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Chimpanzés, australopithèques, nids nocturnes et sommeil paradoxal
Chimpanzés, australopithèques, nids nocturnes et sommeil paradoxal
Publiée fin mars 2012 dans l’American Journal of Physical Anthropology, une étude internationale montre que certains chimpanzés, contrairement à la plupart des autres, dorment au sol. Ce qui suggère que les préhumains auraient pu faire de même, avec peut-être à la clé un bénéfice neurocérébral décisif…
L’étude
Une équipe de chercheurs des universités de Cambridge et de Kyoto, dirigée par Kathelijne Koops, a étudié les groupes de chimpanzés sauvages de Seringbara, dans les monts Nimba (Guinée), qui, comme tous leurs congénères, construisent des nids de branchages et de feuilles – généralement dans les arbres – pour y passer la nuit. Or, sur 634 nids nocturnes étudiés, 90 étaient édifiés au sol. Dans 46 d’entre eux (ainsi que dans des nids perchés), les scientifiques ont prélevé des poils et analysé leur ADN, qui révèle qu’au moins 12 individus – appartenant à 2 communautés différentes – dormaient à terre (au moins occasionnellement). Si les chimpanzés de Nimba ont peu de prédateurs, des nids au sol similaires ont été observés en République démocratique du Congo, où les léopards abondent.
Pourquoi les chimpanzés ?
Bâtir des nids est un comportement universel chez les grands singes, qui appartiennent comme l’homme à la famille zoologique des hominidés. Le bonobo et le chimpanzé, plus légers que les gorilles et les orang-outans, en construisent un (chacun) dans les arbres, tous les soirs. Leur lignée est celle qui s’est séparée de la notre le plus récemment. Cette double proximité et les règles de la phylogénétique suggèrent que notre dernier ancêtre commun (puis ses successeurs, les préhumains) aurait bien pu, lui aussi, porter en lui les fondements de ce comportement. Étudier le passage de la nidification arboricole à la nidification terrestre chez le chimpanzé peut donc nous éclairer sur le même phénomène dans l’histoire de la lignée humaine.
Des implications importantes
Jusqu’à présent, il était supposé que nos ancêtres australopithèques (-5 à -2 Ma environ), aux mœurs partiellement arboricoles comme le montre l’anatomie de leurs fossiles, dormaient dans des nids nocturnes haut perchés pour se protéger des prédateurs. Et que leurs descendants, les premiers Homo, n’avaient commencé à passer la nuit au sol qu’une fois le feu maîtrisé (avec Homo erectus, il y a 0,4 à 1 Ma).
« La nidification au sol peut [donc] s’établir en dépit de la présence de prédateurs, et sans l’utilisation du feu », déduit Kathelijne Koops de son étude des chimpanzés, suggérant que les australopithèques peuvent donc avoir adopté cette pratique, bien avant l’apparition d’H. erectus. Or, selon Thomas Wynn, de l’Université du Colorado, dormir au sol permet d’augmenter la durée de la phase du sommeil dit paradoxal, aux effets ‘paralysants’ – donc peu compatible avec le fait de dormir dans les branches – mais essentiel à la consolidation de la mémoire et à la cognition !
« Boucle évolutive »
Kathelijne Koops envisage ainsi un processus rétroactif où coucher au sol aurait commencé à ‘booster’ l’évolution cognitive des hominidés, leur permettant d’apprendre à mieux se protéger des prédateurs – par l’usage ultérieur du feu, notamment – et à bénéficier ainsi d’un sommeil (au sol) toujours plus bénéfique sur le plan cérébral, etc. etc.
Mais prouver tout cela sera difficile, selon Carol Ward, de l’Université du Missouri, qui souligne les importantes différences entre chimpanzés et australopithèques, et qui conclut : « ce sujet va loin dans le domaine de la spéculation... ».
C.R.
Sources
NewScientist,
AJPA Extract
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