 3) contient les restes de deux adultes et d’un adolescent répartis de manière variable le long de la pente, mais globalement séparés en membres inférieurs d’un coté et supérieurs de l’autre. La seule décoration associée aux restes humains est un pigment rouge sur certains os ou sédiments sous-jacents.
La position des ossements, leurs arrangements est, selon l’étude, un indice que les dépouilles des défunts ont été déplacés et transportés après s’être décomposés. Constat similaire dans la deuxième zone de la grotte : les ossements des trois individus ont étés mélangés mais il semble, dans un deuxième temps avoir été triés et assemblés en fonction de leur position anatomique – dans la partie inférieure ou supérieure du corps. Certains crânes sont manquants alors que des dents étaient toujours présentes. Pour les chercheurs il apparait que les ossement ont donc été déplacés après la décomposition des corps.
Le préhistorien Jacques Jaubert précise que « tous les fossiles ont été positionnés de manière particulière. Dans certains cas, les os de plusieurs individus étaient mêlés »
L’anthropologue Sébastien Villotte observe que la grotte de Cussac présente quelques liens entre l’art pariétal et les fossiles. Les ossements des gravettiens étaient mélangés entre eux, comme les figures des animaux qui semblent entremêlées sur les parois. Pour l’anthropologue cela pourrait témoigner de pratiques mortuaires spécifiques et complexes chez ces groupes humains gravettiens
Sources :
2020 Complex mortuary dynamics in the Upper Paleolithic of the decorated Grotte de Cussac, France
Grotte de Cussac, – 30000 Sous la co-direction de Jacques Jaubert Cussac est une grotte à la fois ornée et sépulcrale. Venant marquer les 20 ans de la découverte, le présent ouvrage collectif sera le premier sur ce site sans équivalent. Généreusement illustré, dirigé par le responsable du projet collectif de recherche (Jacques Jaubert) et deux actrices décisives dans la conduite des études et la conservation du site (Valérie Feruglio et Nathalie Fourment), il se propose d’entraîner le lecteur dans une visite-découverte pas à pas du réseau souterrain. Les derniers résultats de la recherche seront ici dévoilés afin de partager avec le plus grand nombre ce qui fait de Cussac un site exceptionnel… | |
La grotte de Cussac – 30 000 – Un livre de Jacques Jaubert |
Laurent Carozza, Cyril Marcigny