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Les cultures lithiques de la Préhistoire
Les cultures lithiques
Moustérien, Magdalénien, Aurignacien, Solutréen…
La pierre, contrairement aux matériaux organiques, se conserve intacte au fil des millénaires. C’est donc principalement sur l’outillage en pierre que se basent les chercheurs pour définir et étudier les cultures successives, complexes et variées, des hommes préhistoriques.
Pourquoi des cultures lithiques ?
Si les ancêtres de la lignée humaine et ceux des chimpanzés utilisaient comme outils des objets naturels non modifiés, les outils en pierre taillée ne sont apparus qu’il y a 2,7 millions d’années, en Afrique. C’est le début de la Préhistoire, qui s’intéresse aux cultures pré-humaines et humaines, dont les outils en pierre ne sont que le noyau visible, les autres matériaux ne laissant pas de traces aussi durables. Au fur et à mesure de l’évolution, objets en bois, os, ivoire ou bois de cervidés, parures et manifestations artistiques s’associeront aux productions en pierre pour enrichir les cultures humaines.
Mais ce sont les vestiges des travaux sur minéraux (tels le silex), seuls disponibles aujourd’hui, qui fondent les différentes périodes de l’Age de pierre, ou Paléolithique : on parle d’industries lithiques (industrie au sens « d’activité humaine pour produire des objets », et lithique signifiant « de pierre »), émanations de cultures lithiques (façons de percevoir son environnement, et donc de travailler la pierre).
C’est le préhistorien Gabriel de Mortillet qui va le premier classer les époques du Paléolithique en fonction des types d’outils et des sites. En 1869, il publie « Essai d’une classification des cavernes et des stations sous abri, fondée sur les produits de l’industrie humaine ».
Photo : Gabriel de Mortillet – Musée des Antiquités Nationales devenu Musée d’Archéologie Nationale
Aujourd’hui la notion de culture lithique est jugée trop simpliste et peu trop réductrice par de nombreux préhistoriens. Ainsi, la préhistorienne Laure Fontana indique. « Alors que recouvre le terme de culture paléolithique utilisée jusquà présent ? Leur dénomination et leur classification, issues du travail de Gabriel de Mortillet puis de Henri Breuil, ont été établies à partir de catégories fondées sur la typologie des industries lithiques qui, ordonnées dans le temps, sont devenues des périodes, avant d’être perçues comme des systèmes culturels, pour être souvent assimilées à des ethnies. Ainsi en-est-il des Aurignaciens, des Gravettiens, etc, qui occupaient tel espace, à telle période, et dont la culture serait caractérisée par certain types d’outils lithiques, une façon de tailler le silex ou de transformer le bois de renne, ou encore une forme et un style d’expression graphique, voire une pratique funéraire ou un mode de subsistance« . Les sociétés de chasseurs de rennes du Paléolithique récent en France, Laure Fontana – Les cahiers de la MSHE Ledoux – Presses universitaires de Franche-Comté.
Une expertise scientifique
La réalisation de ces outils demandait une connaissance des matériaux, une grande dextérité, et parfois une grande intelligence conceptuelle. Pour tirer tout le parti de ces vestiges, archéologues et préhistoriens doivent donc non seulement décrire l’outil, mais aussi s’attacher à comprendre les différentes étapes de sa conception et de sa réalisation, afin de le mettre en perspective dans l’évolution des cultures lithiques. La fabrication d’un outil témoigne d’une chaîne opératoire souvent complexe.
Les scientifiques ont élaboré tout un vocabulaire pour qualifier les caractères d’une pierre taillée et les indices qu’elle donne : sur un nucléus (bloc de roche de départ), l’endroit où manque un éclat (prélevé) s’appelle le négatif d’enlèvement, les arêtes formées après l’impact sont les nervures, etc.
Des techniques variées
Différents vestiges peuvent être trouvés : outils (ou armes) finis, nucléus, éclats résiduels ou intentionnels de diverses formes et tailles…Deux techniques fondamentales ont été utilisées par les hommes préhistoriques : le façonnage (pour donner forme à un bloc de départ, les éclats étant alors des déchets), et le débitage (pour obtenir des éclats utilisables).
Le débitage en éclats peut être obtenu par pression, mais il l’est le plus souvent par percussion, avec un percuteur dur, en pierre, ou plus tendre, en bois végétal ou de cervidé (ce qui donne des éclats plus fins). La technique dite « débitage Levallois » est une étape essentielle des cultures du Paléolithique moyen. Le débitage peut être également laminaire. Les éclats obtenus par débitage peuvent être ensuite retouchés (c’est la confection ou retouche ou réaffutage) sur un ou plusieurs bords, pour obtenir des racloirs ou des grattoirs, par exemple. Les éclats fins et allongés, produits en série, sont appelés lames ou lamelles, selon leurs dimensions.
Outils et espèces humaines
Ossements humains et outils se trouvent parfois sur un même site, permettant d’associer une culture et une espèce humaine. Ce n’est pas toujours le cas. En l’absence de fossiles humains, on hésite parfois sur l’auteur – ou le détenteur – de certains objets, certains d’entre eux pouvant appartenir à des cultures voire à des espèces différentes.
La datation des ossements fossiles donne la succession – et souvent la contemporanéité – des différentes espèces pré-humaines ou humaines. Il en va différemment pour les industries. Certains objets sont présents au cours de « super-périodes » culturelles et perdurent avec plusieurs espèces (surtout au Paléolithique ancien). D’autres, en revanche, ne sont présents qu’au cours de phases culturelles plus courtes et ne caractérisent qu’une partie de la durée d’une espèce (notamment au Paléolithique supérieur, au cours duquel Homo sapiens a inventé plusieurs cultures).
Difficulté de caractériser les cultures
Ces cultures lithiques ont des dates de début et de fin approximatives, souvent différentes d’un auteur à l’autre. Elles se chevauchent parfois (une culture pouvant être contemporaine d’une autre durant des milliers d’années), ou se fondent l’une dans l’autre (l’une évoluant « insensiblement » vers l’autre). Enfin, une même culture lithique peut s’épanouir à des époques différentes d’une région du monde à l’autre. D’où une certaine « élasticité » des dates et des durées, souvent minime au regard des échelles de temps impliquées.
Pour certains préhistoriens la dénomination « d’industries lithiques » est trop rigide et ne se base que sur les sites découvert en France. Ils préfèrent renommer de « techno-complexes » ces méthodes différentes de taille des outils.
Si certaines cultures lithiques, très localisées ou peu individualisées, ne sont pas reconnues par tous les spécialistes, ceux-ci s’accordent en revanche sur l’existence de huit grandes cultures, réparties sur tout le Paléolithique. Leurs noms dérivent des lieux géographiques où ont été trouvés les principaux gisements, ou les plus typiques. Ces sites sont appelés éponymes.
Les cultures du Paléolithique
Au Paléolithique inférieur (2,8 millions d’années à 300 ou 200 000 ans, selon les auteurs), apparaît en Afrique de l’Est la culture dite de l’Oldowayen (2,7 à 1,3 Ma) qui donne les premiers galets aménagés (« Pebble culture »), utilisés par Homo habilis, Homo rudolfensis et Homo ergaster (ou Homo erectus africain), et peut-être aussi par les paranthropes. Puis vient l’Acheuléen (1,5 Ma à 200 000 ans), qui commence lui aussi en Afrique, avec des bifaces, et va jusqu’au début du débitage Levallois. Culture associée à Homo ergaster, à Homo heidelbergensis et à Homo erectus.
Au Paléolithique moyen (300 ou 200 000 à 35 000 ans), apparaît une certaine standardisation du débitage et de la retouche, ainsi que l’apogée de la technique Levallois : c’est le Moustérien, associé à Homo neanderthalensis et, dans une moindre mesure, à Homo sapiens, en Europe et au Proche-Orient.
Au Paléolithique supérieur, enfin (40 ou 35 000 à 10 000 ans), le Châtelperronien (38 000 à 30 000 ans), associé à Néandertal, est la dernière déclinaison du Moustérien. Parallèlement, l’Homme de Cro-Magnon (Homo sapiens), venu du Moyen-Orient, développe en Europe l’Aurignacien (40 000 à 25 000 ans), avec notamment une importante industrie sur os. Puis cet Homo sapiens, désormais la seule espèce humaine, fait naître différentes cultures, caractérisées par un éventail de matières premières (pierre, os, bois de renne, ivoire), de formes, de tailles, d’utilisations très diversifiées : ce sont le Gravettien (- 28 000 à – 22 000 ans), le Solutréen (22 000 à 17 000 ans) et le Magdalénien (17 000 à 10 000 ans).
F. Belnet
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Hominides.com remercie Brigitte et Gilles Delluc pour leur participation à la rédaction de ces pages.